CESNUR - center for studies on new religions

LE MANDAROM ET LES "TALIBANS DE LA REPUBLIQUE"

par Jean-François Mayer ("La Liberté" (Fribourg) - 8 septembre 2001)

En 1990 et 1991, les adeptes de la religion aumiste annoncèrent les couronnements successifs du «Messie cosmoplanétaire», de son nom civil Gilbert Bourdin (décédé en 1998). Des médias aussi sceptiques qu'amusés s'empressèrent: groupe pittoresque et cérémonies hautes en couleurs, que demander de mieux pour les photos de presse et reportages télévisés?
Un représentant aumiste m'adressa même un courrier insolite: pourquoi n'avoir jamais parlé d'eux dans mes livres? Plus habitué à des invitations à me taire, je lui dis mon étonnement face aux efforts de ses coreligionnaires pour se trouver à la une de médias qui se moquaient gentiment d'eux. Sans importance, répliqua-t-il: plus on parle de nous, plus cela nous fait connaître.
Provocation raëlienne
D'autres groupes choisissent cette tactique pour s'assurer un écho sans commune mesure avec leur importance réelle: la stratégie de la provocation des raëliens en offre un exemple. Après la destruction de leur statue, les aumistes sont peut-être moins convaincus des bienfaits de l'exposition en première ligne. Ils prétendent que le permis de construire qu'ils avaient reçu les autorisait à édifier l'insolite monument; le tribunal qui a jugé l'affaire s'en est montré moins convaincu. Ce n'est d'ailleurs pas le Mandarom qui est démoli, mais uniquement l'une des statues.
Le dynamitage masque en fait des développements qui dépassent le Mandarom. Le quotidien Libération rapporte ces commentaires du procureur des Alpes de Haute-Provence: «Les temps ont changé. Cette statue ne pourrait plus être construite aujourd'hui. Il y a dix ans, un type qui se promenait avec des clochettes, on trouvait ça rigolo. Aujourd'hui, on sait tout ce qu'il y a d'intellectuellement dangereux dans ces sectes, en termes d'emprise sur la conscience sur les individus.»
Il existe en France une volonté politique de lutte contre les sectes. En février 1976, quand le député socialiste Alain Vivien s'indignait de voir Moon à Paris appeler ses fidèles à «sauver la nation française», le Ministre de l'Intérieur lui rétorquait que la protection des libertés individuelles primait tant qu'il n'y avait pas atteinte à l'ordre public. Aujourd'hui, Alain Vivien préside la Mission interministérielle de lutte contre les sectes, rattachée au Premier Ministre. L'intitulé de cet organisme ne laisse aucun doute: l'approche adoptée par le gouvernement français tranche par son côté militant.
Militant antisecte
S'il ne s'agissait que de prévenir d'autres affaires de l'OTS, tout le monde applaudirait. Mais tant l'épiscopat que les réformés français, peu suspects de sympathies sectaires, s'inquiètent. En mai 2000, Jean-Arnold de Clermont, président de la Fédération protestante de France, expliquait dans un entretien à l'hebdomadaire La Vie: «j'observe une volonté de voir ressortir un anticléricalisme laïcard.» Et d'enfoncer le clou: «A terme, les Eglises sont tout autant visées que les nouveaux mouvements spirituels.»
Difficile de définir la secte; demain, une communauté religieuse honorable, mais aux pratiques intenses, pourrait-elle se retrouver dans le collimateur?
Pour brider les religions
Les héritiers idéologiques de la Révolution française ont toujours éprouvé une instinctive méfiance face à la religion, et surtout à son influence possible dans la société. Bien sûr, il existe différentes approches de la laïcité en France, y compris une laïcité ouverte et qui essaie de gérer la pluralité des croyances avec respect. Pour d'autres milieux, en revanche, l'étendard laïc semble rester un instrument destiné à brider les religions: la question des sectes est prétexte commode pour relancer à couvert la lutte contre «l'obscurantisme».
Il s'agit même de l'exporter, d'autant plus que les critiques américaines face aux initiatives françaises incitent à chercher des alliés. Des délégations françaises ont par exemple participé l'an dernier à une conférence sur les sectes dans une Chine communiste pour laquelle la controverse autour de Falun Gong s'inscrit dans un contexte plus large de contrôle du religieux «sauvage».
Le modèle français
Le Bureau de la sécurité de Hong Kong suggère depuis quelques mois que les mesures françaises en matière de sectes pourraient tenir de lieu de référence pour l'adoption d'une loi antisectes; en face, l'évêque catholique et les militants des droits de l'homme de Hong Kong affichent leur peur de voir de telles mesures utilisées pour entraver toutes les communautés religieuses.
Les aumistes comparent les dynamiteurs de la statue du Mandarom aux destructeurs afghans des monuments bouddhiques de Bamian. Laissons les historiens de l'art décider si la comparaison est légitime. C'est plutôt l'action et les motivations des Talibans de la République, prédicateurs du modèle français de la «lutte contre les sectes», qui méritent l'attention.

Anti-Cult Law in France - Index Page
Full text of the law in French


[Home Page] [Cos'è il CESNUR] [Biblioteca del CESNUR] [Testi e documenti] [Libri] [Convegni]
cesnur e-mail
[Home Page] [About CESNUR] [CESNUR Library] [Texts & Documents] [Book Reviews] [Conferences]