CESNUR - Centro Studi sulle Nuove Religioni diretto da Massimo Introvigne
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The 2007 International Conference
June 7-9, 2007
Bordeaux, France
Globalization, Immigration, and Change in Religious Movements

À la jonction du christianisme et du bouddhisme : les UUBU (unitariens universalistes bouddhistes)

by Molly CHATALIC (Docteur, Université Michel de Montaigne Bordeaux 3)

A paper presented at the 2007 International Conference, Bordeaux, France. Please do not reproduce or quote without the consent of the author.

English abstract :

At the crossroads between Christianity and Buddhism

Buddhism  has been in the process of establishing itself for more than a century in the United States following two dynamics : first the migratory movements originating from Asia, and secondly, the interest shown by non-Asian Americans for a practice which can be diversely qualified as a religion, a philosophy, or a way of life. This path differentiates itself from other American religious traditions mainly by its non-monotheistic character. Its empirical and pragmatic approach to the existential questions of life help to explain why it attracts many non-Asians. How does one reconcile one's belonging to a traditional American spiritual group and one's interest in an Oriental tradition ? Universalist Unitarians are one of the only religious associations which accept this double allegeance..

What are the characteristics of this dual practice and how do they translate into its institutions ? Will the UUBU identity become representative of a dominant future liberal movement in American Buddhism as practiced by « converts » ? How do other UU groups react to this fusion, and how typical is it for a tradition which is integrating more and more non-traditional groups such as the Wiccans ? Are UUBUs present only in the United States ?

French abstract :

À la jonction du christianisme et du bouddhisme : les UUBU (Unitariens Universalistes Bouddhistes)

Le bouddhisme s'établit depuis plus d'un siècle aux États-Unis en suivant une double dynamique : celle des mouvements migratoires en provenance de l'Asie, et celle de l'intérêt professé par des Américains non-asiatiques pour une pratique qui peut être diversement qualifiée de religion, de philosophie, ou de mode de vie. Cette voie se démarque des autres traditions religieuses américaines principalement par son caractère non-monothéiste . Son approche empirique et pragmatique des questions posées par l'existence humaine explique son attrait pour de nombreux non-Asiatiques. Comment concilier à la fois son appartenance à un groupe spirituel issu de la tradition américaine et un intérêt pour une tradition venue d'Orient ? Les Unitariens Universalistes sont une des rares associations religieuses à accepter cette double adhésion.

Quelles sont les modalités de cette pratique duelle et comment se traduisent-elles dans les institutions ? L'identité UUBU est-elle l'expression d'un futur courant libéral dominant dans le bouddhisme américain parmi les « convertis »? Comment cette fusion est-elle perçue par les autres groupes UU  et dans quelle mesure s'insère-t-elle dans une tradition qui intègre de plus en plus de groupes non-traditionnels tels celui des Wicca ? Sa pratique se limite-elle au territoire états-unien ?

Introduction

Le bouddhisme s'établit depuis plus d'un siècle aux États-Unis en suivant une double dynamique : celle des mouvements migratoires en provenance de l'Asie, et celle de l'intérêt professé par des Américains non-asiatiques pour une pratique qui peut être diversement qualifiée de religion, de philosophie, ou de mode de vie. Cette voie se démarque des autres traditions religieuses américaines principalement par son caractère non-monothéiste et non-théiste. Son approche empirique et pragmatique des questions posées par l'existence humaine explique son attrait pour de nombreux non-Asiatiques. Comment concilier à la fois son appartenance à un groupe spirituel issu de la tradition américaine et un intérêt pour une tradition venue d'Orient ? Les unitariens universalistes sont une des rares associations religieuses à accepter cette double adhésion, et certaines valeurs communes aux deux traditions peuvent expliquer leur confluence.

Cette rencontre entre unitariens universalistes et bouddhistes soulève de nombreuses questions. Quelles sont les modalités de cette pratique duelle et comment se traduisent-elles dans les institutions ? L'identité UUBU est-elle l'expression d'un futur courant libéral dominant dans le bouddhisme américain parmi les « convertis » ? Comment cette fusion est-elle perçue par les autres groupes UU  et dans quelle mesure s'insère-t-elle dans une tradition qui intègre de plus en plus de groupes non-traditionnels tels celui des Wicca ? Sa pratique se limite-elle au territoire états-unien ?

Genèse de la découverte

Lors de recherches effectuées dans le cadre d’une thèse sur l'implantation du bouddhisme aux États-Unis, une des principales caractéristiques de l'expansion de ces groupes bouddhistes à avoir retenu notre attention est leur très grand éclectisme. Cette grande diversité existe de part et d'autre entre ce qu'on peut désigner d'un côté par l'appellation de bouddhisme asiatique aux États-Unis et de l'autre de bouddhisme américain « de souche » (nous faisons référence ici aux travaux du professeur Paul Numrich qui a mis en évidence l'existence de ce qu'il appelle des « congrégations parallèles »). Parmi ces groupes innombrables, certains étaient désignés par des acronymes dont la rime accrocheuse interpellait naturellement la curiosité ou pouvait prêter à sourire. Il s'agissait en particulier de ceux des JUBU et des UUBU, le premier désignant les juifs bouddhistes et le deuxième les unitariens universalistes bouddhistes. Dans les deux cas, les personnes se reconnaissant sous ces appellations revendiquaient la double appartenance à une tradition ancrée dans l'histoire et la culture américaines et à une nouvelle pratique religieuse ou spirituelle d'origine asiatique. Nous avions traité assez longuement des JUBU dans notre thèse et avons donc choisi de nous intéresser au bouddhisme des groupes unitariens universalistes car, à ce jour, il n'existe à notre connaissance que très peu de publications de recherche à ce sujet.

Sources utilisées 

Les principales sources auxquelles on peut avoir accès dans la recherche sur les UUBU sont celles qu'offre l'utilisation d'Internet : il s'agit principalement des archives de la liste de discussion du UUBU Fellowship, et des différents sites internet des groupes unitariens universalistes. Le Unitarian Universalist Buddhist Fellowship publie également un journal ou newsletter  qu'il envoie à ses membres. Une correspondance par courrier électronique et des entretiens téléphoniques viennent compléter ses sources. Chacun connaît les réserves qui peuvent être émises sur les sources provenant d'Internet, mais elles deviennent de plus en plus incontournables dans l'étude de nouveaux groupes religieux et leur caractère mouvant est un reflet de l'évolution parfois rapide de ces groupes.

L'émergence du UUBuddhism : quelques repères

Aujourd'hui, de nombreux Américains élevés comme chrétiens s'intéressent au bouddhisme. Certains adoptent des techniques qui les aide à grandir dans leur foi d'origine, d'autres rejettent leur religion de naissance pour adhérer pleinement à celle qu'ils viennent de découvrir. Les catholiques semblent en général plus enclins à accepter une double identité religieuse, du moins jusqu'à un certain point au niveau doctrinal. On peut citer le cas du prêtre jésuite et maître Zen Robert Kennedy Roshi comme exemple d’un pratiquant endossant une double fonction. Son groupe principal situé dans le New Jersey s’appelle Morning Star Zendo, mais il dirige douze autres groupes affiliés dans la région de New York. Pour les Américains protestants qui pratiquent le bouddhisme tout en gardant des affinités avec leur pratique religieuse d'origine, il n'y a pas d'appellation établie. On parle de la protestantisation du bouddhisme, mais cela concerne avant tout l'assimilation de valeurs morales ou culturelles caractéristiques de la majorité protestante par la minorité bouddhiste ou de l'adaptation de ces valeurs aux pratiques bouddhistes. Les Églises protestantes ne conçoivent pas en général une double appartenance religieuse et dans le cas du bouddhisme, la définition de ce qui est divin suppose,  pour un pratiquant protestant, un revirement théologique d’une certaine ampleur : le divin n'est plus « Dieu » (et encore moins « Dieu le Père ») mais la « nature de Bouddha » ou le potentiel d'éveil qui est censé résider en chaque être sensible, aussi bien dans les animaux que dans les humains et même dans les êtres invisibles à nos yeux qui résident soit dans les enfers, dans les divers mondes célestes ou qui sont encore des esprits avides qui n'arrivent pas à satisfaire leur grande soif. Pour les protestants qui pratiquent la méditation Vipassana ou Zen, ces sujets ne sont pas très souvent abordés et ne semblent donc pas poser de problème en général. Par contre, l'exclusivité du credo chrétien, et les enseignements bouddhistes sur le karma et la renaissance sont d'autres points de doctrine qui peuvent entrer en conflit. Mais l'éthique prônée dans chacune des traditions est souvent très similaire (même si les bases doctrinales les justifiant diffèrent) et permettent de trouver un terrain de rencontre.

Ce sont les unitariens universalistes, issus des branches les plus libérales du christianisme, qui accueillent des groupes clairement définis comme ayant une appartenance duelle, prolongeant ainsi une tradition d'ouverture de plus en plus grande qui a pour résultat le fait qu'ils ne peuvent plus tous être vraiment considérés comme exclusivement chrétiens. On trouve ainsi des bouddhistes qui affirment clairement une double appartenance identitaire : les UUBU, ou Unitarian Universalist Buddhists. Pour les UUBU eux-mêmes, leur double allégeance ne fait aucun doute et ils trouvent au sein des églises UU un terrain de réconciliation entre des identités multiples.

Rappelons pour mémoire les grandes lignes historiques de l’universalisme unitarien pour mieux contextualiser le développement du bouddhisme UU dans le paysage religieux américain. En tant que doctrine niant la réalité de la Trinité, l’unitarisme fut rejeté par le Concile de Nicée en 325, mais renaquit en tant que courant religieux dans l’Europe du seizième siècle en Transylvanie et en Pologne avec les Sociniens, du nom de l’oncle et du neveu italiens qui fuirent l’Italie pour fonder une église antitrinitaire. Un autre défenseur de l’unitarisme, l’espagnol Michel Servet, fut condamné à brûler sur le bûcher à Genève au cours d’un procès auquel prit part Calvin en 1553 après avoir fui l’Inquisition qui l’accusait d’hérésie. De son côté, l’universalisme fut propagé en Angleterre au dix-huitième siècle par James Relly. Aux États-Unis, une église universaliste fut fondée officiellement en 1793 sous l’égide de John Murray. John Priestley établit celle des unitariens en 1825 après quelques décennies de désaccord entre diverses congrégations sur des questions doctrinales. Dès 1819, William Ellery Channing (1780-1842) avait donné un sermon sur le christianisme unitarien qui avait aidé à éclaircir certains points doctrinaux et à consolider l’existence d’une église unitarienne indépendante. Les unitariens ont compté de nombreux Américains célèbres parmi leurs rangs, dont John et Jane Adams, Thomas Jefferson, Louisa May Alcott, Benjamin Franklin, Susan B. Anthony, Ralph Waldo Emerson, Oliver Wendell Holmes, Henry David Thoreau, et Daniel Webster. En 1961, The American Unitarian Association et The Universalist Church in America fusionnèrent pour former The Unitarian Universalist Association, basée à Boston dans le Massachussetts, où l’on trouve également leur maison d’édition, Beacon Press. Le président actuel, le Réverend William Sinkford, est le premier Africain Américain à occuper ce poste dans une tradition religieuse traditionnellement dominée par des Blancs.

Les unitariens ont une longue histoire commune avec le bouddhisme, car plusieurs de leurs membres s'y intéressaient déjà au dix-neuvième siècle. La première traduction aux États-Unis d’un enseignement du Bouddha, l’introduction au Soutra du Lotus, fut l’œuvre de l’unitarienne Elizabeth Palmer Peabody (1804-1894) à partir de la version française d’Eugène Burnouf. Henry Thoreau la publia dans The Dial, le journal du cercle des Transcendantalistes. L’ouverture doctrinale des unitariens universalistes leur permit de s’intéresser très tôt à d’autres sources d’enseignement de la vérité, et après la fusion des unitariens et des universalistes dans les années soixante, cette ouverture rendit plus compatible une allégeance à la fois au christianisme et au bouddhisme. Considérés au début comme une branche de christianisme libéral, les unitariens universalistes ne se définissent plus comme exclusivement chrétiens, mais comme accueillant des chrétiens en leur sein (ceux-ci représenteraient environ 20% de leurs membres[1]). Leur maître mot est la liberté de croyance, et les autres valeurs prônées sont la raison, et la tolérance. Ils se considèrent comme une “tradition vivante”, s’adaptant au temps et s’ouvrant pour être toujours plus inclusifs. Cette inclusivité se reflète dans les réponses à une enquête menée par James Casebolt et de Tiffany Niekro de l’Université du Ohio pour déterminer les différentes tendances des unitariens universalistes. Il était possible de choisir plusieurs descripteurs ce qui explique les résultats : les humanistes étaient majoritaires à 54%, les agnostiques et les « eco-centriques » (earth-centered ) représentaient respectivement un tiers, les athées atteignaient 18% et les bouddhistes 16,5%. Les chrétiens ne représentaient plus que 13, 1%,  le même pourcentage que les « païens »[2]. Ces chiffres peuvent étonner. Mais ils se comprennent si l’on considère que la plupart des UU n’ont pas été élevés dans ce groupe et viennent d’autres traditions religieuses à la recherche d’une communauté plus tolérante ou dans laquelle ils peuvent trouver, par exemple, un terrain favorable pour élever leurs enfants si les deux parents sont de religion différente.

L’unitarisme universel s’est ouvert au cours des décennies aux autres traditions religieuses, fidèle à ses principes de tolérance et de poursuite de la vérité. En 1987 il reconnut les Wicca et le CUUPS (ou Convenant of Unitarian Universalist Pagans) fut fondé. Il existe des groupes UUP dans presque 40 états. Puis en 1995, les traditions « centrées sur la Terre » (ou earth-centered traditions) ainsi que les religions asiatiques furent reconnues comme une source des enseignements spirituels des UU également. Le bouddhisme intégra donc officiellement le paysage spirituel des UU dans les années quatre-vingt-dix en tant que source de sagesse. L’auto-identification de UU en tant que bouddhistes a connu un bond entre l’enquête de l’Association Unitarienne Universaliste de 1997 (où ils représentaient 3,6%) (UUA Needs and Aspirations Survey) et celle de Casebolt en 2001 (où ce chiffre passait à 16,5%), mais on peut supposer que le chiffre était déjà plus élevé en 1997 car alors les répondants n’avaient la possibilité de choisir qu’un seul auto-descripteur théologique (single theological self-descriptor).

En pratique, les groupes des Unitarian Universalist Buddhists se créent à l'initiative de personnes appartenant à une église unitarienne universaliste, intéressées par le bouddhisme ou ayant une pratique bouddhiste. Il peut s’agir de deux personnes au début qui se découvrent un intérêt commun pour le bouddhisme et qui organisent un groupe de méditation ou de lecture de textes qui s’insère dans le calendrier d’activités de leur église UU. Le nombre de groupes est en croissance : il existait quatre-vingts groupes UUBU dans vingt États des États-Unis en 2004, et dans le bulletin d'information du « UU Sangha » (en automne 2005), cent treize groupes de UUBU étaient répertoriés, répartis dans trente-quatre États. Le nombre de centres au dernier recensement était de cent vingt-cinq dans trente-sept états en novembre 2006[3]. Jeff Wilson, éditeur de ce bulletin avance le chiffre de dix mille UUBU, mais il ajoute que « le nombre de UU s'intéressant de façon générale au bouddhisme est très supérieur » (Wilson cité par le magazine Buddhadharma (summer 2004) : 86).

Confluence entre des valeurs issues d'un courant libéral d'origine chrétienne et celles du praxis bouddhique

L'hybridation est un phénomène qui caractérise actuellement un certain nombre d'identités religieuses aux Etats-Unis. Elle permet de ne pas trancher et de conserver des liens entre les diverses racines culturelles, sociales ou familiales auxquelles une personne peut être rattachée par l'effet de la grande mobilité de cette société. Dans le cas de toutes ces identités hybrides, on peut remarquer la perméabilité particulière qui existe entre les différentes religions ou identités culturelles et le bouddhisme. Cette hybridation se fait en général du plus ancien (que ce soit une religion ou une identité culturelle) vers le nouveau (par exemple vers le bouddhisme dans le cas qui nous concerne). Dans certains cas, des acronymes se voient consacrés par l'usage (bien que ceux qu'ils désignent les rejettent aussi parfois). Les plus connus sont ceux des JUBU et des UUBU. Les nombreuses possibilités d'hybridation en direction du bouddhisme dénoteraient une certaine acceptation, et tolérance de celui-ci au stade actuel de son développement aux États-Unis. L'accueil des différences, tout comme l'intégration d'identités multiples lui permet de toucher une part beaucoup plus large de la population que ne le ferait une attitude d'exclusivité. Cet accueil et cette ouverture vers les autres est un des premiers traits que les unitariens universalistes ont en commun avec les groupes bouddhistes aux États-Unis. Cela explique peut-être la facilité et la rapidité de jonction entre les deux formes de pratiques, l’une ayant ses origines dans le christianisme et l’autre dans une tradition basée fondamentalement sur la méditation.

L'intérêt du groupe des UUBU réside ainsi dans sa position à la confluence du christianisme et du bouddhisme, même s'il s'agit dans les deux cas de versions très tolérantes au niveau doctrinal. Les unitariens universalistes jouent un rôle important de point de vue de cette convergence entre le christianisme et le bouddhisme : ils semblent présenter un refuge pour certains membres déçus d'autres Églises chrétiennes ou en rupture avec des groupes bouddhistes moins tolérants. Certains des thèmes abordés dans la liste de discussion des UUBU sur Internet démontrent leur préoccupation identitaire. La question du trait d'union a donné lieu à de nombreux échanges. Récemment le titre d'un des fils de discussions utilisait l'inversion de l'acronyme habituel : ainsi on pouvait lire l'interrogation « Buddhist UUers ? » Parmi les différents thèmes, l'activisme social vient en bonne position également, et un échange bref mais passionné a accompagné le débat national sur l'exclusion du passage « under God » du serment d'allégeance. La question féministe a récemment donné lieu à une discussion suivie. Dans un message concernant les différences d'interprétation doctrinale et terminologique (ici sur le sens des mots « pardon » et « péché »), un membre UU BU s'est excusé d'employer le mot « Dieu » qui pour elle faisait partie du passé. Pour certains, leur appartenance à l'Église unitarienne universaliste ne les satisfait pas pleinement du point de vue de l'apport chrétien, alors que la contribution bouddhiste répond à leurs attentes. Pour d'autres, l'équilibre entre les deux voies semble pleinement leur convenir. Samuel Trumbore, président du Unitarian Universalist Buddhist Fellowship, a affirmé que : « L'unitarianisme universel et le bouddhisme sont tous deux très importants comme sources de sens et de réflexion pour mon ministère et pour mon propre développement. Je ressens entre les deux beaucoup de compatibilité et de synergie, et cela continue à évoluer ». Nous voyons ici un terrain de recherche potentiellement riche pour approfondir la recherche sur les convergences et les divergences théoriques et pratiques entre une forme de christianisme très libéral, et le bouddhisme tel qu'il est pratiqué par les Américains.

Si l’on s’appuie sur les sept principes de l’unitarianisme universel qui ne font plus référence d’ailleurs au christianisme, deux en particulier retiennent l’attention comme point de jonction entre des valeurs essentielles communes à cette tradition libérale et au bouddhisme : le premier principe affirme « la valeur et la dignité inhérentes à chaque personne » et le quatrième met en avant « la quête libre et responsable de la vérité et du sens ». Nous pourrions retraduire le premier en termes bouddhiques en utilisant la notion de potentiel d’éveil qui existe en chaque être (bien que les bouddhistes ne limitent pas cette valeur aux seuls êtres humains). Quant au quatrième principe, la recherche de la vérité et du sens est la base même de la démarche bouddhique. En termes de vision de l’univers et de la nature des phénomènes, le septième principe qui fut rajouté en 1985 et qui prône « le respect pour le réseau interdépendant de toute l’existence dont nous faisons partie » rappelle l’image du « filet de joyaux d’Indra » des enseignements bouddhiques de l’Avatamsaka Sutra. D’autres termes dans les principes trouvent aussi une résonance dans les deux traditions : la compassion, la communauté, le soutien dans la recherche spirituelle, les valeurs morales et éthiques, la tolérance et la connaissance.

La composition sociologique de la plupart des groupes de convertis du bouddhisme américain les situe dans les classes éduquées blanches moyennes ou moyennes supérieures bien que ce profil soit en train de changer avec le succès de certains groupes dans leurs efforts de diversification sociale. Les unitariens universalistes sont souvent représentés comme ayant un profil sociologique similaire. Par rapport à d’autres groupes chrétiens, être UU  va souvent de pair avec une connotation “intellectuelle”. Les membres de cette tradition sont d’ailleurs parfois qualifiés de libres-penseurs (free thinkers) et la liberté de recherche (free inquiry) occupe une place prépondérante. Les questions de la diversification et de l’ouverture des UU aux minorités commencent à se poser et il est significatif que le révérend William Sinkford, que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer comme étant le premier Africain Américain élu à la tête des unitariens universalistes, eût quitté cette association dans les années soixante en raison de la politique raciale de celle-ci. Avant la fusion des deux courants, les églises universalistes étaient en fait celles qui faisaient le plus d’efforts d’inclusion des minorités (notamment des esclaves noirs affranchis) et d’ouverture (avec l’ordination de femmes pasteurs dont la première fut Olympia Brown en 1863).

Dans la recherche de la vérité, la question de l’autorité demeure fondamentale. Sur quelle autorité accepte-t-on un fait comme une vérité ? Les deux traditions semblent se rejoindre sur ce point, en affirmant que l’autorité finale réside en la personne qui fait l’expérience de la vérité. Les unitariens universalistes font référence à la conscience, à la raison et à l’expérience personnelle. Lorsqu’ils affirment qu’il faut tester la compréhension spirituelle avec le cœur et l’esprit, en rappelant que l’autorité ne peut résider en un livre, une personne ou une institution, ce qui vient immédiatemment à l’esprit est la référence quasi constante de nombreux bouddhistes américains convertis au sutra énoncé par le Bouddha au peuple de Kalama dans lequel ils leur conseillaient de tout tester par eux-mêmes avant d’accepter une vérité enseignée par quelqu’un. L’absence de dogme et de croyance est un trait commun récurrent. Pour adhérer aux UU, il faut s’inscrire sur un registre et accepter de se joindre au dialogue du groupe. Le cas des bouddhistes est un peu plus complexe car traditionnellement on devient bouddhiste en prenant refuge. Mais cet aspect n’est pas toujours mis en avant par les convertis ou sympathisants qui lisent des textes bouddhiques ou pratiquent la méditation. L’engagement reste très ouvert. Le prosélytisme n’est pas du tout de mise, et l’accent portera plutôt sur la discrétion dans les deux traditions.

Modalités pratiques et institutionnelles

 L’unitarianisme universel fonctionne sur un modèle congrégationaliste dans lequel il n’y a pas d’autorité centrale, chaque groupe choisissant son pasteur et s’autofinançant. Ces congrégations ne sont pas liées par un credo, mais sont associées par un accord (convenant).  Les différents groupes UU sont caractérisés par leur grand éclectisme : il n’y a pas de modèle unique, car le cadre UU qui est très flexible s'adapte et chaque congrégation prend une coloration propre selon le profil de ses membres. On retrouve ce grand éclectisme et adaptabilité dans les différents groupes UUBU qui sont apparus au sein des congrégations UU. Les principales traditions bouddhiques représentées dans les noms des groupes ou dans la description qu’ils font de leur propre forme de pratique restent majoritairement le Zen et le Vipassana, avec le bouddhisme tibétain dans une moindre mesure. Le mode de fonctionnement démocratique qui caractérise les congrégations UU se reflète également dans l’organisation décisionnelle au cœur des sanghas (communuatés) UUBU.

Le fait qu'il existe un grand nombre de groupes UUBU peut inciter de nouveaux groupes à se former plus facilement, en se référant aux autres qui existent déjà et au succès qu'ils connaissent. Les différents groupes sont liés par le Unitarian Universalist Buddhist Fellowship qui, comme l'évoque son président Samuel Trumbore, cherche encore à définir sa place et son rôle au sein de l'église unitarienne universaliste : « Le problème auquel notre groupe doit réfléchir est celui de l'identité et de l'avenir de cette organisation ». Il rappelle aussi que « cette organisation s'est réunie de façon impromptue lorsque quelques pasteurs UU découvrirent leur intérêt mutuel pour le bouddhisme au cours des années quatre-vingts » . De genèse récente, les groupes de UUBU apparaissent comme des passerelles intéressantes bien que mal connues dans le paysage du bouddhisme aux États-Unis. Trumbore fait également allusion au rôle qu'ils seront amenés à jouer : « Les liens étroits entre l'unitarianisme universel et le bouddhisme ont […] un fort potentiel pour effectuer des transformations positives dans les deux traditions ». Leur particularité est d'être ancrés au sein du réseau des églises unitariennes universalistes qui leur procurent (pas toujours sans controverse) un espace de pratique et de réunion, un lieu d'existence physique sans qu'il leur soit nécessaire, comme dans le cas d'autres groupes bouddhistes, de procéder à la location, à l'achat ou à la construction d'un lieu spécifiquement bouddhiste.

La double appartenance ne se traduit pas seulement au niveau des pratiquants ou des membres des groupes UUBU. En effet, il est possible de tenir un rôle d'enseignant à la fois dans l'église unitarienne universaliste et dans une école ou tradition bouddhistes, puisque nous avons l'exemple de James Ford, qui est à la fois pasteur unitarien universaliste dans le Massachusetts et maître Zen reconnu de deux lignées bouddhistes japonaises (les lignées des « Trois Trésors » du Diamond Sangha et du Dharma Cloud Lineage de Shasta Abbey). Lui-même insiste sur l’importance d’une lignée de transmission authentique dans le bouddhisme. Son organisation qui porte le nom de Boundless Way Zen, regroupe trois centres affiliés dans le Nord-Est. Les raisons de l'existence de cette forme de groupe sont à chercher dans le nouveau pluralisme religieux américain, comme l'explique James Ford sur le site Internet du réseau. Il met en avant le fait que la majorité des membres sont des bouddhistes nés aux Etats-Unis qui ont trouvé un accueil au sein de communautés unitariennes universalistes et qui y transmettent à leur tour des pratiques bouddhistes. L'accent mis dans ses communautés sur la famille et les enfants serait l'avantage principal qu'ils y trouveraient par rapport à des groupes bouddhiques plus traditionnels. Ford parle aussi de l'importance du « dialogue fertile et constant » qui s'est instauré dans ces groupes. Pour lui, cette appartenance multiple est le « grand trait d'union qui dynamise le chemin religieux contemporain libéral »[4]. Dans sa recherche sur ce groupe et dans l’article qu’elle a écrit et qui s’intitule « UNITARIAN UNIVERSALISM AND ZEN BUDDHISM : Negotiating Personal Freedom and Community Structure », Shelby Meyerhoff a remarqué en particulier que les membres respectaient l'essence de chaque religion tout en intégrant des éléments de chacune dans leurs vies. L’organisme de Ford conserve le modèle d’église et non celui d’un centre résidentiel contrairement à ce qui se fait dans de nombreux groupes bouddhistes, surtout Zen et tibétain. La nef de l’église sert d’espace de méditation. Un détail typiquement américain qui a son importance pour permettre le rassemblement de nombreux membres est le grand parking mis à la disposition des pratiquants. Pour Ford, deux facteurs jouent un rôle primordial dans sa congrégation : l’ouverture aux laïques pratiquants du bouddhisme et l’esprit de communauté qui contre l’individualisme et la tendance à la privatisation de la pratique religieuse aux États-Unis.

Cependant, la plupart des groupes UUBU semblent moins structurés et organisés que celui du réseau de James Ford. Le grand éclectisme du bouddhisme américain se retrouve, comme évoqué ci-dessus, dans les diverses traditions adoptées par les différentes communautés UUBU. Les particularités se traduisent dans les formes de pratique adoptées par le groupe : méditation silencieuse, récitations, prières, lectures ou études de certains textes. Ces choix dépendent de l'initiateur, de la majorité représentative du groupe et de leur degré d'instruction dans le bouddhisme. Certains groupes UUBU nés au sein d’églises UU ont pris une certaine indépendance par la suite. C’est le cas par exemple de l’EBS (Ecumenical Buddhist Society) dans l’État de l’Arizona qui a constitué une association parallèle avec un statut et des règles à respecter pour les six différents groupes bouddhistes qui en font partie. Chacun doit notamment inviter un maître représentant de leur école ou de leur tradition à venir une fois par an pour enseigner et mener une retraite[5]. L’église UU a servi, dans ce cas, de point de rencontre et de lancement pour un centre bouddhiste « œcuménique » qui fonctionne sur un mode « démocratique ».

La première assemblée générale des UUBU s'est tenu du 29 avril au 1er mai 2005, et restera sans doute une date de référence dans l'histoire de leur développement. Cette première convocation nationale en l'honneur des dix ans d'existence du UU Buddhist Fellowship réunit cent trente participants, dont la majorité venait de la Côte Est. Les quatre présentations principales portaient sur l'histoire des liens entre l'unitarianisme universel et le bouddhisme, sur le bouddhisme Zen Rinzai et Soto, sur le bouddhisme tibétain dzogchen, et sur le MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction) enseigné aux enfants et aux adultes. Les cérémonies d'ouverture et de clôture inclurent des prières unitariennes universalistes, des chants bouddhiques, et des écrits de Thoreau et d'Emerson.

La convocation d'avril 2007 mit l'accent sur le bouddhisme de l'engagement social, avec la présence de Bernie Glassman et d'Eve Marko, maîtres bouddhistes américains et fondateurs de l'ordre des Zen Peacemaker connu principalement pour ses actions sociales. Ce changement de thématique se traduisit dans les autres événements prévus au programme : la présentation d'un moine tibétain de son projet de bouddhisme engagé, une communication par un membre d'un groupe intervenant dans les prisons, une information sur le travail environnemental d'un monastère Zen américain, et l'ajout d'une journée supplémentaire avec des ateliers de mouvement et de peinture. Cette évolution de thèmes historiques vers des sujets plus engagés semble refléter une préoccupation actuelle des bouddhistes américains : comment agir et vivre de façon active son engagement spirituel dans la société.

Un futur bouddhisme libéral dominant parmi les « convertis » ?

Cette question, qui fait référence au titre d’un article[6] publié par James Ford, pasteur UU et maître Zen, nous semble d’une importance cruciale lorsqu’on étudie les formes actuelles extrêmement diverses qu’adopte le bouddhisme aux États-Unis et ses points d’interaction et de pénétration dans le paysage religieux traditionnel des Américains. Les nombreuses écoles et communautés bouddhiques qui s’établissent se distinguent souvent par leur composition ethnique ou des formes de pratique rituelle spécifique aux origines asiatiques de leur tradition. L’interaction entre les différents groupes se limite  la plupart du temps à des rencontres annuelles pour des célébrations des dates importantes du bouddhisme ou au partage d’un espace de pratique en attendant que chaque groupe ait les moyens de s’établir dans un lieu indépendant. Il n’y a pas ou peu de contact avec les églises locales qui représentent pourtant une composante importante de la communauté locale. Contrairement aux temples bouddhiques asiatiques, les groupes de bouddhistes « convertis » offrent très rarement un espace de socialisation où toute la famille est bienvenue.

Sur tous ces points, la combinaison entre les UU et les bouddhistes peut représenter une alternative d’inscription religieuse dans la société américaine. Selon James Ford, l’éducation religieuse offerte aux enfants est le premier avantage qu’offre l’adhésion à une église UU. Connaître les grandes traditions du monde pour ensuite se forger une opinion personnelle et être éduqué dans les grandes questions éthiques et morales est une façon d’offrir la liberté religieuse à l’individu.

Le libéralisme des UU s’exprime également dans la déclaration de leurs principes et de leurs buts. Ils veulent promouvoir « la pleine participation des personnes dans toutes leurs activités ... sans aucune discrimination basée sur  la race, la couleur, le sexe, les capacités, l’orientation sexuelle, l’âge ou l’origine nationale ». Ils ne requièrent aucune adhésion à une « interprétation religieuse spécifique ou à une croyance ou à un credo particulers ». L’important reste l’individu dans sa quête, qu’il soit chrétien, juif, bouddhiste, humaniste, athée ou païen. Ford met en avant les fondements rationalistes de l’unitarianisme universel qui cherche la vérité dans des sources spirituelles très diverses et rappelle la position unique des congrégations UU qui ont choisi d’être « ouvertes »[7]. Dans le cas des UUBU, l’appartenance duelle représente un avantage certain pour les membres qui veulent conserver un lien avec le mainstream tout en explorant leur intérêt pour une tradition venue d’Asie. Elle permet d’être dans la norme tout en poursuivant des intérêts plus « exotiques ». Même des Américains libéraux peuvent préférer ne pas trop se démarquer du courant dominant.

Quant à la question de savoir si les UUBU deviendront un courant libéral dominant parmi les bouddhistes « convertis », cela dépendra du processus d’ouverture et de démocratisation entamé par d’autres groupes bouddhistes de convertis. Certains, tels ceux du Insight Meditation Society et de la plupart des groupes Zen font déjà des efforts conscients pour s’ouvrir aux groupes minoritaires, pour fonctionner selon un mode administratif démocratique et pour mener des actions sociales dans leur communauté locale. Le bouddhisme jouit déjà en lui-même d’une image libérale aux États-Unis en raison de sa tolérance supposée. Même les traditions plus conservatrices venues du Sud-Est asiatique ont dû s’adapter dans une certaine mesure à la norme sociale américaine. Il est vrai que le contact avec les positions unitariennes universalistes sur l’ordination des femmes, sur l’homosexualité et sur l’engagement social amène obligatoirement leurs membres bouddhistes à se pencher sur ses questions. Néanmoins, la dominance des UUBU en termes de chiffres ou de notoriété n’est pas encore avérée. Ce sont les facilités d’expansion que représentent leurs liens avec le réseau existant d’églises UU qui pourraient, à long terme, leur conférer une place importante parmi les bouddhistes américains.

Accueil et perception par les UU

Les membres de ces groupes de pratique bouddhiste qui se créent au sein des églises UU ou en association avec celles-ci sont généralement bien acceptés par la majorité représentative de leur communauté spirituelle. Il peut arriver qu’il y ait des heurts avec d'autres membres de leur Église qui ne respectent pas forcément le silence pendant leurs réunions de méditation ou qui ne leur accordent pas toujours un lieu de réunion. Cela semble ce produire dans le cas où le groupe UU serait majoritairement de coloration chrétienne et n’ait pas encore eu à expérimenter une forte diversification des penchants spirituels de ses membres. Sur la liste de diffusion du UUBF, pour contrer les inquiétudes d'un membre unitarien universaliste qui exprimait ses doutes sur le caractère idolâtre du bouddhisme, deux autres membres de la liste de diffusion des UUBU ont pu lui suggérer la lecture d'un certain nombre d'ouvrages en vue de le rassurer sur la nature de cette religion « païenne ». Tous ces livres, à l'exception du dernier, étaient rédigés par des Américains  et les titres font presque tous référence à la fois au christianisme et au bouddhisme (Living Zen, Loving God ; Beside Still Waters: Jews, Christians, and the Way of the Buddha ; Zen Spirit, Christian Spirit : The Place of Zen in Christian Life ; Zen Gifts to Christians ; Jesus and Buddha: The Parallel Sayings ; The Ground We Share: Everyday Practice, Buddhist and Christian ; Zen and Christian: The Journey Between ; The Mystic Heart , et The Good Heart : A Buddhist Perspective on the Teachings of Jesus). Dans le cas de l’ouvrage intitulé The Mystic Heart, référence fut faite à Thomas Keating en tant que membre d'un groupe de catholiques à l'esprit ouvert qui ont mis l'accent sur la Prière du Cœur. Cette forme de prière est une des principales méthodes qui permettent à certains de voir de grandes similitudes entre des pratiques chrétiennes et bouddhiques.

Le phénomène typiquement américain des bouddhistes hybrides ou « à trait d'union » (hyphenated) qu'il soient JUBU, UUBU ou autres est revendiqué surtout par des jeunes  d'appartenances et d'identités multiples. Un phénomène parallèle existe aussi chez les Asiatiques qui adhèrent à d'autres courants religieux davantage dans la norme (mainstream) en vue d'une intégration plus rapide et plus facile, avant de retourner parfois vers le bouddhisme après une génération chrétienne ou athée, suivant peut-être la logique du  « rational choice theory », le choix rationnel étant l'appartenance qui leur offrira la meilleure équation d'intégration et de gratification personnelle. Pour les générations plus âgées, établies de longue date dans leur tradition religieuse, ces glissements interreligieux peuvent être difficiles à comprendre ou à accepter. L’accent mis sur le dialogue et la libre enquête (free inquiry) dans l’unitarianisme universel facilite la compréhension et l’acceptation mutuelles entre les membres d’une tradition dont les sources d’inspiration se sont décuplées au cours de ces dernières décennies. L’inquiétude des générations plus âgées de UU ne porte pas tant sur l’adhésion des jeunes à d’autres traditions que sur la tendance actuelle des UU à embrasser une attitude plus religieuse, théiste ou spirituelle, par opposition à une position humaniste, rationnelle et séculière. Dans la mesure où les traditions bouddhiques pratiquées par les UU restent centrées sur la lecture, l’étude, la discussion, et la méditation, elles ne devraient pas exacerber les inquiétudes des humanistes rationalistes. Ce n’est que dans le cas d’adoption de pratiques plus ritualistes et de concepts difficilement vérifiables scientifiquement que les tensions réapparaîtront entre la vieille garde UU et la nouvelle génération de UUBU.

Des UUBU dans le monde ?

Les églises unitariennes sont présentes en Europe depuis le seizième siècle où il existe également des communautés universalistes. Actuellement, des groupes UU sont établis dans une vingtaine de pays. Dès la formation en 1961 de l’Association Unitarienne Universaliste aux États-Unis, une branche canadienne s’était créée (le CUC ou Canadian Unitarian Council). Elle est devenue indépendante en 2002. En Europe, Les Unitariens Universalistes Européens (EUU) rassemblent environ deux cents membres répartis dans différents pays d’Europe. Ils organisent des retraites bi-annuelles et publient un bulletin d’informations semestriel. En France, l’organisation principale (UUFP : Unitarian Universalist Fellowship of Paris) est basée à Paris et rassemble principalement des membres originaires des États-Unis et de la Grande Bretagne depuis 1986. Fondée en 1995, le Conseil International des Unitariens Universalistes (ICUU) fédère de nombreux groupes au niveau mondial. Toutes ces associations et regroupements dénotent d’un développement assez récent et rapide, s’inscrivant dans le processus de mondialisation des groupes religieux. Les UUBU ne semblent pas encore avoir essaimé dans beaucoup d’autres pays en dehors des États-Unis, mais au fur et à mesure que des congrégations UU s’établissent en dehors du sol états-unien, les contacts se multiplieront peut-être avec des pratiquants ou des sympathisants du bouddhisme qui s’est déjà répandu, quant à lui, de façon importante dans la plupart des pays européens et sud-américains (et qui commence à toucher quelques pays du Moyen Orient et d’Afrique). L’attrait se manifestera surtout pour ceux qui ont des racines culturelles ou cultuelles chrétiennes et qui reconnaîtront dans les groupes UU un espace ouvert à une pratique à la fois chrétienne et bouddhiste. Le cas d’Américains UUBU s’établissant à l’étranger et fondant leurs propres groupes semblent représenter une possibilité encore très réduite pour le moment, d’autant plus que les UU (et encore moins les UUBU) n’ont aucune activité missionnaire. À ce jour, nous n’avons connaissance que de l’existence de trois ou quatre UU français en France, et d’un seul UUBU. On peut encore difficilement parler de congrégation !

Conclusion

Suivant une première migration de l’Europe vers les États-Unis, les deux courants unitarien et universaliste ont convergé dans les années soixante pour former une église unique rassemblant un millier de congrégations. Avec leur position d’ouverture de plus en plus prononcée, les églises UU ont offert un lieu de développement favorable à des embryons de groupes bouddhistes constitués de sympathisants ou de « convertis », en jouant le rôle de « hôte » matériel et spirituel. L’implantation d’un bouddhisme « en mutation » aux Etats-Unis peut se faire en s’appuyant sur le réseau des congrégations UU qui subissent ainsi, à leur tour, une évolution de l’intérieur. La double adhésion de la plupart des membres du réseau des groupes UUBU est facilitée par la position de plus en plus non exclusive des UU où ceux qui se considèrent comme chrétiens ne représentent plus qu’une minorité. La coloration chrétienne perdure néanmoins chez les UU dans l’utilisation de vocables et de symboles spécifiques et dans le format des services du dimanche et des cours d’éducation religieuse offerte tant aux adultes qu’aux enfants. Le bouddhisme des UU, quant à lui, s’adapte en se focalisant en priorité sur les Deux Joyaux que sont le Dharma (l’enseignement) et le Sangha (la communauté), et en laissant en arrière-plan le Bouddha comme objet de révérence. Les groupes UUBU sont et demeurent une spécificité américaine, fruit de la mondialisation du bouddhisme et de l’ouverture d’une église, chrétienne à l’origine, vers l’intérêt de ses membres pour les apports de cette mondialisation. Contrairement à d’autres nouveaux mouvements religieux, ce réseau ne semble pas avoir soulevé de controverses jusqu’à présent. Les UU ont commencé à se disséminer dans le monde. Il est fort probable que quelques spores UUBU suivront les mêmes courants.

 

Bibliographie :

DART John. «  'UUism' unique : Churchgoers from elsewhere », Christian Century, December 5, 2001 

FORD James. « The Emergence of a Liberal Buddhism », UUSangha, Vol. IX, N°3, p. 7-10.

MEYERHOFF Shelby. « UNITARIAN UNIVERSALISM AND ZEN BUDDHISM : Negotiating Personal Freedom and Community Structure »
(http://www.boundlesswayzen.org/meyerhoff.html (page consultée le 10 avril 2007 )).

NUMRICH Paul David. Old Wisdom in the New World: Americanization in Twio Immigrant Theravada Buddhist Temples. Knoxville : University of Tennessee Press, 1996, 181 p.

STRICKLAND Johnye. Message 3, UUBF-L Digest, Vol 51, Issue 8, mardi 10 avril 2007.

UU Sangha Newsletter

UUFP Newsletter

 

Sites Internet :

http://www.uua.org/uubf/

http://www25.uua.org/uubf/uusangha.htm (page consultée le 10 avril 2007) (site permettant de  consulter les archives de UU Sangha, le journal des UUBU publié depuis 1994).

http://www.rfuu.net/groupes.htm (regroupement francophone des unitariens universalistes) (page consultée le 28 janvier 2007).

http://bob.swe.uni-linz.ac.at/euu/euu.html (sur les European Unitarian Universalists) (page consultée le 7 janvier 2007).

http://www.eastern.ohiou.edu/academic/casebolj/www/research/index.html (Pour les résultats d’une enquête sur l’identité des UU, page consultée le 12 mai 2007).

http://religiousmovements.lib.virginia.edu/nrms/uua.html (site d’information sur les unitariens universalistes page consultée le 12 mai 2007).

http://www.religionlink.org/tip_041011a.php (site d’information sur les Wiccans et le CUUPS, page consultée le 12 mai 2007).

http://www.cuups.org/content/resources/re/brief1.html (site d’information sur le CUUPS, page consultée le 12 mai 2007).

http://www.religion-online.org/showarticle.asp?title=2111 (page consultée le 10 avril 2007)

http://www.wvinter.net/~haught/quandary.html (point de vue d’un UU humaniste rationel, page consultée le 12 mai 2007).



[1] http://www.uua.org/aboutuu/history.html

[3] http://www25.uua.org/uubf/pgroup.html (page consultée le 12 mai 2007).

[4]  http://www.boundlesswayzen.org/meyerhoff.html (page consultée le 10 avril 2007).

[5] Johnye Strickland, message 3, UUBF-L Digest, Vol 51, Issue 8, mardi 10 avril 2007.

[6] James Ford. « The Emergence of a Liberal Buddhism », UUSangha, Vol. IX, N°3, p. 7-10.

[7] http://www.uua.org/uubf/sermon1.htm#invitation.