CESNUR - Centro Studi sulle Nuove Religioni diretto da Massimo Introvigne
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The 2007 International Conference
June 7-9, 2007
Bordeaux, France
Globalization, Immigration, and Change in Religious Movements

La Divina Commedia et la réintégration universelle: indices textuels d'une apocatastase origénienne

by Antonio SORO (Doctorant, Università di Sassari)

A paper presented at the 2007 International Conference, Bordeaux, France. Please do not reproduce or quote without the consent of the author.

“La Divina Commedia de Dante Alighieri est la narration de la transmutation d’un monde déchu, voire la description d’une apocatastase menée par le Christ (…) C’est réellement l’histoire d’une transfiguration, où le monde corrompu est reconsacré par le Christ (…) La source littéraire principale c’est le long discours de Pythagore dans les Métamorphoses d’Ovide”[1].

     C’est ainsi que je commençais, il y a deux ans, une publication  par laquelle je communiquais à un auditoire restreint la découverte qui à moi même paraissait surprenante. Avec le temps, de nouveaux éléments textuels ont encore plus renforcée ma conviction que le poème dantesque est une glose à  l’oeuvre d’Origène.

Dès les premiers Canti de sa Commedia, Dante manifeste, par des nuances subtiles, son intolérance que le monde païen soit sans remède perdu.

Pour les initiés de l’antiquité – écrit Guénon – “ce dont il s’agit est l’unité doctrinale essentielle qui se dissimule derrière leur apparente diversité. Et peu après il ajoute que ce n’est pas “par l’effet d’un «syncrétisme» superficiel, que Dante a employé indifféremment, selon les cas, un langage emprunté soit au christianisme, soit à l’antiquité gréco-romaine”[2].

“Le voyage de Dante – nous dit Guénon – s’accomplit suivant l’«axe spirituel» du monde; de là seulement, en effet, on peut envisager toutes choses en mode permanent, parce qu’on est soi-même soustrait au changement, et en avoir par conséquent une vue synthétique et totale”[3].

Il existe donc un point d’arrêt à la chute, à la dégradation ; un point d’arrêt à partir duquel, quand l’autre moitié du cycle se réalise, tout se renverse.

 

     C’est par six acrostiches inverses que Dante exprime le voyage à rebours de la conscience, en écrivant ainsi, d’une façon cachée, les péchés dont il s’est taché : chaque fois que, au Purgatoire, un ange lui efface un P, voici , écrit au contraire, le péché dont il est purgé. Quelques–uns de ces acrostiches ont peut–être besoin d’analyses ultérieures, mais on peut déjà dire que l’hypothèse d’un retour à l’ordre primordial est bien fondée.

Le premier que je découvris et qu’on est encore en train d’analyser, j’en eus l’intuition en lisant les vers où Dante touche son front dans le cercle des superbes.

C’est bien là en effet que Dante fournit au lecteur un indice, et en lisant au contraire on décèle l’ acrostiche OM MALAIDV AROGANC, (homme malade d’arrogance?).[i]

A remarquer la manière dont Dante écrit les acrostiches  : dans le cercle des coléreux on lit à chaque tercet l’acrostiche inverse CVPO OM, visible comme CVPO MO[ii]. Imaginez cette inscription sur le front de Dante disposée sur deux lignes. Comme au cinéma nous voyons l’ange qui pour commencer efface OM en mouvant l’aile de gauche à droite et après,  par un retour de l’aile de droite à gauche, il efface CVPO.

Un acrostiche inverse particulier est au 12e canto du Purgatorio, aux vers 25-139: il nous décèle en Sapia, la femme couverte de haillons, la citoyenne de la seule cité , disant d’elle-même qu’elle ne fut pas sage et revenant au Seigneur vers la fin de sa vie, la Sophie des mythes : en effet, écrit au contraire, on lit à chaque tercet l’acrostiche PREESISTO (je préexiste)[iii]. L’acrostiche est entrecoupé de la lettre Q, selon l’habitude de Dante d’utiliser parfois un code cabalistique.  Eh bien, Sapia est décidément l’épouse de l’esprit qui pécha de présomption et à cause de son péché précipita dans la matière et dans la corruption. Voilà pourquoi les tentatives de situer historiquement ce personnage ont, d’une façon  ou d’une autre, échoué.

 

     J’ai commencé ma communication en parlant d’apocatastase et il faut avouer que, par eux-mêmes, les éléments indiqués jusqu’ici ne sont pas du tout suffisants.

Le canto qui donne des indices solides c’est le 19e du Purgatorio : un chant difficile, très compliqué et emblématique  en considération des acrostiches découverts.

Il s’ouvre par un rêve de Dante : les rêves de Dante, tout comme ses évanouissements sont théophaniques. Ici il rêve de la femmina balba, la femme bègue .

La femmina balba mystérieuse qui paraît ici est l’image parfaite de la luxure, séduit, ensorcelle mais, dès que Virgile, qui incarne la Raison,  intervient, elle se montre tout à fait répugnante.

Après qu’elle a déclaré avoir amené Ulysse à son canto, là où paraît la femme santa e presta (sainte et prompte) au secours des deux poètes, on lit le premier acrostiche: OLISS[iv], c’est-à-dire Ulysse. Elle a vraiment amené Ulysse à son canto, mais non au sens immédiat du mot : nous en sommes au canto des avares et prodigues auquel correspond dans l’Inferno – si l’on considère le premier canto un proème – le chant où sont décrites les peines des sorciers et des devins.

Qu’il me soit permis de mettre ainsi en relation les trois cantiche du poème, puisqu’elles offrent d’innombrables parallélismes et symétries.

Au 19e du Purgatorio nous assistons, d’un point de vue différent,  à une action qui est aussi le propre d’une sorcière: la femmina balba est en train d’amener Ulysse à son canto. Cependant, ici elle nous apparaît agir non comme une magicienne mais comme une enchanteresse.

Soixante vers après voici un autre acrostiche, IULV[v], soit aux lettres initiales des quatre premiers vers soit, en commençant par le même vers, pendant quatre tercets consécutifs. IULV qui est à entendre comme Jules César.

Qu’est-ce qui est-en train d’arriver?

Par l’acrostiche OLISS  on a la parution d’Ulysse comme symbole de l’homme victime des passions; par IULV c’est l’amour pour le pouvoir qui entre en scène, sous forme de césaropapisme, selon ce  que dit le pape Adrien V .

Or, le placement de IULV au 19e canto crée un déséquilibre dans l’état d’existence inférieur, puisque César n’est pas au 20e canto de l’Inferno mais dans les Limbes. César pourrait bien, pourtant, avoir été remplacé par Manto. Celle-ci se serait rendue de son cercle aux Limbes, d’après une croyance populaire accueillie par Dante, selon laquelle Virgile  serait descendu jusqu’au  9e cercle pour remplacer provisoirement une âme évoquée par Erictho. Ce qui expliquerait la ′méprise′ apparente de Dante, une bévue grossière et difficilement croyable autrement. Il se peut qu’il ait fait allusion à Manto pour nous donner un indice voilé sur l’action de l’enchanteresse.

Mais quoi ou qui est-ce responsable du désordre des passions et politique ? Au canto des avares et prodigues il fallait en réalité mettre l’avare et prodigue par excellence, CAOS, le chaos![vi] Cet acrostiche est à l’initiale de chaque tercet aux vers 70-81.

 

Au 12e canto de l’Inferno Virgile, aux vers 34-45, en se rapportant à la doctrine d’Empédocle, fait allusion à un monde in caosso converso, converti en chaos. Or, au point de vue de  qui croit en une restauration cosmique, le chaos primordial ne peut être destiné qu’à disparaître. Ou mieux encore, il doit transmuter en harmonie. C’est-à-dire qu’il y aura un renversement en avenir. Si le chaos est un désordre cosmique qui s’oppose à la providence divine, avec d’aucuns il est soit avare que prodigue, et il agit à travers une multitude d’hommes épris d’un faux triforme amor. Où aurait-il pu le placer Dante, sinon au 19e canto du Purgatorio ? En effet, il est bien là, caché. Nascosto, comme Dante lui-même l’écrit aux vers 81-87.

On a pensé que sì risposto poco dinanzi a noi ne fu était à mettre en relation avec l’altro nascosto et que les deux se référaient au pape Adrien V. En réalité, même si le pape vient de parler en donnant des indications aux deux poètes, ici Dante ne fait pas allusion à lui. Avant tout parce que Adrien, quoique la tête baissée à terre, n’est pas du tout caché. Il est là comme tous les autres, bien visible ! C’est Chaos au contraire qui est caché, au milieu de la multitude qui expie son péché, et Dante s’aperçoit de sa présence nel parlar, donc au fil des vers.

 

A ce moment, les doutes les plus sérieux qu’on n’ait affaire à un processus cosmologique n’existent plus. Mais on est loin encore de démontrer l’hypothèse d’une œuvre origénienne.

Avant tout, il est bon de montrer qu’il s’agit d’une vision à trois niveaux différents de la même réalité. En ayant recours à la phénoménologie des religions, nous savons que les passages et les portes ont une valence bien particulière et qu’ils représentent une suggestion énorme pour un écrivain aux nombreux sens comme Dante.

Examinons les vers 16-24 d’Inf. 24e et 40-48 de Pur. 19e.[vii]

On remarque une suite de mots identiques ou synonymiques dans des vers au fur et à mesure correspondants : fronte-fronte, ponte-ponte, braccia aperse-ali aperte, la ruina-duro macigno.

Les deux scènes ont d’autres détails communs, mais ceux que nous avons indiqués suffisent à confirmer l’hypothèse d’une vision à trois niveaux distincts de la même réalité.

 

La transfiguration de cette scène au Paradiso est aux vers 10-12 du 25e :

La porte de l’enfer, devenue passage, roche entaillée au Purgatorio, est maintenant une entrée spirituelle évoquée par intra’io ; ici encore nous rencontrons les mots fronte et ponte, puisque ′ fronte ′ est le dernier mot du tercet, et Pierre est Ponti-fex  aussi bien que macigno, c’est-à-dire rocher.

Il m’est impossible ici de prendre en considération tous les éléments importants. Qu’il suffise de considérer les deux vieillards au commencement des deux premières cantiche, Caronte et Catone. Dante aurait-il choisi ce dernier comme gardien de l’entrée du purgatoire  pour sa ressemblance à Caronte, à cause de la barbe et des cheveux blancs, sa dignité à part ? Il y a une raison beaucoup plus simple : Caronte et Catone en poésie s’écrivent et sonnent Caròn et Catòn. Ce qui fait penser que chacun d’eux est la transfiguration en positif ou en négatif de l’autre.

Tout entier le poème nous apparaît une initiation à une vision du monde sous de certains aspects étonnante, rappelant pour de bon les mystères d’Eleusis ou égyptiens, liés au cycle naissance-mort-régénération.

 

Nous allons nous arrêter maintenant sur le sens général de l’ouvrage. Observons une curieuse analogie :  Lucifer est orienté comme dans l’hémisphère austral  le mythique Atlas qui soutient la voûte du ciel ; donc, ils sont placés l’un au contraire de l’autre.

Atlas est transmué par châtiment en une montagne, qui nous rappelle celle du purgatoire… Sur Lucifer tout comme sur Atlas semblent trouver un appui stable deux réalités : sur celui-là celle chaotique et dégradée, condamnée par la loi divine, une sorte d’énorme ‘vide’ plein de toute abomination ; sur celui-ci le cosmos avec ses lois fixes, la terre et la voûte du ciel . Atlas devient ainsi la montagne mystique qui mène les hommes de la perdition à la théosophie. Deux géants, l’un qui soutient le néant, l’autre qui soutient le tout. Une image merveilleuse que Dante ne nous fait qu’entrevoir.

 

On ne peut s’y tromper : l’enfer est l’utérus, tandis que l’Autre, symbolisé par le Titan mythique, est, à l’instar de ce passage des Métamorphoses, le fruit d’une conception :

 

Atlas devint un mont aussi haut qu'il était grand ; sa barbe et ses cheveux se changent en forêts, ses épaules et ses mains en crêtes. Ce qui était sa tête coiffe le sommet du mont, ses os deviennent des rochers. Alors élevé en toutes ses parties, il s'accroît immensément  (…) et le ciel tout entier avec ses astres sans nombre se repose sur lui.[viii]

 

A ce moment on pourrait s’interroger à propos de «l’albero dei pomi», l’arbre du 24e canto. Il pourrait être celui du jardin des Hespérides possédé par Atlas. Par conséquent la voix mystérieuse qui en émane serait celle du dragon Ladon.

Mais alors, sur quoi ou sur qui les deux poètes sont-ils en train de marcher ? Est-ce que le Titan n’est pas l’image de l’Adam Universel, du monde hypostatique fécondé par le Père Céleste ? Sa semence est le Christ qui va à Jérusalem, meurt, descend à l’utérus de la Terre et la féconde, en la transfigurant.

Et puisque le chemin du Christ devient le chemin de chaque créature, Dante e Virgile eux-mêmes, à leur insu, s’y trouvent entraînés. On sait que la Commedia commence par l’acrostiche NATI, considéré fortuit. Les deux poètes sortent de l’enfer renversés, parce que renversés on sort de l’utérus de la Terre, comme un enfant du ventre maternel. L’Inferno commence et se termine par une naissance : au début, nati, nés, au monde et à la corruption, à la fin, avec le renversement de Dante et de Virgile, on assiste à une naissance au ciel.

 

Si un royaume est la transmutation de l’autre, nous devrions rencontrer les personnages de l’Enfer au Paradis. Le problème se pose évidemment, en toute son énormité, quant à Lucifer. Là, je tranche net. Lucifer, au Paradis, il y est. Si dans l’Inferno l’abomination au plus haut degré est au centre de la Terre, à savoir au 34e et dernier canto, au Paradiso le prince des ténèbres, au cas de sa rédemption, sera là où la béatitude est la plus grande. En fait, Lucifer est au 33e canto du Paradiso, caché, aux vers 91-99.

Voilà LVC aux initiales des tercets, un acrostiche qui suit EON, l’autre acrostiche des vers 79-85.[ix]

 

Si l’on s’inspire d’une certaine tradition kabbalistique, la sphère de lumière où se trouve Lucifer semblerait celle du Métatron : Mais Dante va plus loin : en effet, si les trois cantiche décrivent la même réalité depuis trois différents points de vue, une sphère de lumière doit  y être dans l’enfer aussi dans un endroit de la cantica  correspondant à celui du Paradiso où est la lumière divine avec l’acrostiche LVC . Et nous la trouvons justement au 34e, là où est Lucifer. Aux initiales des tercets on lit l’acrostiche IL SOLE[x] ; aussi, où auparavant était Lucifer dans la sphère de lumière, maintenant, au monde hylique le voyons-nous renfermé dans le soleil !

Lucifer dans le soleil nous renvoie à la Cité de Dieu où Augustin réfute la théorie origénienne de l’apocatastase. Là, à propos des démons, Augustin écrit :

 

Origène devait en outre considérer que si le monde avait été créé afin que les âmes, en punition de leurs péchés, fussent enfermées dans des corps comme dans une prison, en sorte que celles qui sont moins coupables eussent des corps plus légers, et les autres de plus pesants, il faudrait que les démons, qui sont les plus perverses de toutes les créatures, eussent des corps terrestres plutôt que les hommes (…). Qu’y a-t-il, au reste, de plus impertinent que de dire que, s’il n’y a qu’un soleil dans le monde, cela ne vient pas de la sagesse admirable de Dieu qui l’a voulu ainsi et pour la beauté et pour l’utilité de l’univers, mais parce qu’il est arrivé qu’une âme a commis un péché qui méritait qu’on l’enfermât dans un tel corps ?[xi]

 

Le choix de Dante laisse peu d’espace aux ambiguïtés. C’est pourquoi l’invitation de Guénon à la critique afin que, à la lumière des nouveaux éléments textuels, on ne lise plus la Commedia dans une optique historico-structuraliste, mais en cherchant d’en saisir, par contre, le sens profond – et

par conséquent plus authentique – renvoie à une connaissance aujourd’hui presque perdue.

 

 

 

 

 



[1] A. S., Lascerò l’Eden cosmica, Edes, Sassari 2004, p.5..

[2] René Guénon, L’ésotérisme de Dante, Gallimard, Paris, 1957, p. 9.

[3] Id., p. 65.



[i]

 

Morti li morti e i vivi parean vivi:

   non vide mei di me chi vide il vero,

   quant’io calcai, fin che chinato givi.

Or superbie, e via col viso altero,

   figliuoli d’Eva, e non chinate il volto

   sì che veggiate il vostro mal sentero!

Più era già per noi del monte volto

   e del cammin del sole assai più speso

   che non stimava l’animo non sciolto,

   quando colui che sempre innanzi atteso

   andava, cominciò: «Drizza la testa;

   non è più tempo di gir sì sospeso.

Vedi colà un angel che s’appresta

   per venir verso noi; vedi che torna

   dal servigio del dì l’ancella sesta.

Di reverenza il viso e li atti adorna,

   sì che i diletti lo ‘nvïarci in suso;

   pensa che questo dì mai non raggiorna»!

Io era ben del suo ammonir uso

   pur di non perder tempo, sì che ‘n quella

   materia non potea parlarmi chiuso.

A noi venìa la creatura bella,

   biancovestito e ne la faccia quale

   pur tremolando mattutina stella.

Le braccia aperse, e indi aperse l’ale;

   disse: «Venite: qui son presso i gradi,

   e agevolmente ormai si sale.

A questo invito vegnon molto radi:

   o gente umana, per volar sú nata,

   perché a poco vento così cadi?».

Menocci ove la roccia era tagliata;

   quivi mi batté l’ali per la fronte;

   poi mi promise sicura l’andata.

Come a man destra, per salire al monte,

   dove siede la chiesa che soggioga

   la ben guidata sopra Rubaconte,

   si rompe del montar l’ardita foga

   per le scalee che si fero ad etade

   ch’era sicuro il quaderno e la doga;

   così s’allenta la ripa che cade

   quivi ben ratta da l’altro girone;

   ma quinci e quindi l’altra pietra rade.

Noi volgendo ivi le nostre persone,

   ‘Beati pauperes spiritu!’ voci

   cantaron sí, che nol diria sermone.

Ahi quanto son diverse quelle foci

   da l’infernali! Ché quivi per canti

   s’entra, e la giú per lamenti feroci.

Già montavam su per gli scaglion santi,

   ed esser mi parea troppo più lieve

   che per lo pian non mi parea davanti.

Ond’io: «Maestro, dì, qual cosa greve

   levata s’è da me, che nulla quasi

   per me fatica, andando, si riceve?».

Rispose: «Quando i P che son rimasi

   ancor nel volto tuo presso che stinti,

   saranno, com’è l’un, del tutto rasi,

   fier li tuoi piè dal buon voler sì vinti,

   che non pur se non fatica sentiranno,

   ma fia diletto loro esser sú pinti».

Allor fec’io come color che vanno

   con cosa in capo non da lor saputa,

   se non che cenni altrui sospecciar fanno[i];

                                                                                                    (Pur. XIIe, 67-129)

 

 

[ii]

 

«O Marco mio», diss’io, «bene argomenti;

   e or discerno perché dal retaggio

   li figli di Leví furono essenti.

Ma qual Gherardo è quel che tu per saggio

   dì ch’è rimaso de la gente spenta,

   in rimprovèro del secol selvaggio?».

«O ‘l tuo parlar m’inganna, o el mi tenta»,

   rispose a me; «ché, parlandomi tosco,

   par che del buon Gherardo nulla senta.

Per altro soprannome io nol conosco,

   s’io nol togliessi da sua figlia Gaia.

   Dio sia con voi, ché più non vegno vosco.

Vedi l’albor che per lo fummo raia

   già biancheggiare, e me convien partirmi

   (l’angelo è ivi) prima ch’io li paia».

Così tornò, e più non volle udirmi.

                                                                                       (Pur.XVIe, 130-145)

 

[iii] 

 

«O frate mio, ciascuna è cittadina

    d'una vera città; ma tu vuo' dire

    che vivesse in Italia peregrina».

Questo mi parve per risposta udire

    più innanzi alquanto che là dov'io stava,

    ond'io mi feci ancor più là sentire.

Tra l'altre vidi un'ombra ch'aspettava

    in vista; e se volesse alcun dir 'Come?',

    lo mento a guisa d'orbo in sù levava.

«Spirto», diss'io, «che per salir ti dome,

    se tu se' quelli che mi rispondesti,

    fammiti conto o per luogo o per nome».

«Io fui sanese», rispuose, «e con questi

    altri rimendo qui la vita ria,

    lagrimando a colui che sé ne presti.

Savia non fui, avvegna che Sapìa

    fossi chiamata, e fui de li altrui danni

    più lieta assai che di ventura mia.

E perché tu non creda ch'io t'inganni,

    odi s'i' fui, com'io ti dico, folle,

    già discendendo l'arco d'i miei anni.

Eran li cittadin miei presso a Colle

    in campo giunti co' loro avversari,

    e io pregava Iddio di quel ch'e' volle.

Rotti fuor quivi e vòlti ne li amari

    passi di fuga; e veggendo la caccia,

    letizia presi a tutte altre dispari,

    tanto ch'io volsi in sù l'ardita faccia,

    gridando a Dio: "Omai più non ti temo!",

    come fé 'l merlo per poca bonaccia.

Pace volli con Dio in su lo stremo

    de la mia vita; e ancor non sarebbe

    lo mio dover per penitenza scemo,

    se ciò non fosse, ch'a memoria m'ebbe

    Pier Pettinaio in sue sante orazioni,

    a cui di me per caritate increbbe.

                                                                                                   (Pur. XIIIe, 94-129)

 

 

[iv]

 

«O Virgilio, Virgilio, chi è questa?»,

   fieramente dicea; ed el venìa

   con li occhi fitti pur in quella onesta.

L'altra prendea, e dinanzi l'apria

   fendendo i drappi, e mostravami 'l ventre;

   quel mi svegliò col puzzo che n'uscia.

Io mossi li occhi, e 'l buon maestro: «Almen tre

   voci t'ho messe!», dicea, «Surgi e vieni;

   troviam l'aperta per la qual tu entre».

Sù mi levai, e tutti eran già pieni

   de l'alto dì i giron del sacro monte,

   e andavam col sol novo a le reni.

Seguendo lui, portava la mia fronte

   come colui che l'ha di pensier carca,

   che fa di sé un mezzo arco di ponte;

                                       (Pur. XIXe, 28-42)

 

 

[v]

 

Intra Sïestri e Chiaveri s'adima

   una fiumana bella, e del suo nome

   lo titol del mio sangue fa sua cima.

Un mese e poco più prova' io come

   pesa il gran manto a chi dal fango il guarda,

   che piuma sembran tutte l'altre some.

La mia conversïone, omè!, fu tarda;

   ma, come fatto fui roman pastore,

   così scopersi la vita bugiarda.

Vidi che lì non s'acquetava il core,

   né più salir potiesi in quella vita;

   per che di questa in me s'accese amore.

                                                                                                (Pur. XIXe, 100-111)

 

[vi]

 

Com' io nel quinto giro fui dischiuso,

   vidi gente per esso che piangea,

   giacendo a terra tutta volta in giuso.

Adhaesit pavimento anima mea

   sentia dir lor con sì alti sospiri,

   che la parola a pena s'intendea.

«O eletti di Dio, li cui soffriri

   e giustizia e speranza fa men duri,

   drizzate noi verso li alti saliri».

«Se voi venite dal giacer sicuri,

   e volete trovar la via più tosto,

   le vostre destre sien sempre di furi».

                                    (Pur. XIXe, 70-81)

 

[vii]

Così mi fece sbigottir lo mastro

   quand’io li vidi sì turbar la fronte,

   e così tosto al mal giunse lo ‘mpiastro;

   ché, come noi venimmo al guasto ponte

   lo duca a me si volse con quel piglio

   dolce ch’io vidi prima a piè del monte.

Le braccia aperse, dopo alcun consiglio

   eletto seco riguardando prima

   ben la ruina, e diedemi di piglio.

                                (Enf. XXIVe, 16-24)

 

 

Seguendo lui, portava la mia fronte

   come colui che l’ha di pensier carca,

   che fa di sé un mezzo arco di ponte

   quand’io udi’ «Venite, qui si varca»

   parlare in modo soave e benigno,

   qual non si sente in questa mortal marea.

Con l’ali aperte, che parean di cigno,

   volseci in su colui che sì parlonne

   tra due pareti del duro macigno.

                                (Pur. XIXe, 40-48)

 

[viii] Met. 657-662

 

[ix]

E' mi ricorda ch’ io fui più ardito
     per questo a sostener, tanto ch'i' giunsi
     l'aspetto mio col valore infinito.

Oh abbondante grazia ond' io presunsi
     ficcar lo viso per la luce etterna,
     tanto che la veduta vi consunsi!

Nel suo profondo vidi che s'interna,
     legato con amore in un volume,
     ciò che per l'universo si squaderna;

     sustanze e accidenti e lor costume,

     quasi conflati insieme, per tal modo

     che ciò ch’i’ dico è un semplice lume.

La forma universal di questo nodo
     credo ch'i' vidi, perché più di largo,
     dicendo questo, mi sento ch'i' godo.

Un punto solo m'è maggior letargo
     che venticinque secoli a la 'mpresa
     che fé Nettuno ammirar l'ombra d'Argo.

Così la mente mia, tutta sospesa,
     mirava fissa, immobile e attenta,
     e sempre di mirar faceasi accesa.

                                (Par. XXXIIIe, 79-99)

 

[x]

Io non mori' e non rimasi vivo;
     pensa oggimai per te, s'hai fior d'ingegno,
     qual io divenni, d'uno e d'altro privo.

Lo 'mperador del doloroso regno
     da mezzo 'l petto uscia fuor de la ghiaccia;
     e più con un gigante io mi convegno,

     che i giganti non fan con le sue braccia:
     vedi oggimai quant' esser dee quel tutto
     ch'a così fatta parte si confaccia.

S'el fu sì bel com' elli è ora brutto,
     e contra 'l suo fattore alzò le ciglia,
     ben dee da lui procedere ogne lutto.

Oh quanto parve a me gran maraviglia
     quand' io vidi tre facce a la sua testa!
     L'una dinanzi, e quella era vermiglia;

l'altr' eran due, che s'aggiugnieno a questa
     sovresso 'l mezzo di ciascuna spalla,
     e sé giugnieno al loco de la cresta:

e la destra parea tra bianca e gialla;
     la sinistra a vedere era tal, quali
     vegnon di là onde 'l Nilo s'avvalla.

                                 (Enf. XXXIVe, 25-45)

 

[xi]

 

De Civitate Dei, XIe,23 ; Ad Orosium contra priscillianistas et origenistas, VIIIe