Courants renaissants de réforme spirituelle et leurs incidences

 

par Jean-Pierre Brach et PierLuigi Zoccatelli

(publié avec l'addendum d'une discussion dans Politica Hermetica,

n° 11 - 1997, « Pouvoir du symbole », pp. 31-46)

 

1. Louis Charbonneau-Lassay et les groupements hermético-mystiques

 

Les rapports à la fois délicats et complexes entretenus par le symbolisme -- dont le rôle central dans l'approfondissement des mystères de la foi est bien établi et nous dispense de fournir ici un « état de la question » -- et le domaine habituellement défini comme « ésotérisme chrétien » se trouvent depuis déjà longtemps au centre de la recherche historique et d'un important débat de fond [1].

Louis Charbonneau-Lassay (1871-1946) -- l'auteur célèbre du Bestiaire du Christ [2] -- figure sans nul doute parmi les personnages qui ont à notre époque contribué le plus à redonner force et vigueur au symbolisme chrétien ; tant son nom que sa vie et son oeuvre sont désormais inséparables -- grâce en outre à l'intérêt que leur marqua à diverses reprises René Guénon (1886-1951) -- du débat sur l'ésotérisme chrétien et la survivance jusqu'à nos jours de réalités intimement liées à certains groupements hermético-mystiques d'origine pluriséculaire [3]. De fait, on le sait, le parcours spirituel, intellectuel et artistique de l'auteur loudunais fut particulièrement marqué par « de singulières circonstances [qui] m'ont permis d'avoir, sur plusieurs groupements hermético-mystiques du Moyen Age, et sur leurs doctrines et pratiques symboliques, une source d'information qui ne relève pas de l'ordinaire domaine de la bibliographie et qui est, pour le moins, tout aussi sûre » [4].

A partir de 1929, année où Charbonneau-Lassay se référa publiquement pour la première fois à ces faits [5], un intérêt notable a pris naissance autour de ces groupements, intérêt qui a rassemblé en premier lieu quelques chefs de file de la mouvance dite « guénonienne », parmi lesquels il faut rappeler -- en dépit des nuances qui les séparaient dans leurs approches respectives -- Marcel Clavelle (1905-1988), Georges-Auguste Thomas (1884-1966), Luc Benoist (1893-1980) et, par extension « naturelle », tous ceux intéressés peu ou prou à l'existence ou à la survivance d'authentiques organisations chrétiennes à caractère fermé.

Les allusions explicites contenues dans l'oeuvre de Charbonneau-Lassay, bien que peu nombreuses, peuvent néanmoins suffire à orienter les recherches [6]. Dans ce que nous savons figurent, avant toute chose, le nom de ces groupements hermétiques: « C'est le cas de l'Estoile Internelle qui n'a jamais compté plus de douze membres, et qui existe encore avec les manuscrits originaux du XVe siècle, de ses écrits constitutifs et de doctrine mystique » [7], « en laquelle s'incorpora plus tard la Fraternité des Chevaliers du divin Paraclet » [8]. Il n'est pas sans intérêt de rappeler que, de date récente, ont été publiés les statuts originaux de cette dernière confrérie du XVIe siècle ainsi que les modifications apportées en 1668 [9]. Quoi qu'il en soit, les études récentes se sont surtout concentrées jusqu'à maintenant sur l'existence actuelle de ces organisations, essentiellement par manque de sources directes permettant d'éclaircir leurs véritables origines. Des précisions indispensables à verser au dossier proviennent à cet égard d'un extrait manuscrit de Louis Charbonneau-Lassay, dans lequel il fait allusion non seulement aux Chevaliers du Divin Paraclet mais, en outre, à leurs origines. La référence à cet important document inédit offre ici le moyen de se risquer à une première tentative d'interprétation du contexte -- particulièrement stimulant au point de vue historique -- dans lequel s'enracine la Confrérie du Paraclet.

Aux pages de son « Journal intime » relatives à la période du 5 au 12 septembre 1938, Louis Charbonneau-Lassay évoque la venue à Loudun de Marcel Clavelle et Georges Tamos (alias Thomas) et derechef, le 10 septembre, note : « Dans l'après midi, toutes choses étant préparées, nous rétablissons en dehors du groupement secret où elle s'est perpétuée, la vieille Fraternité du Paraclet fondée ou transformée en chevalerie entre 1500 et 1510 par M. Pierre Amelot prêtre de Paris, aidé du maréchal de Gié, Pierre de Rohan, de soeur Anne de Gourdon-Genouillac, de Jacques Nyverd Maître Imprimeur à Paris et de Guillaume Briçonnet, évêque de Meaux. Le dépôt de cette Fraternité m'a été donné, par acte, par le Chanoine Barbot, en janvier 1926. M. Barbot en était chevalier-maître de par son titre de Majeur de l'Est. Int. ».

 

2. Dramatis Personae

 

La qualité de certaines au moins des personnalités énumérées ci-dessus par l'auteur du Bestiaire ne peut manquer de surprendre et appelle, à tout le moins, quelques commentaires. Commençons toutefois par un minimum de précisions d'ordre historique.

Le nom de « soeur » Anne de Gourdon-Genouillac témoigne de l'appartenance (minoritaire mais néanmoins pleinement confirmée par les statuts dont il vient d'être question) de « Dames » à la Fraternité en question et ce aux origines mêmes du Paraclet. Nous savons peu de choses sur elle si ce n'est qu'issue d'une famille du Quercy, fille de Jacques Ricard de Genouillac et de Catherine Flamarens, Dame de Brussac, elle épouse le 21 mars 1491 Foucaud de Salignac, Sieur de Magnac (près Sarlat), d'une famille qu'illustrera plus tard un certain Fénelon [10].

Jacques Nyverd, lui, est un artisan de renom. Succédant à Guillaume Ier Nyverd, probablement son père (actif vers 1500-1519), il fut libraire-juré et imprimeur de 1514 à 1548, date de sa mort. Par ailleurs officier municipal (« dizenier »), il adopta sa marque personnelle en 1528. Rappelons que les deux (puis, à l'époque, quatre) « grands libraires jurés » (cette institution disparaîtra en 1618) prêtaient serment devant le Recteur de l'Université et furent parfois soupçonnés, pour ce motif ou d'autres, de surveiller l'« orthodoxie » de leurs confrères [11].

Avec Pierre de Rohan, dit le « Maréchal de Gié », nous sommes confrontés à un personnage d'une tout autre envergure encore, et cette fois considérable. Né en 1451, il est issu des Rohan-Guéménée, branche cadette des Rohan de Bretagne. En 1475, Louis XI lui donne la terre de Gié qui se trouve ainsi au point de départ d'une nouvelle lignée au sein de cette famille. Le 11 octobre 1476, il est fait Maréchal de France; l'un des quatre « régents » du royaume durant la grave maladie de Louis XI (à Chinon, en 1480), il porte l'épée au sacre de Charles VIII (1484). C'est en son château du Verger (près Angers) que se signe la paix du 20 août 1488 consacrant la réunion de la Bretagne à la France et le 5 octobre 1490, il est nommé Lieutenant-Général d'Anjou, du Maine et des Marches de Bretagne. Présent au mariage du Roi avec Anne de Bretagne en décembre 1491, il accompagne les expéditions d'Italie à partir de 1494, mène les négociations concernant Rome avec le Pape Alexandre VI, entre à Naples en février 1495 et revient en France la même année après la paix de Verceil (Vercelli) signée du 9 octobre.

Son crédit s'accrut encore sous Louis XII, qui épousa la veuve de son prédécesseur le 8 janvier 1499. Au retour d'une nouvelle expédition militaire en Italie, il négocie à nouveau la paix et reçoit en récompense le palais des Tournelles à Paris. Beaucoup plus important, il est alors chargé par le Roi (vers fin 1500) de l'éducation du comte d'Angoulême, le futur François Ier (né en 1494), ainsi que de sa garde et de celle de sa mère, Louise de Savoie, assignés à résidence à Amboise avec Marguerite, qui deviendra Reine de Navarre. En 1503, il est fait duc de Nemours et pair de France à l'occasion de son remariage avec Marguerite d'Armagnac, de sang royal. Veuf quelques mois plus tard, il aurait songé en 1504 à épouser Louise de Savoie elle-même!

Pour celui qui était alors devenu, après le Roi, l'homme le plus puissant et surtout le plus riche du royaume, la roche tarpéienne n'était plus loin : jalousé par les grands et détesté par la Reine Anne à cause de son rôle dans les affaires de Bretagne, il est accusé par elle de lèse-majesté dès 1504 ; un premier procès lui ayant permis de se disculper, s'ensuit un second qui, le 9 février 1506, le suspend pour cinq ans de toutes ses fonctions et le relève de sa charge auprès de François d'Angoulême. Retiré alors dans son château du Verger, il retrouva par la suite la faveur du Roi, qu'il revit sans plus désormais jouer de rôle à la Cour, et mourut en son palais des Tournelles le 22 avril 1513 [12].

Quant à Guillaume Briçonnet (1470-1534), personnage encore plus connu sans doute, il représente en quelque manière une sorte de pendant ecclésiastique du précédent. On nous permettra de ne pas nous appesantir outre mesure sur sa biographie et de renvoyer aux sources le concernant [13], sauf à souligner quelques données significatives.

Appartenant à une famille déjà très riche et puissante, liée à l'aristocratie financière du royaume (les Beaune, Bohier, Berthelot, Ruzé), le futur évêque a devant lui l'exemple de son père. Ce dernier, cardinal en 1495 après son veuvage, avait été Surintendant des finances sous Charles VIII (le titre proprement dit n'apparaît toutefois que sous François Ier) et l'un des instigateurs de l'expédition de Naples ; chargé des affaires religieuses de la France sous ce même Roi, puis sous Louis XII, il est en outre le principal animateur du Concile « gallican » de Pise dirigé contre les ambitions de Jules II et meurt en 1514.

Eduqué au Collège de Navarre, puis par un précepteur qui n'était autre que l'important réformateur catholique J. Clichtove [14], Guillaume fils occupe dès 1496 la charge de grand aumônier d'Anne de Bretagne ; de 1495 à 1507, il est l'un des deux présidents de la Chambre des Comptes et, au terme de cette période, à peine nommé abbé de saint-Germain-des Prés, Louis XII l'envoie en mission auprès de Jules II. Il retournera à Rome en 1516-7, avec son frère Denis (également évêque), pour la conclusion du Concordat de Bologne entre Léon X et François Ier, traité appelé à remplacer la Pragmatique Sanction qui réglait depuis 1438 les affaires religieuses du royaume. Entre temps, il a été élevé au siège épiscopal de Meaux (le 31 décembre 1515). A son retour définitif d'Italie, il se consacre entièrement à la réforme de son abbaye (déjà entamée pour une part) et surtout de son diocèse meldois, selon les perspectives suivies de son côté par Clichtove : sanctification des pasteurs, réforme du clergé séculier, défense des prérogatives épiscopales (contre les empiètements des réguliers, en particulier, mais avec l'obligation de résidence), telles que les fixera le Concile de Sens en 1528. Plus ambitieusement encore, il met en place -- ce qui n'ira pas sans lui attirer bien des difficultés avec la Sorbonne -- une équipe de collaborateurs acquis, à des titres divers, au nouvel esprit « évangélique » (ce qui ne signifie pas « réformé »). C'est ce qu'on appellera les deux « Groupes de Meaux » : le premier regroupe (entre 1521-3) G. Roussel, le célèbre hébraïsant Vatable, M. d'Arande, G. Farel, M. Masurier ; le second (1523-6) en retient la plupart, sauf exception, et leur ajoute P. Caroli, J. Lange (etc) et surtout le grand humaniste J. Lefèvre d'Etaples, lié à Clichtove, nommé Vicaire général le Ier mai 1523. Tous s'appliquent à répandre la Parole divine, à propager la connaissance de l'Ecriture, trop négligée, en insistant sur le texte biblique proprement dit, sans préjudice des Pères, de l'Aréopagite, des oeuvres du cardinal de Cues. Comme l'indique Lefèvre dans l'épître liminaire à sa traduction du Nouveau Testament en français (l'ensemble paraît entre 1522 et novembre 1523), celle-ci répond aux souhaits de François Ier relatifs aux exigences de diffusion de la foi dans le peuple. Enfin, c'est de 1521 à 1524 que s'étend la fameuse correspondance spirituelle entre G. Briçonnet et Marguerite de Navarre [15], soeur du Roi. Notons pour terminer cet aperçu que Nicolas, frère de notre Guillaume, fut le beau-père de J. Grolier (1479-1565), trésorier du Roi en 1509 et bibliophile célèbre, lié à Rome comme à Paris avec les milieux humanistes.

 

3. Imbrications

 

Au vu de ce qui précède, et même à s'en tenir aux grandes lignes ainsi que nous l'avons fait, les points d'intérêt commun entre nos personnages ne manquent pas et les motivations partagées sautent aux yeux. L'ensemble s'articule autour de deux pôles : l'Italie et l'humanisme catholique pré-tridentin dont ce pays était, à bien des égards, le « centre » privilégié. Ce souffle de renouveau spirituel, qu'attisaient en particulier de nombreux laïcs, ne méconnaissait pas l'inéluctabilité d'une transformation en profondeur des instances socio-politiques ; à l'invention de nouvelles formes de sociabilité religieuse (comme les Instituts de clercs réguliers dont il sera question ci-dessous), propageant une dévotion non moins intense ou austère mais plus soucieuse d'accessibilité, de catéchisation, d'insertion dans le tissu urbain et d'action charitable, fait pendant une redistribution des pièces et de l'équilibre des forces sur l'échiquier proprement politique. Incurablement divisée et donc affaiblie sur ce plan, l'Italie se retrouve ainsi trop souvent au cours du XVIe siècle en situation d'enjeu -- quand ce n'est pas d'otage -- entre la montée en puissance de l'Espagne et le déclin (provisoire et d'ailleurs relatif) de la France, sur fond d'expansion turque. Quant à la Réforme, ses conséquences politico-religieuses auront en particulier pour résultat de mobiliser assez unilatéralement les énergies rassemblées lors du Concile de Trente (1545-63).

Or, il est aisé d'appréhender le rôle d'un imprimeur-libraire (en ce temps-là, la même personne exerce dans la plupart des cas ce qui ne constitue alors qu'un seul métier avec celui d'éditeur), de marque qui plus est, dans la diffusion au sens large des textes et de l'information, outre le souci qu'il pouvait prendre, comme par vocation, d'une réalisation artisanale de qualité, mise au service de la circulation élargie d'écrits destinés le cas échéant à former un public non nécessairement érudit.

Anne de Gourdon-Genouillac, pour sa part, est nous l'avons dit la propre fille de Jacques dit « Galiot » de Genouillac, maître de l'artillerie de France sous Louis XII et, à ce titre, l'un des plus fameux et remarquables chefs militaires du royaume [16]. La connexion se révèle de ce fait assez probante entre certains membres de sa famille et, à tout le moins, le Maréchal de Gié dont les propres responsabilités dans ce domaine s'exerçaient précisément sous les mêmes règnes.

Pierre de Rohan aussi s'est rendu à plusieurs reprises en Italie pour y superviser les opérations aux côtés du Roi et mener des négociations visant à consolider l'influence française au-delà des Alpes. Par ailleurs, et outre le fait qu'elle consacre l'importance d'un personnage alors à l'apogée d'une carrière éminemment brillante, sa charge auprès du très jeune François Ier dit assez quelles furent ses responsabilités dans la formation globale du futur roi durant six années cruciales. Quant à ses éventuelles relations avec les Briçonnet, si l'on ne peut les établir avec certitude, on est toutefois conduit à constater que les fonctions occupées par les uns et les autres se recoupaient de bien près pour que des contacts n'aient pas été pratiquement inévitables.

Insister sur les liens de l'évêque de Meaux avec l'Italie, ou la part prise par lui dans l'effort de réforme spirituelle propre à son époque, peut paraître superflu ; quelques points supplémentaires méritent néanmoins d'être examinés de plus près car, en réalité, toute une filière reste à explorer qui est susceptible, elle aussi, de conduire à des résultats d'un intérêt surprenant, autrement dit les rapports spirituels et politiques encore mal connus entre aristocraties italienne et française. De fait, en ce début du XVIe siècle, fermentent en divers points de la Péninsule des foyers spirituels épris de renouveau, qui donneront bientôt des fruits à Rome, Milan, Venise, Naples et ailleurs, ainsi qu'en témoigne la fondation de congrégations de clercs réguliers comme les Théatins, les Barnabites, les Somasques [17].

Comme l'affirme Mme Romana Guarnieri -- spécialiste de la béguine anonyme du XIIIe siècle qu'aujourd'hui nous savons être Marguerite Porete (12??-1310), l'auteur du Miroir des simples âmes [18] dont la réception au XVIe siècle n'est pas sans rapport avec le thème qui nous occupe ici [19] --, nous nous trouvons confrontés à des « péripéties tourmentées entre textes et auteurs qui, à des degrés divers, s'avancent sur la ligne de faîte accidentée et incertaine qui distingue [...] la sainteté de l'hérésie » [20].

Il s'agit d'une période où, par exemple, le texte de Marguerite Porete, mystique originaire du Hainaut, était tenu en haute considération par un mystérieux groupe de « spirituels » -- orthodoxes, ou tout au moins « situés dans cette zone frontière, où les limites sont incertaines, difficiles à cerner et à définir » [21] -- ayant pour centre le Mont Cassin et faisant partie de la tradition monastique bénédictine et des Camaldules, tout en étant liés par ailleurs à sainte Catherine de Gênes (1447-1510), au bienheureux Paolo Giustiniani (1476-1528) et aux cercles laïques du Divin Amour ainsi que soudés entre eux par un non moins mystérieux lien spirituel. Le manuscrit du Mont Cassin, étudié et publié par le docte bibliothécaire de l'abbaye Dom Tommaso Leccisotti, « nous révèle la présence dans l'abbaye d'un groupe mystérieux de moines, reliés par un vaste réseau de relations avec les centres les plus vivants de la spiritualité italienne des premières décennies du XVIe siècle [et] rassemble une série de textes disparates, tels que lettres, petits traités, poésies, brèves annotations, citations bibliques : tous à caractère nettement ésotérique; tous de très haute mystique spéculative ; tous [...] consacrés et liés de diverses façons à un ìpusillus grexî de ìspirituelsî [...] épars dans l'Italie la plus secrète de ces années de crise, extraordinairement riches de ferments mystiques » [22].

Mais revenons à Guillaume Briçonnet. Nous savons que ce prélat s'est rendu en Italie à plusieurs reprises :

« -- en 1507, à Rome, pour défendre les intérêts du roi de France, Louis XII, devant Jules II et le collège des Cardinaux ;

« -- en 1511-1512, au ìconciliabuleî gallican de Pise-Milan ;

« -- en 1516-1517, à Rome de nouveau, comme ambassadeur (orator) de François Ier auprès de Léon X » [23].

Cela nous amène à nous poser quelques questions qui ont trait aux échanges spirituels et politiques entre la France et l'Italie. Un premier exemple de ces rapports nous est donné par la relation qu'entretint Guillaume Briçonnet durant le « conciliabule » gallican de Pise-Milan avec le milieu lié à la confrérie de la Sagesse Éternelle (Oratorio dell'Eterna Sapienza) qui se réunissait dans l'église du monastère augustin de Sainte-Marthe, dont l'abbesse -- et inspiratrice de la confrérie -- était la Mère Arcangela Panigarola (décédée 1524).

L'Oratorio dell'Eterna Sapienza naquit vers 1500 sous l'impulsion de l'augustin de Ravenne Giovanni Antonio Bellotti (alias Jean-Antoine Bellot), biographe d'Arcangela Panigarola, qui vécut presque toute sa vie en France et mourut à Milan en 1528 en odeur de sainteté. Il s'agit d'un groupe qui fut en relation particulière avec les activités du dominicain Battista da Crema (1460-1534) et duquel firent partie quelques-uns des personnages les plus illustres de l'époque : outre les évêques Denis et Guillaume Briçonnet, « parmi les autres Français appartenant à l'Oratoire furent Gaston de Foix, Lautrec et François Ier » [24]. Ce n'est pas tout : à cet important cénacle ascétique, point focal de la vie religieuse milanaise pré-tridentine [25], appartiendront également les futurs papes Léon X, Pie IV et saint Pie V ; en 1530 y entrera saint Antoine-Marie Zaccaria (1502-1539), fondateur des Clercs réguliers de saint Paul décapité (les Barnabites), des Angéliques de saint Paul converti (les Angeliche) et des Epoux de saint Paul (les Maritati). Depuis le début -- et jusqu'au terme de l'expérience de la confrérie de la Sagesse Éternelle en 1535 --, il s'agit de communautés ouvertement laïques, oeuvrant en liaison très étroite entre elles, adonnées aux oeuvres pieuses et spécialement à l'assistance aux infirmes. Leur ascèse, très austère et souvent bizarre, se modèle sur les Vies des Pères. Les écrits dont se nourrissent principalement ces spirituels sont ceux des Pères grecs, de Cassien à Climaque, de saint Basile à saint Jean Chrysostome et au pseudo-Denys ; parmi les Occidentaux, leur prédilection va à saint Bernard, saint Bonaventure, sainte Catherine de Sienne, Domenico Cavalca.

Jean-Antoine Bellot, commandeur de l'Ordre de saint Antoine de Grenoble, semble avoir fondé l'Oratoire de la Sagesse Éternelle sur l'impulsion de la soeur de Charles VIII, sainte Jeanne de Valois, épouse de Louis d'Orléans, reine de France jusqu'à l'annulation de son mariage en 1498 et duchesse de Berry depuis 1499. Or, c'est lui qui mit en relation les Briçonnet et Arcangela Panigarola.

En 1514, la moniale fait la connaissance d'un disciple de Jérôme Savonarole (1452-1498), le franciscain Giorgio Benigno Salviati, divulgateur d'un livre prophétique découvert en 1502, l'Apocalypsis nova du bienheureux Amadeus de Portugal (Joao Menendez da Silva), franciscain lui-aussi, décédé à Milan en 1482. L'Apocalypsis nova annonçait l'avènement du Pasteur angélique, porteur de paix, de réforme et de conversion des infidèles. Ce livre eut pour effet de resserrer les liens spirituels entre les deux frères Briçonnet, Bellot, Salviati et A. Panigarola « et de constituer le noyau central de leur attente quasi messianique du pasteur angélique au cours des années suivantes. Tous [...] escomptaient un renouvellement du monde, une réforme prochaine à la réalisation de laquelle ils estimaient devoir participer. La moniale alimentait cette espérance par ses visions, par ses conversations fréquentes avec la Vierge » [26], ainsi qu'en témoigne un manuscrit ancien de la Bibliothèque Ambrosienne de Milan qui conserve 101 lettres adressées par cette moniale aux frères Briçonnet entre le 8 mai 1512 et le 12 avril 1520 [27], lettres qui ont fait l'objet d'un travail inédit d'Eugenio Giommi [28].

Passons maintenant à Rome, où Guillaume Briçonnet séjourna pendant dix mois, du début de mai 1516 au début de mars 1517 lorsqu'il revint comme ambassadeur du roi François Ier pour négocier le Concordat avec Lèon X. Il est certain que l'on est autorisé à attribuer une signification exclusivement diplomatique au séjour romain de l'évêque de Meaux mais on en peut tout aussi bien faire, de surcroît, une lecture « spirituelle ». En ce sens, il faut avant tout tenir compte de l'influence persistante de la moniale Arcangela Panigarola -- devenue la « mère spirituelle » du prélat dès octobre 1515 -- que Guillaume Briçonnet rencontra physiquement à Milan au commencement de juin 1516, lorsqu'il se rendit en cette ville avant de poursuivre sur Rome en compagnie de Bellot. Leurs relations s'interrompront avant le retour en France du réformateur de Saint-Germain-des-Prés, en mars 1517, à cause du désaccord de Briçonnet envers les exagérations prophétiques de l'inspiratrice de la confrérie de la Sagesse Éternelle. Toutefois, d'autres influences spirituelles ont également joué leur rôle.

Notons par exemple la rencontre de Guillaume Briçonnet avec l'Oratoire du Divin Amour, fondé à Gênes en 1497 et dont une branche se constitua à Rome sous le Pontificat de Léon X. On est en droit de penser que la fréquentation de membres romains de l'Oratoire du Divin Amour a pu marquer une étape nouvelle, importante, de la vie intérieure de Briçonnet. Malheureusement -- dans le cas de la confrérie de la Sagesse Eternelle, ce sont les statuts qui sont demeurés inaccessibles --, la règle obligeait les membres du Divin Amour à garder secrète leur adhésion, ce qui ne facilite pas la recherche.

Quoi qu'il en soit, le passage suivant de Lucien Febvre nous paraît résumer l'esprit de ces entreprises ainsi que les implications spirituelles caractérisant les rapports italo-français de l'époque : « En tout cas, ce qu'ils ne purent ignorer, c'est que, dans cette même Rome où le décor antique, où la rhétorique et la poétique des Anciens, où leurs langues mêmes et leurs mots, et leurs façons de dire et de penser, semblaient triompher sous l'oeil approbateur des chefs de l'Église, quelques chrétiens de bonne race, clercs et laïcs : un Gaëtan de Thiene, un Lippomano, parfois un Sadolet, s'assemblaient dans la petite église des saints Silvestre et Dorothée, à deux pas du lieu où la tradition fixait le domicile de l'Apôtre Pierre et, s'unissant dans la fraternité de l'Oratorio del divino Amore, décidaient de commencer, à la catholique, la réforme de l'Église par leur propre réforme : ne pas changer la religion pour se changer, mais se changer soi-même pour changer la religion » [29].

 

4. En guise de conclusion

 

Le premier réflexe du lecteur devant les assertions de Louis Charbonneau-Lassay sera, croyons-nous, la surprise devant la notoriété de certains au moins des fondateurs assignés par lui à la Fraternité du Paraclet. Non qu'il soit au reste le moins du monde invraisemblable (au contraire même et nous espérons l'avoir fait pressentir) que les personnages cités aient pu entrer en rapports les uns avec les autres, voire collaborer à la (re?)fondation de ce qu'il faut bien appeler une authentique « confrérie » [30] dont le caractère spirituel particulier était à l'évidence imperceptible de l'extérieur, ne se manifestant -- pour autant qu'il soit possible d'en juger -- que par la transmission en son sein (et il n'est nullement assuré de surcroît que tous les membres y aient eu accès) d'un « Depost » réservé. Mais que cette appartenance commune ait échappé à tous les historiens, en particulier dans le cas de personnalités aussi éminentes que P. de Rohan ou G. Briçonnet, voilà qui ne peut manquer d'étonner. Toutefois et à l'inverse, si l'on y réfléchit bien, cette absence de traces est peut-être moins invraisemblable qu'il n'y paraît : ainsi que nous venons de le voir, la qualité de membre de confréries beaucoup plus connues (et sans doute répandues), tels le Divin Amour ou la Sagesse Eternelle, n'est -- sauf exception -- guère mieux repérable à nos yeux d'aujourd'hui. Cet aspect des choses nous renvoie évidemment aux documents d'époque que Louis Charbonneau-Lassay aurait eus en mains, voire hérités du Chanoine Barbot, documents à l'évidence seuls susceptibles d'établir définitivement la question d'un point de vue historique mais dont on ignore l'actuelle localisation. Lors même que leur existence est en soi parfaitement admissible et ne présenterait même aucune surprise, leur absence contraint à se limiter -- sub conditione -- à la considération du témoignage de Charbonneau-Lassay et à l'évaluation de son degré de vraisemblance contextuelle, ce que nous avons précisément tenté de faire ici. Relevons pour terminer que, dans le cas présent, l'éventuelle transmission d'éléments documentaires semble se doubler jusqu'à nos jours, aux dires du moins de Charbonneau-Lassay, de celle -- beaucoup plus précieuse, à n'en pas douter, aux yeux de l'auteur du Bestiaire -- du dépôt spirituel (c'est à dire doctrinal, symbolique et rituel) propre à la Fraternité, ce qui présuppose en l'espèce une continuité historique aussi discrète que remarquable ; si, et a fortiori sur ce plan, les attestations historiques font à nouveau et, cette fois, inévitablement défaut, on peut estimer néanmoins que Louis Charbonneau-Lassay et ses confrères, ces dernières influencés à divers titres par certaines considérations développées dans l'oeuvre de R. Guénon, se seront montrés scrupuleusement vigilants à cet égard.

 

 

notes :

 

[1] Parmi l'ample bibliographie concernée, il faut mentionner deux études qui mettent en valeur à plusieurs reprises et avec rigueur méthodologique le thème pris en compte ici : cf. Jean-Pierre Laurant, L'Ésotérisme chrétien en France au XIXe siècle, L'Age d'Homme, Lausanne, 1992 ; et Idem, Symbolisme et Écriture. Le cardinal Pitra et la « Clef » de Méliton de Sardes, Cerf, Paris, 1988. Retour

[2] Cf. Louis Charbonneau-Lassay, Le Bestiaire du Christ. La mystérieuse emblématique de Jésus-Christ, Desclée de Brouwer, Bruges 1940 (réimpr. anast. L. J. Toth, Milan 1974 ; et Archè, Milan-Paris 1994, 4e éd.). En Italie, la publication des opera omnia de Charbonneau-Lassay est en cours aux editions Arkeios de Rome par les soins de PierLuigi Zoccatelli : à la traduction du Bestiaire du Christ (Il Bestiario del Cristo. La misteriosa emblematica di Gesù Cristo, 1994 ; 1995, 2e éd.) ont jusqu'à présent fait suite deux autres volumes (Il Giardino del Cristo ferito. Il Vulnerario e il Florario del Cristo, 1995 ; et Le Pietre Misteriose del Cristo, 1997), contenant en particulier divers articles inédits, y compris en français. Retour

[3] Cf. Stefano Salzani - PierLuigi Zoccatelli, Hermétisme et emblématique du Christ dans la vie et dans l'oeuvre de Louis Charbonneau-Lassay (1871-1946), Archè, Milan-Paris, 1996. Retour

[4] L. Charbonneau-Lassay, « La triple enceinte dans l'emblématique chrétienne », Atlantis, 3e année, n. 1 (n. 21), septembre-octobre 1929, pp. 4-9 (ici p. 6), aujourd'hui in Idem, L'ésotérisme de quelques symboles géométriques chrétiens, avec une Notice introductive par Georges Tamos et un Appendice par René Mutel, Éditions Traditionnelles, Paris 1960 (3e éd. 1985), p. 14. Retour

[5] La première mention en figure dans L. Charbonneau-Lassay, « La Colombe », Regnabit, 8e année, n. 8, janvier 1929, pp. 71-80 (ici p. 75). Retour

[6] Un status quaestionis est fourni au chapitre IV (« L'Estoile Internelle et l'hermétisme chrétien », pp. 61-90) du travail de S. Salzani - P.L. Zoccatelli (cf. note 3). Retour

[7] L. Charbonneau-Lassay, Le Bestiaire du Christ. La mystérieuse emblématique de Jésus-Christ, op. cit., pp. 489-490. Retour

[8] Ibid., p. 453. Georges-Auguste Thomas précisera ailleurs : « L'une [l'Estoile Internelle] presque spécifiquement ascétique, l'autre [la Fraternité des Chevaliers du Divin Paraclet] chevaleresque » (G. Tamos, « Une flamme s'est éteinte : Louis Charbonneau-Lassay », Études Traditionnelles, 48 année, n. 259, avril-mai 1947, pp. 130-133 [ici p.132]). Retour

[9] Cf. La Place Royale, n. 37, octobre 1996, pp. 105-116. Retour

[10] Cf. De la Chenaye-Desbois et Badier, Dictionnaire de la Noblesse, Paris, 1866, 3e éd., t. 9, col. 535 ; nous ignorons malheureusement ses dates et pourquoi Charbonneau-Lassay la désigne comme « soeur », dénomination qui ne paraît pas ressortir au Paraclet (?). A noter enfin que le nom seul de P. Amelot, en tant que fondateur, et sa qualité sacerdotale apparaissent dans les statuts. Retour

[11] Cf. P. Renouard, Répertoire des imprimeurs parisiens, libraires [etc], Paris, 1898 (3e éd. ibid., 1965, pp. 328-329). Il est curieux de constater que Guillaume Ier publia en 1511 Les faitz et ordonnances pour commencer le Concile de Pise. Retour

[12] Cf. Dictionnaire de Biographie française, Paris, 1982, t. 7, col. 1485-1488 (T. de Morembert). Retour

[13] Cf. M. Veissière, L'évêque Guillaume Briçonnet, Société d'histoire et d'archéologie, Provins, 1986, ainsi que le recueil d'articles cité ci-dessous note 26. Retour

[14] Cf. Jean-Pierre Massaut, Josse Clichtove, l'humanisme et la réforme du clergé, Les Belles Lettres, Paris, 1968 (2 vol.). Retour

[15] Publiée par Christine Martineau-Génieys, M. Veissière et Henry Heller, Droz, Genève, 1975-1979 (2 vol.) ; voir en outre Marguerite de Navarre, Poésies chrétiennes (éd. N. Cazauran), Cerf, Paris, 1996. Retour

[16] Cf. Dictionnaire de Biographie française, op. cit., t. 15 (1982), col. 173-175 (L.Grillon). Retour

[17] Cf. Innocenzo Colosio O.P., « I Mistici Italiani dalla fine del Trecento ai primi del Seicento », dans Grande Antologia Filosofica, diretta da Michele Federico Sciacca, vol. IX, Il pensiero della Rinascenza e della Riforma (Protestantesimo e Riforma cattolica), Marzorati, Milan, s.d., pp. 2137-2218. Retour

[18] Cf. [Paul Verdeyen (éd.)], Marguerite Porete. Le Mirouer des simples ames. Édité par Romana Guarnieri / Margaretae Porete. Speculum animarum simplicium. Cura et studio Paul Verdeyen sj (Corpus Christianorum, Continuatio Medioevalis, LXIX) Brepols, Turnhout, 1986. Une version française modernisée est en outre disponible [Max Huot de Longchamp (éd.)], Marguerite Porete. Le Miroir des âmes simples et anéanties et qui seulement demeurent en vouloir et désir d'amour, Albin Michel, Paris, 1984 (rééd. 1997)]. Retour

[19] Cf. S. Salzani - P.L. Zoccatelli, op. cit., pp. 70-76. Retour

[20] Romana Guarnieri, « Margherita Porete e il suo ìMiroir des simples âmesî. Prefazione storica », dans Margherita Porete, Lo specchio delle anime semplici (texte français médiéval en regard; traduction italienne du XIV siècle en appendice), San Paolo, Cinisello Balsamo (Milan), 1994, pp. 7-54 (ici p. 54). Retour

[21] Tommaso Leccisotti, « Tracce di correnti mistiche cinquecentesche nel codice Cassinese 584 », Archivio Italiano per la Storia della Pietà, IV, Edizioni di Storia e Letteratura, Rome, 1965, pp. 1-120 (ici p. 20). Retour

[22] R. Guarnieri, op. cit., p. 53. Retour

[23] Michel Veissière, « Guillaume Briçonnet et les courant spirituels italiens au début du XVIe siècle », in M. Maccarrone et A. Vauchez [éds.], Échanges religieux entre la France et l'Italie, du Moyen Age à l'époque moderne, Slatkine, Genève, 1987, pp. 215-228 (p. 215). Retour

[24] R. Guarnieri, « Il movimento del Libero Spirito. Testi e documenti », Archivio Italiano per la Storia della Pietà, IV, Edizioni di Storia e Letteratura, Rome, 1965, pp. 351-708 (p. 497 ; voir aussi pp. 491-498). Retour

[25] Cf. Angelo Majo, Storia della Chiesa Ambrosiana, vol. II (Dall'età comunale a Carlo Borromeo), NED, Milan, 1983 (3e éd. 1990). Retour

[26] M. Veissière, Autour de G. Briçonnet 1470-1534, Société d'histoire et d'archéologie, Provins, 1993, pp. 151-152. Retour

[27] Cf. Bibliothèque Ambrosienne, ms. E 56, sur papier, 70 fol., mention manuscrite : Suor Corona Madruzzi. Questo libro è del Monastero di S. Marta di Milano, XVIe siècle. Retour

[28] Cf. E. Giommi, La monaca Arcangela Panigarola, madre spirituale di Denis Briçonnet (1512-1520). L'attesa del « pastore angelico » annunciato dell'« Apocalypsis nova » del Beato Amadeo fra il 1514 e il 1520, Mémoire de maîtrise sous la direction du Professeur G. Alberigo (inédit), Université de Florence, Faculté des Lettres et de Philosophie, année académique 1967-1968 ; voir en outre A. Morisi, Apocalypsis nova. Ricerche sull'origine e le formazione del testo dello pseudo-Amadeo, Istituto Storico Italiano per il Medio Evo, Rome, 1970 ; et A.-M. Lecoq, François Ier imaginaire. Symbolique et politique à l'aube de la Renaissance française, Macula, Paris, 1987, p. 275 (n. 55) et 468. Sur Salviati et toute cette affaire, consulter de surcroît Cesare Vasoli, « Notizie su Giorgio Benigno Salviati », dans Profezia e ragione, Morano, Naples, 1974, pp. 16-127. Retour

[29] L. Febvre, « Le cas Briçonnet », Annuaire de l'E.P.H.E. 1945 (Paris, 1946), repris dans Idem, Au coeur religieux du XVIe siècle, Le Livre de Poche, Paris, 1983, pp. 204-205. Retour

[30] L'examen des statuts publiés (cf. Note 9) ne peut laisser de doute à cet égard (détail de la « vesture » portée lors des processions publiques, par exemple). Remarquons en outre le terminus ad quem fourni par la date de 1513, mort du Maréchal de Gié dont Charbonneau-Lassay nous précise (toujours dans le même « Journal intime » inédit) qu'il fut le premier Chevalier-Maître du Paraclet. Sans doute n'est-il pas inutile de rappeler l'impossibilité historique pure et simple qu'il y aurait à imaginer, au sein de la société du XVIe siècle, l'existence d'une « fraternité ésotérique » ouvertement déclarée comme telle (à l'image, par exemple, de la Franc-maçonnerie moderne). Tous ces éléments doivent inciter selon nous à prendre quelque distance vis-à-vis des bruits plus ou moins déformés dont s'est parfois fait l'écho Jean Tourniac, dans Vie et perspectives de la Franc-Maçonnerie traditionnelle, Dervy-Livres, Paris, 1978 (2e éd.), p. 36, et Sommes-nous des Judéo-chrétiens ?, Guy Trédaniel, Paris, 1986, pp. 169-170.Retour

 




CESNUR Home Page



Web Design by MoreOrLess

© 1997-2005 by PierLuigi Zoccatelli