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"Il existe un religieusement correct et un religieusement incorrect"

 Propos recueillis par Vianney Aubert, Le Figaro, Jeudi 24 Janvier 2002

Maître de conférences au département d’ethnologie de l’université de Montpellier, Maurice Duval s’est immergé pendant plus de quatre ans dans la secte du Mandarom. Son étude Un ethnologue au Mandarom (PUF) est publiée le 25 janvier.

LE FIGARO. - Votre livre est sous-titré : Enquête à l’intérieur d’une "secte". Pourquoi ces guillemets ?

Maurice DUVAL. - La notion de secte ne veut rien dire ; on ne sait pas quoi mettre dedans. Le rapport parlamentaire sur les sectes dit texto qu’il ne sait pas définir ce mot et s’attaque donc à une notion qu’il ne connaît pas. Il faut évidemment se poser la question de la criminalité de ces groupes religieux. Mais à ma connaissance, il n’y a pas d’entrave au droit au sein du Mandarom.

LE FIGARO. - Vous reconnaissez pourtant vous-même que vous n’avez pas pu tout voir…

Maurice DUVAL. - Quand pendant quatre ans on se rend régulièrement au Mandarom, qu’on arrive à l’improviste, qu’on va chez les adeptes, qu’on dort parfois chez eux, on sent même les non-dits. Honnêtement, je ne pense pas qu’on m’ait caché quelque chose. Bien sûr, je n’ai pas tout vu ; aucun ethnologue ne voit jamais tout. Je ne suis jamais entré dans le temple du gourou. Je n’ai pas pu voir les livres de comptes mais je n’ai jamais rencontré même chez les "renégats" qui ont quitté le Mandarom d’accusations sur les finances. Les enfants ? Il n’y a pas d’enfants au Mandarom.

LE FIGARO. - Pour vous, le Mandarom est donc une religion ?

Maurice DUVAL. - C’est une nouvelle religion marginale qui puise dans toutes les religions précédents en essayant de les synthétiser. Il y a un dogme très reduit, un ordre monastique, un corpus de prières, des initiations, un clergé… La seule différence est qu’elle est tout à fait embryonnaire ; le Mandarom n’a pas d’histoire.

LE FIGARO. - N’ouvrez-vous pas la porte à la banalisation de tous ces mouvements religieux qualifiés de sectes ?

Maurice DUVAL. - Puisque l’on dit que ces mouvements sont dangereux, le devoir de l’Etat serait de stimuler des recherches indépendantes et intègres. Je suis le seul à avoir fait une enquête de fond. La peur qu’on puisse légitimer certains groupes religieux fait qu’on préfère l’immobilisme. La mission interministérielle sur les sectes ne finance aucune recherche. La missiona parlementaire c’est complètement bidon. Il faut envoyer des chercheurs et ne pas se baser uniquement sur les rapports des RG.

LE FIGARO. - Pourtant le CNRS a utilisé cet argument pour émettre un avis défavorable à la poursuite de votre étude…

Maurice DUVAL. - Il n’est pas facile quand on est attaché à une conviction de découvrir du jour au lendemain que c’est faux même pour un chercheur. C’est comme si un militant du Parti communiste découvrait dans les années 50 la réalité des pays de l’Est, il pouvait pas l’accepter car cela détruisait toutes ces convictions. La société pense dans son ensemble que le Mandarom c’est le mal. Cela me fait frémir que la société puisse être dans l’erreur et que des scientifiques préfèrent s’en remettre à l’opinion publique plutôt qu’à la vérité. Pour ce groupe, il y a une présomption de culpabilité qui a remplacé la présomption d’innocence classique alors que personne ne se soucie d’une association loi 1901 créée en 1996 dont le but est la restauration de l’inquisition.

LE FIGARO. - Comment expliquez l’image dangereuse qui est associé au Mandarom dans la société ?

Maurice DUVAL. - Il existe un religieusement correct et un religieusement incorrect. L’arrivée d’une nouvelle religion est un élément perturbateur car elle remet en question l’ordre établi. Au deuxième siècle, Pline écrivait à l’empereur Trajan qu’il ne voyait rien d’autre chez les chrétiens que des superstitieux bizarres. C’est une question de relativisme culturel. Les croyances venues d’ailleurs nous étonnent. Si je vous raconte qu’en Afrique on égorge des poulests et on colle les plumes sur une pierre pour obtenir quelque chose de l’au-delà, cela va vous faire sourire.

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