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 Liberté de religion et minorités religieuses en France

Doc. 9612

31 octobre 2002

Rapport

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur: M. Cevdet Akçali, Turquie, Groupe des démocrates européens

Pour débat à la Commission permanente – Voir article 15 du Règlement


Résumé

La loi française du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales est-elle ou non compatible avec la Convention européenne des Droits de l'Homme? La Commission des questions juridiques et des droits de l'homme estime qu'il appartiendra, le cas échéant, à la Cour européenne des Droits de l'Homme de répondre à cette question. En attendant, elle invite le gouvernement français à revoir cette loi et à clarifier la définition des termes "infraction" et "auteur de l'infraction". 

I.          Projet de résolution [Liens vers le texte adopté]

1.         Le 30 mai 2000 une proposition de loi tendant à renforcer la prévention et la répression à l’encontre des groupements à caractère sectaire a été déposée devant le Parlement français. La loi n° 2001-504 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales a été promulguée le 12 juin 2001.

2.         L’Assemblée rappelle sa Recommandation 1412 (1999) sur les activités illégales des sectes, dans laquelle elle a conclu qu’il n’était pas nécessaire de définir ce que sont les sectes, mais qu’il fallait veiller à ce que les activités des groupes, qu’ils soient à caractère religieux, ésotérique ou spirituel, soient en conformité avec les principes des sociétés démocratiques et notamment avec les dispositions de l’article 9 de la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH).

3.         Dans ce texte, l’Assemblée a aussi invité les gouvernements des Etats membres «à utiliser les procédures normales du droit pénal et civil contre les pratiques illégales menées au nom de groupes à caractère religieux, ésotérique ou spirituel ».

4.         Si un Etat membre est parfaitement habilité à prendre toutes les mesures qu’il estime nécessaires pour protéger son ordre public, les restrictions autorisées aux libertés garanties par les articles 9 à 11 (liberté de pensée, de conscience et de religion, liberté d’expression et liberté de réunion et d’association)  de la CEDH, sont soumises à des conditions précises.

5.         L’Assemblée ne peut que conclure de l’examen de la loi française qu’en dernier ressort il appartiendra, le cas échéant, à la Cour européenne des Droits de l’Homme et à elle seule de dire si oui ou non la loi française est compatible avec la CEDH.

6.         L'Assemblée invite le gouvernement français à revoir cette loi et à clarifier la définition des termes "infraction" et "auteur de l'infraction". 

II.       Exposé des motifs

          par M. Akçali, rapporteur

A.      Introduction 

1.              Le 30 mai 2000 une proposition de loi tendant à renforcer la prévention et la répression à l’encontre des groupements à caractère sectaire, a été déposée devant le Parlement français.

2.              Une proposition de résolution présentée par M. McNamara et plusieurs de ses collègues le 6 octobre 2000 (Doc 8860), recommandait de charger un rapporteur d’étudier les dispositions de cette loi et de déterminer si elles sont conformes à la Convention européenne des droits de l’homme et aux autres normes relatives aux droits de l’homme élaborées par le Conseil de l’Europe et d’autres instances internationales. Par la suite, une déclaration écrite a été déposée sur la même question (Doc 9064 rév, voir Annexe I).

3.              La Commission des questions juridiques et des droits de l’homme m’a désigné comme rapporteur et a décidé de demander à un expert de faire une étude sur la compatibilité de ce projet de loi avec la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH) et plus généralement avec les valeurs du Conseil de l’Europe. Elle a fait appel au Professeur Joseph Voyame, Professeur honoraire de l’Université de Lausanne, ancien Directeur de l’Office Fédéral suisse de la Justice.

4.              La loi française a été promulguée le 12 juin 2001.

5.              L'étude du Professeur Voyame a été présenté à la Commission le 27 juin 2002. Cette étude, qui contient le texte de la loi, est reproduite à l’Annexe II du présent rapport. Lors de la réunion du 27 juin 2002, la Commission s’est prononcée contre le recours à d’autres experts en la matière. Alors qu'il préparait son rapport, le rapporteur a reçu de nombreuses plaintes concernant le rapport d'expert

6.              Dans le présent rapport seront analysés les point suivants:

B.    l’intitulé de la loi

C.    l’objet de la loi

D.    la compatibilité de la loi avec la Cour européenne des droits de l'homme

E.    la jurisprudence de la Cour sur la loi.

F.    Les conclusions qui découlent de ces analyses.

B.      L’intitulé de la loi

7.              La loi promulguée le 12 juin 2001 s’intitule «Loi tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteint aux droits de l‘homme et aux libertés fondamentales».

8.              Ce titre a suscité deux objections: il semble indiquer que la loi est dirigée contre les minorités religieuses, qui sont qualifiées péjorativement de «sectes» dit la proposition de résolution. D’autre part, le fait que l’objet, les sectes, ne sont pas défiinies. Et à l’appui de ces objections les auteurs de la proposition de résolution citent le rapport Nastase sur les activités illégales des sectes (Doc 8373) et en particulier un passage du rapport concernant la définition du mot secte: «..  le mot «secte» a pris aujourd’hui une connotation extrêmement péjorative. Aux yeux du public, il stigmatise des mouvements qui ont une activité dangereuse pour leurs membres ou la société (…). Or, le phénomène sectaire regroupe aujourd’hui des dizaines, voire des centaines de groupements plus ou moins importants, avec leurs croyances et leurs pratiques, qui ne sont pas forcément dangereuses ou liberticides. Il est vrai que, parmi ces groupements, certains ont commis des actes criminels. Toutefois, l’existence de quelques mouvements dangereux ne suffit pas pour condamner l’ensemble d’un phénomène. (….)»

9.              Deux observations peuvent être faites à cet égard:

-           d’une part, la loi, bien qu’elle se réfère explicitement aux mouvements sectaires s’applique en fait à «toute personne morale, quelle qu’en soit la forme juridique ou l’objet, qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités…»

-           d’autre part, en se référant au rapport de M. Nastase, l’on peut aussi citer la Recommandation 1412 (1999): «L’Assemblée est parvenue à la conclusion qu’il n’est pas nécessaire de définir ce que sont les sectes, ni de décider si elles sont ou ne sont pas une religion. Cependant, les groupes désignés sous ce nom suscitent une certaine inquiétude, qu’ils se décrivent comme religieux, ésotériques ou spirituels, et cela doit être pris en considération».

10.           Dans le rapport proprement dit, M. Nastase a consacré de longs développements à la définition du mot secte. Il a examiné les difficultés que l’on rencontre et les dangers auxquels les autorités étatiques sont confrontées si elles veulent le définir; il leur appartient de prendre parti sur les activités des groupes concernés pas sur la nature de leur croyance.

11.          Pour éviter ce piège il concluait que « le seul moyen d’échapper à ce piège est d’éviter toute qualification des croyances en cause comme croyance non religieuse ou religion» et il proposait de se référer à l’existence de groupements «à caractère religieux, spirituel ou ésotérique». Il est vrai que peut-être il faudrait y ajouter d’autres qualificatifs si l’on prétend à l’exhaustivité. 

12.          La France qui est une république laïque, c’est-à-dire qui ne reconnaît aucune religion et les respecte toutes, estime qu’il ne lui appartient pas de déterminer si tel ou tel groupe est ou n’est pas une religion.

13.          Mais l’on peut observer une tendance à utiliser de plus en plus souvent la question de la définition pour empêcher toute discussion d’un problème. Il en est ainsi pour les minorités, qu’elles soient nationales ou non. D’ailleurs la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales n’en donne pas la définition. Cela n’empêche pas que des travaux soient menés depuis des années et tout le monde comprend de quoi l’on parle.

14.          Dans le cas présent l’expert parvient lui aussi à cette conclusion: «... Mais cette incertitude [quant à la définition] importe peu. Sans doute, le titre fait partie de la loi. Mais il n’a point par lui-même de contenu normatif. Même s’il peut être utile pour l’interprétation , on ne saurait s’en autoriser pour trancher à l’encontre d’une disposition claire de la loi. Or, poursuit-il, comme on le verra, les articles 1,19 et 20 de la loi tracent avec la plus grande précision possible le cercle des personnes morales et des groupements visés. Ce sont ces textes normatifs qui sont décisifs.»

C.      L’objet de la loi

15.          La loi comporte six chapitres:

Chapitre 1 - Dissolution civile de certaines personnes morales (Article 1er)

Chapitre II - Extension de la responsabilité pénale des personnes morales à certaines infractions (Articles 2 à 15)

Chapitre III - Dispositions concernant la peine de dissolution encourue par les personnes morales pénalement responsables (Articles 16 à 18)

Chapitre IV - Dispositions limitant la publicité des mouvements sectaires (Article 19)

Chapitre V - Dispositions relatives à l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse (Articles 20 à 21)

Chapitre VI - Dispositions diverses (Articles 22 à 24).

16.          L’ Article 1er de la loi qui prévoit la dissolution civile de certaines personnes morales dispose que celle-ci peut être prononcée lorsque ont été prononcées préalablement, contre la personne morale elle-même ou ses dirigeants, des condamnations pénales définitives prévues par différents articles du code pénal, du code de la santé publique, du code de la consommation, ou du nouveau code de procédure civile.

17.          Les articles 2 à 15 contiennent les modifications des articles concernés des codes susmentionnés, comme conséquence de l’article 1er.

18.          L’article 16 énonce la modification de l’article 8 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ( Loi dite sur les associations à but non lucratif).

19.          L’article 17 énonce les modifications du code pénal pour les cas de maintien ou reconstitution d’une personne morale dont la dissolution a été prononcée, et en cas de récidive.

20.          L’article 19 sanctionne le fait de diffuser des messages destinés à la jeunesse et faisant la promotion d’une personne morale… qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, lorsque ont été prononcées à plusieurs reprises, contre la personne morale ou ses dirigeants de droit ou de fait, des condamnations pénales définitives pour l’une ou l’autre des infractions citées dans l’article, infractions au code pénal, au code de la santé publique  et au code de la consommation.

21.          L’article 20 crée une nouvelle section du code pénal intitulée « De l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse».

22.          Enfin l’article 22 permet à des associations reconnues d’utilité publique de se constituer parties civiles dans des procédures pénales liées aux infractions mentionnées à l’article 1er.

23.          Les articles 19 et surtout 20 sont ceux qui ont fait l’objet des critiques les plus virulentes, critiques qui portaient sur la menace qu’il ferait courir  à la liberté d’expression pour l’un et en raison de l’imprécision des termes utilisés pour l’autre, la sujétion psychologique notamment.

24.           L’article 19 se réfère aux infractions mentionnées à l’article 1er.

25.           S’agissant de l’article 20 il vise la protection des mineurs et des personnes d’une particulière vulnérabilité due à l’âge, la maladie, l’infirmité ou autre déficience physique ou psychique. C’est cet article qui apparaît le plus innovant puisque c’est le seul qui crée de nouvelles infractions.

26.          En fait, comme l’a noté le Professeur Voyame, cet article reprend lui aussi les termes de l’article 1er en l’étendant à l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de l’état de soumission d’une personne. Cette disposition est inscrite au livre II du Code Pénal.

27.          Il faut rappeler que dans sa Recommandation 1412, l’Assemblée, après avoir rappelé qu’il faut veiller à ce que les activités des groupes à caractère religieux, ésotérique ou spirituel soient en conformité avec les principes de nos sociétés démocratiques, a dit qu’elle attachait une grande importance à la protection des plus vulnérables, et notamment des enfants d’adeptes de groupes à caractère religieux, ésotérique ou spirituel, en cas de mauvais traitements, viols, absence de soins, endoctrinement par lavage de cerveau et non-scolarisation qui rend impossible tout contrôle de la part des services sociaux.

28.          La dissolution prévue à l’article 1er doit être prononcée par un tribunal mais elle n’est pas obligatoire. L’article 1er stipule «Peut être prononcée, la dissolution….».

29.          La sanction prévue par l’article 19, elle,  est obligatoire: «Est puni de …». Il en va de même pour l’article 20.

30.          Il faut noter que ces sanctions doivent être prononcées par un tribunal et qu’elles sont donc soumises à une procédure contradictoire.

D.      La compatibilité de la loi avec la Convention européenne des droits de l’homme

31.          Les articles de la CEDH mentionnés par les auteurs de la proposition de résolution sont les articles 9- Liberté de pensée, de conscience et de religion, 11- liberté de réunion pacifique et d’association et 14 interdiction de la discrimination.

32.          La jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme a établi que ces libertés ne s'étendaient pas à l'expression d'idées répandues ou de conceptions traditionnelles. Sous réserve des dispositions contenues dans les paragraphes 2 des articles 9 à 11, elles couvrent également les religions peu connues ou l'expression d'opinions qui peuvent être choquantes ou gênantes.

33.          Les articles 9 et 11, comme c’est le cas pour les autres articles garantis par la Convention, énoncent un droit au paragraphe 1 et dans un deuxième paragraphe ils énoncent les restrictions à ces droits. Ces restrictions sont elles-mêmes soumises à certaines conditions: elles doivent être prévues par la loi, constituer des mesures nécessaires, dans un société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

34.          Il faut donc se demander si les dispositions de la loi répondent à ces conditions. La réponse du Professeur Voyame est que la loi répond bien à ces conditions.

35.          Toute restriction doit être prévue par la loi: c’est le cas, les incriminations sont claires. La seule réserve qu’il émet porte sur l’utilisation du mot «sujétion» qui est imprécis mais il poursuit en estimant que l’imprécision est due au phénomène qu’il désigne et qu’en tout état de cause il appartiendra au juge de l’apprécier.

36.           La mesure est-elle nécessaire? Là encore l’expert répond que la dissolution de la personne morale  prévue à l’article 1er de la loi répond bien à un besoin et il se réfère à un grand nombre de cas qui ont défrayé la chronique. C’est d’ailleurs ce que soulignait aussi la Recommandation 1412 lorsqu’elle disait que  les groupes désignés sous le nom de sectes suscitent une certaine inquiétude et que cela devait être pris en considération.

37.          Est-elle proportionnée au but visé ? C’est une mesure radicale mais c’est une mesure efficace et sûre. Elle est entourée des garanties judiciaires et en particulier de son caractère contradictoire.

38.          Quant aux dispositions  limitant la publicité des mouvements sectaires et celles concernant la protection des personnes d’une particulière vulnérabilité elles répondent aussi aux conditions de la CEDH: leur but est légitime, la mesure répond à un besoin sérieux et elles sont proportionnées au but poursuivi.

39.          Le Professeur Voyame conclut que la loi française du 12 juin 2001 n’est pas incompatible avec les valeurs du Conseil de l’Europe.

40.          Il ajoute que selon la jurisprudence qu’elle engendrera, il se pourrait que l’on doive revoir cette appréciation. Chaque application de cette loi pourra être déférée à la Cour européenne des droits de l’homme dans les conditions prévues par la CEDH.

E.       La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur la loi

41.          Or la Cour européenne des droits de l’homme a déjà eu l’occasion de se prononcer sur cette loi dans sa décision du 6 novembre 2001, sur la recevabilité d’une requête présentée par la Fédération Chrétienne des Témoins de Jéhovah de France.

42.          La Cour dit ceci:

«Quant à la loi du 13 juin 2001, la Cour relève qu’elle a pour but, comme son intitulé l’indique, de renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales. La Cour n’a pas pour tâche de se prononcer in abstractif  sur une législation et ne saurait donc exprimer un point de vue sur la compatibilité des dispositions du texte nouveau avec la Convention (arrêt Findlay c. Royaume-Uni du 25 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-I, §67). Elle relève certes que, dans la mesure où elle vise les sectes, dont elle ne donne aucune définition, cette loi prévoit la dissolution de celles-ci, mais cette mesure ne peut être prononcée que par voie judiciaire et lorsque certaines conditions se trouvent réunies, notamment lorsque les sectes ou leurs dirigeants ont fait l’objet de condamnations pénales définitives pour des infractions limitativement énumérées et que la requérante ne devrait normalement pas redouter. Un procès d’intention fait au législateur, soucieux de régler un problème brûlant de société, n’est pas la démonstration de probabilité d’un risque encouru par la requérante. En outre, celle-ci ne saurait sans contradiction se prévaloir du fait qu’elle ne constitue pas un mouvement attentatoire aux libertés, et en même temps prétendre qu’elle serait, au moins potentiellement, une victime de l’application qui pourra être faite de cette loi.»

43.          La dernière question à laquelle l’on peut essayer de répondre est la suivante: fallait-il que la France se dote d’une loi spécifique ?

44.          Dans sa Recommandation 1178 (1992) relative aux sectes et aux nouveaux mouvements religieux l’Assemblée avait «estimé inopportun le recours à une législation majeure pour les sectes au motif qu’elle risquerait de porter atteinte à la liberté de conscience et de religion garantie par  l’article 9 de la CEDH, ainsi qu’aux religions traditionnelles.

45.           Dans sa Recommandation 1412 (1999) elle a invité les gouvernements des Etats membres, entre autres: «…10.iii à utiliser les procédures normales du droit pénal et civil contre les pratiques illégales menées au nom de groupes à caractère religieux, ésotérique ou spirituel»;

46.          La loi n’a fait pour l’essentiel que reprendre des dispositions existantes dans le code pénal, le code de la consommation, le code de la santé publique ou du nouveau code de procédure civile et cela dans un but précis et conforme à la CEDH comme nous venons de le voir. En conséquence même s’il eût été possible d’atteindre le même but en recourant aux dispositions existantes, rien n’empêche de se doter d’une loi qui offre l’avantage de regrouper l’ensemble des dispositions nécessaires pour atteindre ce but.

F.       Conclusions

47.           La loi ne fait pour l’essentiel que reprendre des dispositions existantes dans le code pénal, le code de la consommation, le code de la santé publique et le nouveau code de procédure civile et ce dans un but précis et conforme à la Convention européenne des droits de l’homme, comme nous venons de le voir. En conséquence, même s’il avait été possible d’atteindre le même but en recourant aux dispositions existantes, rien n’empêche de se doter d’une loi qui offre l’avantage de regrouper l’ensemble des dispositions nécessaires pour atteindre ce but.

48.       Trois points ont été mis en évidence dans le rapport préparé par M. Nastase:

a)         Ce ne sont pas les “sectes” mais “les activités illégales des sectes” qui doivent être condamnées;

b)         La législation actuelle est suffisante pour sanctionner ce type d’activités;

c)         “L’existence de quelques mouvements dangereux ne suffit pas pour condamner l’ensemble d’un phénomène”

49.          Comme l’indique le professeur Voyame dans son rapport:, “On ne peut pas dire que cette loi n’est pas compatible avec les valeurs du Conseil de l’Europe”. Toutefois, il est également indiqué dans ce même rapport que les termes “secte, dirigeant de fait, sujétion psychologique ou physique” ne sont pas définis par la loi.

50.          Les délits doivent être clairement définis en droit pénal. Comme les termes susmentionnés ne sont pas bien définis, cela peut entraîner des hésitations dans la pratique.

51.          Bien que le Professeur Voyame souligne dans son rapport que cette incertitude sera dissipée par les rapports des experts et les décisions de la CEDH, ce n’est pas suffisant, parce que le fait de se prononcer sur les éléments constitutifs d’un délit est un problème d’ordre juridique. L’interprétation et l’application de la loi appartiennent aux seuls juges. Les experts ne peuvent être consultés que pour obtenir des informations techniques.

52.          La dissolution d’une association pour un délit commis par le dirigeant de droit ou de fait de la secte:

a)         s’oppose au caractère individuel des délits;

b)         est une sanction individuelle comme l’exil ou le bannissement.

53.          Il ne fait aucun doute que chaque pays a le droit de prendre les précautions nécessaires pour protéger l’ordre juridique et l’ordre public. Il ne s’agit en aucun cas de discuter le pouvoir du gouvernement français d’adopter les lois qu’il veut adopter. Toutefois, la libre circulation de milliers de personnes vaut mieux que la condamnation injuste d’un innocent.

54.          Cette loi adoptée en France devrait être réexaminée et la définition de “l’acte délictueux” et de “l’auteur du délit” devrait être précisée plus clairement.

ANNEXE I

Doc. 9064 rév

ANNEXE II

14 November 2001

Liberté de religion et minorités religieuses en France

Rapport d'expert

établi par M. Joseph Voyame,

Professeur honoraire à l’Université de Lausanne,

Ancien directeur de l’Office fédéral suisse de la justice

Mandat

L’Assemblée nationale et le Sénat français ont adopté et le Président de la République a promulgué la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales. [1]

Dès le 6 octobre 2000, M. McNamara, député à l’Assemblée parlementaire, et treize de ses collègues avaient déposé devant cette assemblée une proposition de résolution intitulée «Liberté de religion et minorités religieuses en France», dont la conclusion avait la teneur suivante:[2]

«6. En raison de l’urgence de la situation et de l’ampleur des préjudices que cette loi pourrait causer, l’Assemblée invite les membres du Sénat et de l’Assemblée nationale à se souvenir que la France, en tant que membre à part entière du Conseil de l’Europe, est tenue de mettre en œuvre la Convention européenne des droits de l’homme, et que la liberté d’expression, la liberté de religion et la liberté d’association sont des droits fondamentaux qui doivent être protégés par l’Etat; recommande de charger un rapporteur d’étudier les dispositions de cette loi et de déterminer si elles sont conformes à la Convention européenne des droits de l’homme et aux autres normes relatives aux droits de l’homme élaborées par le Conseil de l’Europe et d’autres instances internationales, et d’examiner les plaintes concernant la discrimination fondée sur la religion».

Par contrat n°4 des 28 septembre/17 octobre 2001, le Secrétaire général du Conseil de l’Europe a chargé le soussigné de rédiger un bref rapport sur «la liberté de religion et les minorités religieuses en France». Lors des entretiens qui ont précédé la signature du contrat, il a été précisé que le rapport devait porter sur la compatibilité de la foi française n° 2001-504 du 12 juin 2001 avec les valeurs du Conseil de l’Europe.

La loi française du 12 juin 2001

1.              Introduction

Après avoir passé par divers avatars au cours de la procédure législative, la loi du 12 juin 2001 est restée un corps relativement composite.

Les articles 1er, 19, 20 et 22 visent directement les personnes morales ou les groupements de personnes qui poursuivent des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique et physique des personnes qui participent à ces activités.

Les articles 2 à 12 étendent aux personnes morales la responsabilité pénale pour diverses infractions prévues par le code de la santé publique, le code de la consommation et le code pénal et indiquent les peines que ces personnes encourent.

Les articles 13 à 16 et 21, qui concernent le code pénal et la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, indiquent ou modifient les peines prévues pour diverses infractions et contiennent certaines adaptations formelles.

Les articles 17 et 18 criminalisent le maintien ou la reconstitution de personnes morales dont la dissolution a été prononcée; l’article 1er alinéa 5 le fait spécialement pour les personnes morales visées à l’alinéa 1er.

L’article 23 modifie le code de procédure pénale en ce qui concerne le placement sous contrôle d’un mandataire de justice.

Enfin, l’article 24 règle l’application territoriale de la loi.

2.                  Portée de la loi

Selon son titre, la loi vise les mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales. On retrouve cette expression dans l’intitulé du chapitre IV.

On admet unanimement qu’il est difficile, sinon impossible, de définir juridiquement le terme «secte». Les dictionnaires parlent d’ensemble des personnes qui font profession d’une même doctrine ou qui suivent une opinion accusée d’hérésie ou d’erreur (Littré, Quillet) ou d’ensemble des personnes qui professent une même doctrine philosophique ou de groupe organisé de personnes qui ont une même doctrine au sein d’une religion (Grand Robert, qui estime que la première acception est vieillie ou historique). Mais cette incertitude importe peu. Sans doute, le titre fait partie de la loi. Mais il n’a point par lui-même de contenu normatif. Même s’il peut être utile pour l’interprétation, on ne saurait s’en autoriser pour trancher à l’encontre d’une disposition claire de la loi. Or, comme on le verra, les articles 1er, 19 et 20 de la loi tracent avec la plus grande précision possible le cercle des personnes morales et des groupements visés.[3] Ce sont ces textes normatifs qui sont décisifs.

Il faut du reste noter qu’une notable partie des dispositions de la loi va bien au delà du libellé du titre, puisqu’elle vise les personnes morales en général. C’est notamment le cas des articles 2 à 12.

3.                  L’article premier

Selon son premier alinéa, cette disposition vise la dissolution de toutes les personnes morales pour lesquelles les conditions énoncées sont remplies. Il ne s’agit donc pas seulement de celles qui pourraient être considérées comme des «sectes». De même, il ne s’agit pas nécessairement de personnes morales à caractère religieux, comme paraissent le penser les auteurs de la proposition de résolution.

Quant aux conditions énoncées, les unes concernent les activités des personnes morales en cause, les autres leurs antécédents ou ceux de leurs dirigeants.

Selon les premières, il faut que les activités de la personne morale aient pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités. A mon avis, les termes sont clairs. Seule l’expression «sujétion psychologique ou physique» peut éventuellement donner lieu à quelque hésitation. Selon les dictionnaires, la sujétion est l’état de ce qui est astreint, obligé à quelque chose (Quillet),.l’état de celui qui est soumis à une autorité, une domination souveraine (Grand Robert). Au cours de la procédure législative, ce terme a été substitué à «dépendance», considéré comme moins précis. Il y aura donc sujétion psychologique, par exemple, lorsqu’une personne est mise hors d’état de prendre librement des décisions quant à ses opinions, son comportement ou son patrimoine. Quant à la sujétion physique, elle vise notamment le cas où une personne est retenue contre son gré. On va donc bien au delà de l’influence qu’un orateur peut exercer sur ses auditeurs, ou des pressions auxquelles les congrégations de religions traditionnelles pourraient se livrer à l’égard de leurs membres.

D’après la seconde catégorie de conditions, les personnes morales en cause ou leurs dirigeants de droit ou de fait doivent avoir été l’objet d’au moins deux condamnations pénales définitives pour l’une ou l’autre des infractions énoncées. Ces infractions, a-t-on considéré au cours de la procédure législative, sont celles qui sont le plus souvent commises par des «sectes» ou leurs dirigeants. Il faut relever cependant que ces conditions ne sont point parfaitement ciblées, puisqu’une personne morale poursuivie pour atteinte aux droits de la personne pourrait être dissoute même si elle-même ou ses dirigeants n’ont été condamnés que pour exercice illégal de la pharmacie.

Il faut noter enfin que, même si toutes les conditions requises sont remplies, la personne morale en cause peut être dissoute. Le tribunal aura donc toujours un pouvoir d’appréciation.

Les alinéas 2 à 4 et 6 de l’article premier règlent des questions de procédure. On y reviendra.

4.                  L’article 19

Cette disposition réprime la diffusion de messages qui sont destinés à la jeunesse et qui font la promotion d’une personne morale pour laquelle les conditions énoncées à l’article premier sont remplies ou qui invitent à rejoindre une telle personne morale. L’article 19 ne paraît appeler qu’un commentaire. C’est qu’ici la condamnation n’est pas à la discrétion du tribunal, mais doit être prononcée dès lors que les conditions requises sont réunies.

5.                  L’article 20

A l’origine, le projet de loi instituait une infraction spéciale de «manipulation mentale». On y a renoncé au cours de la procédure législative pour reprendre l’ancien article 313-4 du code pénal qui traitait de l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse, et dont la portée a été élargie sur deux points. D’une part, ce nouvel article 223-15-2 du code pénal ajoute au fait pénal l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de l’état de soumission d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement [pour conduire…cette personne à un acte ou une abstention qui lui sont gravement préjudiciables]. Il reprend donc les termes de l’article premier de la loi du 12 juin 2001, en y ajoutant l’exigence que l’état de sujétion psychologique ou physique résulte de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer le jugement. D’autre part, en déplaçant la disposition en cause du livre III du code pénal ( De l’escroquerie et des infractions voisines) au livre II (Des crimes et délits contre les personnes), le législateur statuait que le préjudice subi par la victime ne devait pas nécessairement être de nature patrimoniale.

On peut se poser ici deux questions.     

D’abord, faut-il déduire du complément indiqué ci-dessus que l’état de sujétion visé au nouvel article 223-15-2 du code pénal doit être plus grave que celui dont il est question aux articles 1er et 19 de la loi du 12 juin 2001 ? Il semble que ce n’est pas le cas et que le législateur a simplement voulu préciser quelles doivent être, dans le premier cas, les causes de la sujétion.

Secondement, on ne voit pas bien qu’une sujétion physique doive procéder de pressions ou de techniques propres à altérer le jugement. Ou faut-il interpréter la notion de sujétion physique autrement que ce qui a été esquissé ci-dessus à propos de l’article premier ? Cette question est intéressante, mais elle peut rester indécise en l’occurrence.

6.                  De la procédure

A l’article premier, 2ème alinéa, on avait d’abord envisagé que la dissolution serait prononcée par le Président de la République. Le législateur a préféré par la suite que cette procédure fût portée devant le tribunal de grande instance, à la demande du ministère public. Il a voulu par là donner aux parties les garanties d’une juridiction judiciaire et d’une procédure contradictoire. Selon les alinéas 3 et 4, la demande est formée, instruite et jugée conformément à la procédure à jour fixe et le délai d’appel est de quinze jours.

Enfin, l’article 22 de la loi amende l’article 2-17 du code de procédure pénale, en statuant que toute association remplissant les conditions exigées par cette disposition peut, à l’occasion d’actes commis dans le cadre d’un mouvement ou organisation ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter une sujétion psychologique ou physique, exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions énumérées dans cette même disposition. On a voulu par là pallier le fait que les victimes ou les membres de leur famille craignent d’agir eux-mêmes en justice ou répugnent à le faire.

Les valeurs du Conseil de l’Europe

Dans le domaine traité ici, ces valeurs trouvent leur expression, pour l’essentiel, dans les articles 9 à 11 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), qui garantissent respectivement la liberté de pensée, de conscience et de religion, la liberté d’expression et la liberté de réunion et d’association. Toutes peuvent être invoquées en l’espèce. On peut noter à ce propos que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, ces libertés ne protègent pas seulement l’expression des idées les plus connues ou traditionnelles. Elles comprennent aussi, par exemple, - sous réserve des alinéas 2 des articles 9 à 11 – la pratique de religions peu répandues ou l’expression d’opinions qui peuvent choquer ou inquiéter.

Cependant, la CEDH admet des restrictions aux libertés qu’elle garantit par ses articles 9 à 11. Les limitations, réglées par les alinéas 2 de ces dispositions conventionnelles, sont soumises à des conditions précises. Celles-ci sont, dans leur énoncé, quelque peu différentes d’un article à l’autre, mais, dans le présent contexte, il suffit de retenir les points suivants, qui leur sont communs: la restriction doit être prévue par la loi et constituer des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits d’autrui.

Sur tous ces points, la jurisprudence de la Cour est abondante et ne saurait être reproduite ici. On se bornera donc à relever succinctement les principes que l’on peut en dégager.

La restriction doit être prévue par la loi. Mais cet acte législatif doit remplir certaines conditions: il faut qu’il soit suffisamment accessible et qu’il soit prévisible, c’est-à-dire que son texte soit assez clair et précis pour permettre à toute personne – en s’entourant au besoin de conseils éclairés – de régler sa conduite en conséquence (principe de la légalité). Il est vrai qu’une certitude absolue n’est pas possible et que les législateurs doivent souvent se servir de formules plus ou moins générales, qui embrassent un grand nombre de cas divers et permettent à la jurisprudence, le cas échéant, de s’adapter à des situations nouvelles.

Deuxièmement, la restriction doit viser un au moins des buts légitimes énumérés par la CEDH.

Enfin, la restriction doit être nécessaire dans un pays démocratique. Cela implique trois conditions: il faut qu’elle permette d’atteindre le but légitime visé, qu’elle ne restreigne pas les droits fondamentaux plus que nécessaire et qu’elle réponde à un besoin impérieux (qualificatif que la Cour applique surtout lorsqu’il s’agit d’une restriction à la liberté de la presse). On doit arriver à un juste équilibre entre les biens protégés par la restriction et l’atteinte portée à la liberté garantie. Dans cette recherche, il faut se rappeler que les libertés protégées par les articles 9 à 11 CEDH sont à la fois des assises de la démocratie et des éléments fondamentaux de la dignité humaine; les dispositions qui permettent d’en limiter la portée ne sauraient donc être interprétées extensivement.

Il est vrai que les autorités nationales jouissent d’une certaine autonomie dans ce domaine, en particulier pour juger de l’existence et de l’urgence du besoin de restreindre la liberté en cause. Mais l’exercice de cette autonomie reste soumis au contrôle européen de la Cour, lequel porte tant sur la loi elle-même que sur les décisions qui l’appliquent.

Les valeurs du Conseil de l’Europe sont confirmées par les règles internationales de niveau universel, qu’il suffit d’évoquer brièvement.

La Déclaration universelle des droits de l’homme, du 10 décembre 1948, proclame, à ses articles 18 à 20, la liberté de pensée, de conscience et de religion, la liberté d’opinion et d’expression et la liberté de réunion et d’association. Par son article 29, cependant, elle permet, dans la jouissance de ces libertés, des limitations semblables, dans leur substance, à celles qu’autorise la CEDH.

De même, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du 16 décembre 1966, garantit, selon ses articles 18, 19, 21 et 22, la liberté de pensée, de conscience et de religion, la liberté d’expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association. Chacun de ces articles autorise, à propos des libertés qu’il protège, des restrictions analogues à celles que permet la CEDH.

Compatibilité de la loi française du 12 juin 2001 avec les valeurs du Conseil de l’Europe

1.                   Introduction

Il faut rappeler d’abord que la loi du 12 juin 2001 ne vise pas toutes les «sectes». De fait, il est indéniable que de nombreux mouvements, groupements ou associations considérés comme telles peuvent avoir des activités très positives.

«Parfois par le biais des sectes, des personnes se retrouvent dans un groupe chaleureux, d’autres redonnent un sens à leur vie, d’autres encore se structurent. Parmi mes patients, certains sont entrés dans des sectes. Je ne voudrais pour rien au monde qu’ils en sortent, car cela leur sert momentanément de tuteur» [4]

Et puis beaucoup de «sectes» sont à tout le moins inoffensives.

La loi du 12 juin 2001, elle, vise des personnes morales, des groupements, des mouvements qui poursuivent des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, à la condition encore qu’eux-mêmes ou leurs dirigeants aient été déjà condamnés pour certaines infractions.

Il faut maintenant apprécier si cette loi reste dans les limites fixées par les alinéas 2 des articles 9 à 11 CEDH.

2.                  La base légale

Comme on l’a vu, toute restriction aux libertés garanties par les art. 9 à 11 CEDH doit être prévue par une loi accessible et précise.

En l’espèce, on a évidemment affaire à une loi, qui, publiée, est accessible à tous. Est-elle suffisamment précise pour que les intéressés puissent se fonder sur elle pour régler leur comportement ? Cela n’est pas douteux. Les conditions des incriminations et les sanctions que celles-ci peuvent entraîner sont énoncées de façon claire et déterminée. Il est vrai que le mot «sujétion» qu’on retrouve aux articles 1er, 19, 20 et 22 exige une appréciation, mais cela est dû au phénomène qu’il désigne et qui ne saurait, semble-t-il, l’être avec une plus grande précision. De toute façon, on l’a vu, la loi – même la loi pénale, soumise à l’exigence d’une stricte légalité – doit souvent se servir de termes généraux. C’est plutôt dans l’application qu’il sera parfois délicat pour le juge d’apprécier si l’on se trouve en présence d’une sujétion. Il pourra alors, le cas échéant, se faire assister d’un expert.

3.                  But et nécessité

Le but de la loi est, avant tout, de protéger les membres et les adeptes des groupements qu’elle vise contre la sujétion et les conséquences qu’elle pourrait entraîner pour eux, comme la perte de leur liberté de décision ou de leur liberté de mouvement. Ce but est légitime et est couvert par les dispositions des articles 9 à 11, alinéas 2, CEDH.

La nécessité se décompose, on l’a vu, en trois éléments: adéquation de la restriction, besoin impérieux et proportionnalité. Pour se prononcer sur ce point, il est préférable de considérer séparément chacun des quatre articles importants en l’espèce.

a)                  Article premier

Il est clair que la dissolution de la personne morale en cause est un moyen adéquat de protéger ou au moins de contribuer efficacement à protéger ses membres et ses adeptes contre les conséquences redoutées.

Cette mesure répond, à mon avis, à un besoin. Pour n’évoquer que des faits qui sont de notoriété publique, on connaît les tragédies dans lesquelles certaines «sectes» ont entraîné leurs membres: suicides collectifs, meurtres; on sait que d’autres exigent des contributions exorbitantes, qui vont jusqu’à ruiner leurs membres et leurs adeptes; il est question aussi d’embrigadement de jeunes gens et jeunes filles, avec lesquels les familles ont la plus grande peine de rester en contact. Tout cela était le fruit soit de manipulations mentales qui enlevaient aux victimes – généralement consentantes – la faculté de décider librement, soit de mesures qui les privaient de leurs libertés physiques. Etant donné les risques, on peut considérer le besoin d’agir comme impérieux. On ne saurait en effet, dans de telles circonstances, demander aux autorités d’attendre que de tels faits se reproduisent concrètement pour agir sur le plan législatif.

Il s’agit enfin de juger si la dissolution est proportionnée au but visé, si le même résultat légitime ne pourrait pas être atteint par des mesures qui restreindraient moins les libertés des personnes morales visées. La dissolution est certes une mesure radicale. Mais on voit difficilement quelle autre mesure pourrait être aussi efficace et sûre, comme il le faut en l’occurrence. De toute façon, on a vu qu’on devait concéder, sur ces différents points, un certain pouvoir d’appréciation aux autorités nationales.

Il faut encore relever trois éléments:

Une garantie supplémentaire est fournie par la condition que la personne morale visée elle-même et/ou ses dirigeants aient déjà été condamnés au moins à deux reprises pour des infractions dont le législateur a considéré qu’elles étaient celles qui étaient le plus fréquemment commises par des «sectes». Il est vrai que cette exigence n’est point parfaitement ciblée, on l’a vu. Mais elle n’en contribue pas moins à établir la dangerosité de la «secte».

De plus, même si toutes les conditions légales sont remplies, le tribunal n’est pas tenu de prononcer la dissolution. Il peut y renoncer si certaines circonstances font apparaître, par exemple, que cette mesure n’est d’aucun profit dans le cas particulier.

Enfin, la personne morale visée jouit des garanties de la procédure judiciaire, notamment de son caractère contradictoire. La procédure introduite par les alinéas 2 à 4 est sans doute plus rapide que la procédure ordinaire, mais elle laisse à la personne morale incriminée le temps nécessaire à sa défense.

b)                  Article19

La plupart des observations faites à propos de l’article premier sont valables ici. L’article 19 tend à protéger la jeunesse, qui, souvent «déstabilisée», est particulièrement exposée à être séduite par les personnes morales visées par la loi. Le but est légitime. La mesure répond à un besoin sérieux. Enfin, il semble nécessaire que l’Etat agisse par la voie pénale; ce moyen et la sanction prévue sont adéquats et, quant à la proportionnalité, ils ne paraissent pas dépasser la marge d’appréciation des autorités nationales.

c)                   Article 20

Comme on l’a vu, cet article, qui est d’application générale, ne fait que développer sur deux points l’ancien article 313-4 du code pénal. Ces adjonctions visent un but légitime, qui est de protéger mieux, à côté des mineurs et des autres personnes d’une particulière vulnérabilité, celles qui sont dans un état de sujétion psychologique ou physique résultant de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer leur jugement. Le but est légitime, le moyen paraît adéquat et ni l’incrimination elle-même ni les sanctions prévues ne semblent dépasser les limites du pouvoir d’appréciation de l’autorité nationale.

d)                  Article 22

La possibilité, pour certaines associations bien définies, de se constituer parties civiles dans les procédures prévues par la loi du 12 juin 2001 est légitime et adéquate. Elle répond à un besoin et ne va pas au delà de ce qui est nécessaire pour le satisfaire.

Conclusion

De ce qui précède, je déduis que la loi française du 12 juin 2001 n’est pas incompatible avec les valeurs du Conseil de l’Europe.

Cependant, elle n’a pas été appliquée jusqu’ici, à ma connaissance. Selon la jurisprudence nationale qu’elle engendrera, il se pourrait que l’on doive revoir cette appréciation. Aussi bien chaque application de cette loi pourra être déférée à la Cour européenne des droits de l’homme dans les conditions prévues par CEDH.

ANNEXE I à l'étude du Professeur Voyame

LOI no 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales (1)


NOR : JUSX9903887L


L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté, Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Chapitre Ier

Dissolution civile de certaines personnes morales

Article 1er

Peut être prononcée, selon les modalités prévues par le présent article , la dissolution de toute personne morale, quelle qu'en soit la forme juridique ou l'objet, qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, lorsque ont été prononcées, contre la personne morale elle-même ou ses dirigeants de droit ou de fait, des condamnations pénales définitives pour l'une ou l'autre des infractions mentionnées ci-après : 1o Infractions d'atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, de mise en danger de la personne, d'atteinte aux libertés de la personne, d'atteinte à la dignité de la personne, d'atteinte à la personnalité, de mise en péril des mineurs ou d'atteintes aux biens prévues par les articles 221-1 à 221-6, 222-1 à 222-40, 223-1 à 223-15, 223-15-2, 224-1 à 224-4, 225-5 à 225-15, 225-17 et 225-18, 226-1 à 226-23, 227-1 à 227-27, 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-3, 314-1 à 314-3 et 324-1 à 324-6 du code pénal ; 2o Infractions d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie prévues par les articles L. 4161-5 et L. 4223-1 du code de la santé publique ; 3o Infractions de publicité mensongère, de fraudes ou de falsifications prévues par les articles L. 121-6 et L. 213-1 à L. 213-4 du code de la consommation. La procédure de dissolution est portée devant le tribunal de grande instance à la demande du ministère public agissant d'office ou à la requête de tout intéressé. La demande est formée, instruite et jugée conformément à la procédure à jour fixe. Le délai d'appel est de quinze jours. Le président de chambre à laquelle l'affaire est distribuée fixe à bref délai l'audience à laquelle l'affaire sera appelée. Au jour indiqué, il est procédé selon les modalités prévues aux articles 760 à 762 du nouveau code de procédure civile. Le maintien ou la reconstitution, ouverte ou déguisée, d'une personne morale dissoute en application des dispositions du présent article constitue le délit prévu par le deuxième alinéa de l'article 434-43 du code pénal. Le tribunal de grande instance peut prononcer au cours de la même procédure la dissolution de plusieurs personnes morales mentionnées au premier alinéa dès lors que ces personnes morales poursuivent le même objectif et sont unies par une communauté d'intérêts et qu'a été prononcée à l'égard de chacune d'entre elles ou de ses dirigeants de droit ou de fait au moins une condamnation pénale définitive pour l'une des infractions mentionnées aux 1o à 3o. Ces différentes personnes morales doivent être parties à la procédure.

Chapitre II

Extension de la responsabilité pénale

des personnes morales à certaines infractions

Article 2

I. - Après les mots : « est puni », la fin du premier alinéa de l'article L. 4161-5 du code de la santé publique est ainsi rédigée : « d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende. » II. - Après l'article L. 4161-5 du même code, il est inséré un article L. 4161-6 ainsi rédigé : « Art. L. 4161-6. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal des infractions prévues à l'article L. 4161-5. « Les peines encourues par les personnes morales sont : « 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ; « 2o Les peines mentionnées aux 2o à 9o de l'article 131-39 du code pénal. « L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 du code pénal porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. » III. - Dans l'article L. 4223-1 du même code, les mots : « de 30 000 F d'amende et, en cas de récidive, de six mois d'emprisonnement et de 60 000 F d'amende » sont remplacés par les mots : « d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende ».

Article 3

I. - Il est inséré, après l'article L. 213-5 du code de la consommation, un article L. 213-6 ainsi rédigé : « Art. L. 213-6. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal des infractions définies aux articles L. 213-1 à L. 213-4. « Les peines encourues par les personnes morales sont : « 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ; « 2o Les peines mentionnées aux 2o à 9o de l'article 131-39 du code pénal. « L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 du code pénal porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. » II. - L'article L. 121-6 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Les dispositions de l'article L. 213-6 prévoyant la responsabilité pénale des personnes morales sont applicables à ces infractions. »

Article 4

Il est inséré, après l'article 221-5 du code pénal, un article 221-5-1 ainsi rédigé : « Art. 221-5-1. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 des infractions définies à la présente section. « Les peines encourues par les personnes morales sont : « 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ; « 2o Les peines mentionnées à l'article 131-39. « L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

Article 5

Il est inséré, après l'article 222-6 du code pénal, un article 222-6-1 ainsi rédigé : « Art. 222-6-1. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 des infractions définies au présent paragraphe. « Les peines encourues par les personnes morales sont : « 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ; « 2o Les peines mentionnées à l'article 131-39. « L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

Article 6

Il est inséré, après l'article 222-16 du code pénal, un article 222-16-1 ainsi rédigé : « Art. 222-16-1. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 des infractions définies au présent paragraphe. « Les peines encourues par les personnes morales sont : « 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ; « 2o Les peines mentionnées à l'article 131-39. « L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

Article 7

Il est inséré, après l'article 222-18 du code pénal, un article 222-18-1 ainsi rédigé : « Art. 222-18-1. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 des infractions définies au présent paragraphe. « Les peines encourues par les personnes morales sont : « 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ; « 2o Les peines mentionnées aux 2o à 9o de l'article 131-39 ; « 3o La peine mentionnée au 1o de l'article 131-39 pour les infractions définies par les articles 222-17 (deuxième alinéa) et 222-18. « L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

Article 8

Il est inséré, après l'article 222-33 du code pénal, un article 222-33-1 ainsi rédigé : « Art. 222-33-1. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditons prévues par l'article 121-2 des infractions définies aux articles 222-22 à 222-31. « Les peines encourues par les personnes morales sont : « 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ; « 2o Les peines mentionnées à l'article 131-39. « L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

Article 9

Il est inséré, après l'article 223-7 du code pénal, un article 223-7-1 ainsi rédigé : « Art. 223-7-1. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 des infractions définies à la présente section. « Les peines encourues par les personnes morales sont : « 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ; « 2o Les peines mentionnées aux 2o à 9o de l'article 131-39 ; « 3o La peine mentionnée au 1o de l'article 131-39 pour les infractions prévues aux articles 223-5 et 223-6. « L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

Article 10

Il est inséré, après l'article 223-15 du code pénal, un article 223-15-1 ainsi rédigé :

« Art. 223-15-1. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 des infractions définies à la présente section. « Les peines encourues par les personnes morales sont : « 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ; « 2o Les peines mentionnées aux 2o à 9o de l'article 131-39 ; « 3o La peine mentionnée au 1o de l'article 131-39 pour l'infraction prévue au deuxième alinéa de l'article 223-13. « L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

Article 11

La section 4 du chapitre V du titre II du livre II du code pénal est complétée par un article 225-18-1 ainsi rédigé :

« Art. 225-18-1. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 des infractions définies aux articles 225-17 et 225-18. « Les peines encourues par les personnes morales sont : « 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ; « 2o Les peines mentionnées aux 2o à 9o de l'article 131-39 ; « 3o La peine mentionnée au 1o de l'article 131-39 pour les infractions définies par l'article 225-18. « L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

Article 12

Il est inséré, après l'article 227-4 du code pénal, un article 227-4-1 ainsi rédigé :

« Art. 227-4-1. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 des infractions définies à la présente section. « Les peines encourues par les personnes morales sont : « 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ; « 2o Les peines mentionnées aux 2o à 9o de l'article 131-39. « L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

Article 13

L'article 227-17-2 du code pénal est ainsi modifié :

1o Dans la première phrase, les mots : « de l'infraction définie au second alinéa de l'article 227-17-1 » sont remplacés par les mots : « des infractions définies aux articles 227-15 à 227-17-1 » ; 2o Dans le 2o, les mots : « aux 1o, 2o, 4o, 8o et 9o de » sont remplacés par le mot : « à ».

Article 14

Dans le deuxième alinéa (1o) de l'article 131-39 du code pénal, les mots : « à cinq ans » sont remplacés par les mots : « ou égale à trois ans ».

Article 15

I. - L'article 132-13 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les cas prévus par les deux alinéas précédents, la personne morale encourt, en outre, les peines mentionnées à l'article 131-39, sous réserve des dispositions du dernier alinéa de cet article . » II. - Dans le dernier alinéa du même article , les mots : « supérieure à 100 000 F » sont remplacés par les mots : « d'au moins 100 000 F ».

Chapitre III

Dispositions concernant la peine de dissolution encourue par les personnes morales pénalement responsables

Article 16

Dans le deuxième alinéa de l'article 8 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, les mots : « d'une amende de 30 000 F et d'un emprisonnement d'un an » sont remplacés par les mots : « de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende ».

Article 17

L'article 434-43 du code pénal est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le fait, pour toute personne physique, de participer au maintien ou à la reconstitution, ouverte ou déguisée, d'une personne morale dont la dissolution a été prononcée en application des dispositions du 1o de l'article 131-39 est puni de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende. « Lorsque la dissolution a été prononcée pour une infraction commise en récidive, ou pour l'infraction prévue à l'alinéa précédent, la peine est portée à cinq ans d'emprisonnement et 500 000 F d'amende. »

Article 18

Avant le dernier alinéa de l'article 434-47 du code pénal, il est inséré un 5o ainsi rédigé :

« 5o Pour les infractions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l'article 434-43, la peine de dissolution mentionnée au 1o de l'article 131-39. »

Chapitre IV

Dispositions limitant la publicité

des mouvements sectaires

Article 19

Est puni de 50 000 F d'amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit, des messages destinés à la jeunesse et faisant la promotion d'une personne morale, quelle qu'en soit la forme juridique ou l'objet, qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, lorsque ont été prononcées à plusieurs reprises, contre la personne morale elle-même ou ses dirigeants de droit ou de fait, des condamnations pénales définitives pour l'une ou l'autre des infractions mentionnées ci-après :

1o Infractions d'atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, de mise en danger de la personne, d'atteinte aux libertés de la personne, d'atteinte à la dignité de la personne, d'atteinte à la personnalité, de mise en péril des mineurs ou d'atteintes aux biens prévues par les articles 221-1 à 221-6, 222-1 à 222-40, 223-1 à 223-15, 223-15-2, 224-1 à 224-4, 225-5 à 225-15, 225-17 et 225-18, 226-1 à 226-23, 227-1 à 227-27, 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-3, 314-1 à 314-3 et 324-1 à 324-6 du code pénal ; 2o Infractions d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie prévues par les articles L. 4161-5 et L. 4223-1 du code de la santé publique ; 3o Infractions de publicité mensongère, de fraudes ou de falsifications prévues par les articles L. 121-6 et L. 213-1 à L. 213-4 du code de la consommation. Les mêmes peines sont applicables lorsque les messages visés au premier alinéa du présent article invitent à rejoindre une telle personne morale. Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal des infractions définies au présent article . La peine encourue par les personnes morales est l'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal.

Chapitre V

Dispositions relatives à l'abus frauduleux

de l'état d'ignorance ou de faiblesse

Article 20

Après l'article 223-15 du code pénal, il est créé une section 6 bis ainsi rédigée :

« Section 6 bis

« De l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse

« Art. 223-15-2. - Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 2 500 000 F d'amende l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente et connue de son auteur, soit d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

« Lorsque l'infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 5 000 000 F d'amende. « Art. 223-15-3. - Les personnes physiques coupables du délit prévu à la présente section encourent également les peines complémentaires suivantes : « 1o L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 ; « 2o L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27, d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, pour une durée de cinq ans au plus ; « 3o La fermeture, pour une durée de cinq ans au plus, des établissements ou de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ; « 4o La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution ; « 5o L'interdiction de séjour, suivant les modalités prévues par l'article 131-31 ; « 6o L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ; « 7o L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l'article 131-35. « Art. 223-15-4. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, de l'infraction définie à la présente section. « Les peines encourues par les personnes morales sont : « 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ; « 2o Les peines mentionnées à l'article 131-39. « L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

Article 21

I. - L'article 313-4 du code pénal est abrogé.

II. - Dans le premier alinéa de l'article 313-7 du même code, la référence : « , 313-4 » est supprimée. III. - A la fin du premier alinéa de l'article 313-9 du même code, les mots : « à 313-4 » sont remplacés par les mots : « à 313-3 ».

Chapitre VI

Dispositions diverses

Article 22

L'article 2-17 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 2-17. - Toute association reconnue d'utilité publique régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et se proposant par ses statuts de défendre et d'assister l'individu ou de défendre les droits et libertés individuels et collectifs peut, à l'occasion d'actes commis par toute personne physique ou morale dans le cadre d'un mouvement ou organisation ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter une sujétion psychologique ou physique, exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions d'atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, de mise en danger de la personne, d'atteinte aux libertés de la personne, d'atteinte à la dignité de la personne, d'atteinte à la personnalité, de mise en péril des mineurs ou d'atteintes aux biens prévues par les articles 221-1 à 221-6, 222-1 à 222-40, 223-1 à 223-15, 223-15-2, 224-1 à 224-4, 225-5 à 225-15, 225-17 et 225-18, 226-1 à 226-23, 227-1 à 227-27, 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-3, 314-1 à 314-3 et 324-1 à 324-6 du code pénal, les infractions d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie prévues par les articles L. 4161-5 et L. 4223-1 du code de la santé publique, et les infractions de publicité mensongère, de fraudes ou de falsifications prévues par les articles L. 121-6 et L. 213-1 à L. 213-4 du code de la consommation. »

Article 23

L'article 706-45 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1o Après le cinquième alinéa (4o), il est inséré un 5o ainsi rédigé : « 5o Placement sous contrôle d'un mandataire de justice désigné par le juge d'instruction pour une durée de six mois renouvelable, en ce qui concerne l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise. » ; 2o L'avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « La mesure prévue au 5o ne peut être ordonnée par le juge d'instruction si la personne morale ne peut être condamnée à la peine prévue par le 3o de l'article 131-39 du code pénal. »

Article 24

La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna et dans la collectivité territoriale de Mayotte.

Pour l'application de la présente loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, dans la collectivité territoriale de Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, les mots : « tribunal de grande instance » sont remplacés par les mots : « tribunal de première instance ». Pour l'application de la présente loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et dans la collectivité territoriale de Mayotte, les références aux dispositions législatives du code de la santé publique, du code de la consommation et du code de procédure civile sont remplacées, si nécessaire, par les références aux dispositions applicables localement ayant le même objet. La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.

Fait à Paris, le 12 juin 2001.

Jacques Chirac

Par le Président de la République :

Le Premier ministre, Lionel Jospin

La garde des sceaux, ministre de la justice,

Marylise Lebranchu

Le ministre de l'intérieur, Daniel Vaillant

Le secrétaire d'Etat à l'outre-mer,

Christian Paul

(1) Travaux préparatoires : loi no 2001-504.

Sénat :

Proposition de loi no 79 ; Rapport de M. Nicolas About, au nom de la commission des lois, no 131 ; Discussion et adoption le 16 décembre 1999. Assemblée nationale : Proposition de loi, adoptée par le Sénat, no 2034 ; Rapport de Mme Catherine Picard, au nom de la commission des lois, no 2472 ; Discussion et adoption le 22 juin 2000. Sénat : Proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, no 431 (1999-2000) ; Rapport de M. Nicolas About, au nom de la commission des lois, no 192 (2000-2001) ; Discussion et adoption le 3 mai 2001. Assemblée nationale : Proposition de loi, adoptée avec modifications par le Sénat en deuxième lecture, no 3040 ; Rapport de Mme Catherine Picard, au nom de la commission des lois, no 3083 ; Discussion et adoption le 30 mai 2001.

ANNEXE II à l'étude du Professeur Voyame

Doc. 8860


Commission chargée du rapport: commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Renvoi en commission: Doc 8860, Renvoi n° 2550 du 9 novembre 2000

Projet de résolution adopté par la commission le 28 octobre 2002 avec 21 voix pour, 2 voix contre et 2 abstentions

Membres de la commission: M. Lintner (Président), M. Magnusson, Mme Gülek, M. Marty (Vice-présidents), M. Akçali, M. G. Aliyev (remplaçant: M. R. Huseynov), M. Andican, M. Arabadjiev, Mme van Ardenne-van der Hoeven, M. Arzilli, M. Attard Montalto (remplaçant: M. Asciak), M. Barquero Vázquez (remplaçante: Mme Posada), M. Berisha, M. Bindig, M. Brejc, M. Bruce, M. Bulavinov (remplaçant: M. Shishlov) M. Chaklein, Mme Christmas-Møller (remplaçante: Mme Auken), M. Clerfayt, M. Contestabile, M. Daly, M. Davis, M. Dimas, Mme Domingues, M. Engeset, Mme Err, M. Fedorov, Mme Frimansdóttir, M. Frunda, M. Guardans, M. Gustafsson, Mme Hajiyeva, M. Holovaty (remplaçant: M. Shybko), M. Jansson, M. Jaskiernia (remplaçant: M. Markowski), M. Jurgens, M. Kastanidis, M. Kelemen, M. S. Kovalev, M. Kresák, M. Kroll, M. Kroupa, M. Kucheida, Mme Libane, M. Lippelt, M. Manzella (remplaçant: M. Budin), Mme Markovic-Dimova, M. Martins, M. Masson (remplaçant: M. Hunault), M. Mas Torres, M. McNamara (remplaçant: M. Lloyd), M. Meelak, Mme Nabholz-Haidegger, M. Nachbar, M. Olteanu, Mme Pasternak, M. Pellicini (remplaçant: M. Naro), M. Penchev, M. Piscitello, M. Poroshenko, Mme Postoica, M. Pourgourides, M. Ransdorf, M. Rochebloine, M. Rustamyan, M. Skrabalo, M. Solé Tura, M. Spindelegger, M. Stankevic, M. Stoica, Mme Stoisits, Mme Süssmuth, M. Symonenko, M. Tabajdi, Mme Tevdoradze, M. Tokić, M. Vanoost, M. Wilkinson, Mme Wohlwend

N.B. Les noms des membres qui ont participé à la réunion sont indiqués en italique.

Secrétaires de la commission: Mme Coin, M. Sich, Mme Kleinsorge, M. Ćupina, M. Milner


[1]  Le texte de cette loi figure en annexe I.

[2]  Le texte complet de la proposition de résolution figure en annexe II.

[3] Cependant, pour simplifier, on utilisera dans la suite de l’exposé le mot «secte» pour tout groupement qu’il est usuel de désigner par ce terme dans son acception la plus large.

[4] Déclarations d’un médecin à la Commission d’enquête sur les sectes, constituée par l’Assemblée nationale française, in Rapport de cette commission du 20 décembre 1995, p. 66.

 

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