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Anti-Cult Law in France

Les députés renforcent la loi anti-sectes Mme Guigou déclare qu'elle saisit le parquet de la disparition d'une partie du dossier pénal de la Scientologie

("Le Monde", 24 juin 2000)

LA PROPOSITION de loi About-Picard « tendant à renforcer la prévention et la répression à l'encontre des groupements à caractère sectaire » a été adoptée à l'unanimité par les députés, jeudi 22 juin ( Le Monde du 23 juin). « C'est la première fois que le terme de secte apparaît dans le titre d'une loi », se félicitait un parlementaire à l'issue du vote. Pour autant, la rapporteuse du projet, la députée (PS) de l'Eure, Catherine Picard, a peu de chances d'obtenir le vote conforme du Sénat. Car, si le gouvernement a soutenu la proposition de loi par la voix de la ministre de la justice, Elisabeth Guigou, il a exprimé des réserves sur plusieurs amendements, en particulier, celui visant à introduire dans le code pénal un délit de manipulation mentale.

SURENCHÈRE À L'ASSEMBLÉE

La garde des sceaux juge ce nouveau délit « utile pour mieux permettre aux victimes d'être entendues en justice ». Mais elle veut éviter qu'il porte « atteinte à des libertés fondamentales, telles que la liberté d'association ou la liberté de conscience ». En conséquence, Mme Guigou souhaite qu' « une  réflexion complémentaire » associant la Commission nationale consultative des droits de l'homme soit organisée au moment de la « navette » entre le Sénat et l'Assemblée.

Le gouvernement et la rapporteuse ont dû faire face à une surenchère de députés, droite et gauche confondues, sur plusieurs amendements. D'abord à une querelle d'arpenteurs sur la taille du « périmètre de sécurité » interdisant l'installation de groupes sectaires autour d'établissements tels que maisons de retraite, hôpitaux et écoles. La proposition de loi prévoyait un périmètre de 100 mètres. Le député (app. PCF) Jean-Pierre Brard réclamait 200 mètres. « C'est un peu excessif, et cela revient à interdire l'installation des sectes dans toutes les agglomérations. Cent mètres, c'est déjà le périmètre retenu pour les sex-shops », a rétorqué le ministre des relations avec le Parlement, Daniel Vaillant. « Mais les »sectes-shops« sont plus dangereux ! », a asséné Eric Doligé (RPR ; Loiret). Va donc pour 200 mètres !

Les députés ont également adopté, contre l'avis du gouvernement, un amendement de Rudy Salles (UDF ; Alpes-Maritimes) donnant la possibilité aux maires de refuser le permis de construire à un groupe sectaire ayant fait l'objet de plusieurs condamnations pénales, et un autre permettant aux associations de lutte contre les sectes reconnues d'utilité publique de se porter partie civile. Le ministère de la justice craignait que cette dernière disposition ne provoquât « une inflation judiciaire ».

En réponse à une question de M. Doligé sur la disparition d'une partie du dossier judiciaire ouvert pour « escroquerie » et « exercice illégal de la médecine » contre la Scientologie au palais de justice de Paris ( Le Monde du 11 septembre 1999), Mme Guigou a précisé aux députés avoir « dénoncé les faits au parquet, qui a ouvert une enquête ». La ministre est, sur ce point, allée un peu vite : vendredi matin 23 juin, le parquet de Paris a en effet indiqué ne pas avoir encore reçu cette dénonciation ministérielle à laquelle devait être joint le rapport de l'Inspection générale des services judiciaires (IGSJ) demandé par la Chancellerie. Dans l'attente de cette transmission, et au vu du rapport d'inspection, le parquet décidera de l'ouverture d'une enquête préliminaire ou d'une information judiciaire. Devant la représentation nationale, la ministre de la justice a ajouté envisager de prendre « d'éventuelles mesures disciplinaires », sur la base du rapport de l'IGSJ. Le garde des sceaux a estimé que « l'hypothèse la plus probable est celle d'une disparition frauduleuse des dossiers »..
Xavier Ternisien

Eglises et mouvements sectaires dénoncent « une loi d'exception »

("Le Monde", 23 juin 2000)

« LOI FASCISTE », « loi scélérate » : la proposition de loi About-Picard a suscité, avant même d'être votée, une levée de boucliers de la part de mouvements considérés comme sectaires. Ethique et liberté, le journal de la Scientologie, a sorti pour l'occasion une « édition spéciale », annonçant en « une » « le glas de la démocratie ». Danièle Gounord, porte-parole du mouvement, estime dans un éditorial que cette proposition de loi est « une autoroute pour sortir rapidement de la démocratie ». Selon Mme Gounord, en Europe occidentale, « la seule loi jamais votée sur la manipulation mentale fut instaurée par le régime de Mussolini pour se débarrasser de l'opposition communiste ». La Scientologie affirme en effet que la proposition About-Picard est comparable à la loi italienne dite du Plagio, abrogée en 1981. De son côté, l'Association pour l'unification du christianisme mondial, plus connue sous le nom de secte Moon, dénonce dans un communiqué la « sectophobie », comparable, selon elle, à « l'antisémitisme ».

« UN CANCER POUR LA DÉMOCRATIE »

L'association Omnium des libertés, qui fédère plusieurs organisations telles que la Scientologie et Raël, dénonce dans sa lettre d'information « une loi d'exception » et « un cancer pour la démocratie ». Depuis la parution du premier rapport de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS), au mois de février, cette association organise dans toute la France des « commissions d'enquête sur les violations des droits de l'homme », où des groupes, tels que Raël, la Famille (ex-Enfants de Dieu) ou Horus, défilent à la barre pour se plaindre de la « nouvelle Inquisition » (Le Monde du 7 mars).

La Scientologie s'efforce, depuis plusieurs mois, de dénoncer devant des instances internationales la politique menée par la France en matière de lutte contre les sectes. Un membre de son bureau européen, Martin Weightman, vient d'écrire au président du Conseil de l'Europe, Lord Russell-Johnson, pour dénoncer « les violations des droits fondamentaux » qui résultent, selon lui, de la proposition About-Picard. La Fédération internationale des droits de l'homme d'Helsinki, une ONG accréditée auprès de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), critique elle aussi dans son rapport annuel la proposition de loi.

Le texte voté par les députés suscite également l'inquiétude de plusieurs Eglises. L'hebdomadaire protestant Réforme consacre un hors-série aux sectes et met en garde contre les « égarements » auxquels peut conduire une « fixation émotionnelle » de l'opinion et des pouvoirs publics sur les sectes. Le père Jean Vernette, délégué de l'épiscopat pour la question des sectes, estime notamment que le délit de manipulation mentale risque de mener à « la législation d'exception que l'on voulait éviter » ( La Croix du 20 juin).
X. T.

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