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Anti-Cult Law in France

"Déjà adoptée à l'Assemblée, la proposition de loi anti-sectes est critiquée par les Eglises"

par Xavier Ternisien ("Le Monde", 16 septembre 2000)

La Ligue des droits de l'homme émet elle aussi des craintes sur le délit de " manipulation mentale "
Le Sénat doit débattre, début novembre, de la proposition de loi anti-sectes adoptée par les députés le 22 juin. Ce texte prévoit de faciliter la dissolution des personnes morales en cas d'infraction, et instaure un délit de " manipulation mentale ".Ce dernier point, critiqué par la Ligue des droits de l'homme, divise les représentants des religions, certains craignant son utilisation abusive.

Mis à jour le vendredi 15 septembre 2000
LA PROPOSITION de loi About-Picard contre les " groupements à caractère sectaire ", adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture le 22 juin ( Le Monde du 24 juin), devrait être débattue par le Sénat au début du mois de novembre. Le texte, présenté à l'Assemblée par la députée (PS) de l'Eure Catherine Picard, prévoit d'étendre la responsabilité pénale des personnes morales et de faciliter leur dissolution en cas d'infraction, afin de mieux lutter contre les sectes. Il instaure également un nouveau délit de " manipulation mentale ".

Mais déjà la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS), présidée par Alain Vivien, se démarque de la proposition de loi About-Picard. Dans une note transmise à Matignon, la MILS considère que le terme de " manipulation mentale ", employé par le texte et tiré du rapport parlementaire de 1999 sur l'argent des sectes, " n'est pas des plus heureux ". Le gouvernement pourrait être amené, selon la MILS, " à détacher ce texte du reste de la proposition ".

La MILS s'inquiète également de " l'extraordinaire mobilisation mondiale et européenne menée par la Scientologie ", qui a " mis la France en difficulté à l'étranger, et notamment aux Etats-Unis ". Le rapport parlementaire de 1995, qui dressait la liste de 172 groupes considérés comme sectaires, est à nouveau en cause. Pour le département d'Etat américain, ce document a " contribué à créer une atmosphère d'intolérance envers les religions minoritaires ".

La Mission présidée par Alain Vivien suggère d'abandonner l'usage de la liste des sectes dressée par les parlementaires. Selon M. Vivien, le dialogue serait impossible avec les " sectes absolues " comme la Scientologie. Mais l'administration pourrait entamer une concertation avec les organismes " dont la doctrine et la pratique peuvent "seulement" contrevenir à la loi par une rigueur ou un intégrisme intransigeant, ou une tendance à couper l'individu de ses répères familiaux et sociaux ". La MILS range notamment dans cette catégorie les Témoins de Jéhovah. De telles " mouvances chrétiennes ou extrême-orientales " ne devraient plus être " considérées comme des sectes ", conclut la Mission.

La proposition de créer un délit de " manipulation mentale " a soulevé une vague de protestations, non seulement de la part de groupements considérés comme sectaires, mais aussi des Eglises. Le porte-parole de l'épiscopat, le Père Stanislas Lalanne, estime que les parlementaires doivent " revoir la copie " : " Le délit de manipulation mentale est tellement flou qu'il risque d'entraîner des débordements incontrôlés. " Le président de la Fédération protestante, le pasteur Jean-Arnold de Clermont, juge, lui aussi, que la proposition About-Picard est " dangereuse " : au cours de la traditionnelle " Assemblée du Désert ", le 3 septembre, il a affirmé que les protestants seraient " particulièrement vigilants (...) face au projet de légiférer sur les sectes ".

Quelques voix discordantes se sont cependant élevées dans l'Eglise catholique pour défendre la proposition de loi : il s'agit de l'évêque de Soissons, Mgr Marcel Herriot, du théologien dominicain Jean-Marie Gueullette, du Père Gaston Pietri, ancien secrétaire général adjoint de la Conférence épiscopale, et du Père Jacques Trouslard, prêtre de Soissons engagé de longue date dans la lutte contre les sectes. " L'Eglise catholique n'a pas à craindre cette loi, qui ne veut en aucun cas porter atteinte aux religions et aux croyances ", affirme ainsi Mgr Herriot.

" RÉFLEXION COMPLÉMENTAIRE "

La garde des sceaux, Elisabeth Guigou, avait souhaité, le 22 juin, une " réflexion complémentaire ", associant la Ligue des droits de l'homme (LDH) et la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH). Michel Tubiana, président de la LDH et membre de la CNCDH, a déjà détaillé ses réserves. Elles portent sur la procédure de " dissolution judiciaire " des sectes ayant fait l'objet de plusieurs condamnations : selon lui, la procédure retenue par les députés, " ne permet pas d'organiser la défense ". En ce qui concerne la création d'un délit de manipulation mentale, M. Tubiana estime qu'elle soulève " de sérieuses difficultés dans son principe ". Il préférerait que soit élargi l'article du Code pénal relatif à " l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse ". Cet article pourrait intégrer les notions de " pressions graves et réitérées " et de " techniques propres à altérer le jugement ", présentes dans le texte de la proposition de loi. La CNCDH devrait rendre ses conclusions le 21 septembre.

See English translation

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