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La situation religieuse en Lituanie - Entretien avec Donatas Glodenis

(Religioscope, 29 Jan 2003)

Donatas Glodenis est un collaborateur du ministère de la Justice en Lituanie. Dans le cadre de cet organisme s'effectue l'enregistrement des groupes religieux. Il a également pour tâche de rassembler des informations sur les communautés religieuses actives dans la société lituanienne: deux personnes – dont Donatas Glodenis – travaillent actuellement sur ces questions. Par la suite, il est prévu qu'ils soient déchargés du travail d'enregistrement pour se concentrer uniquement sur le recueil d'informations.

Donatas Glodenis est également le co-auteur d'un livre sur les nouveaux mouvements religieux. Parallèlement à ses activités professionnelles, il poursuit des études dans le cadre du Centre de recherches et d'études sur les religions de l'Université de Vilnius.

Alors que va se tenir du 10 au 12 avril 2003 à Vilnius, capitale de la Lituanie, le colloque international du CESNUR (Centre d'études sur les nouvelles religions, Turin) sur le thème Religion and Democracy: An Exchange of Experiences between East and West,  Donatas Glodenis partage avec nous ses connaissances sur la situation religieuse en Lituanie - des catholiques romains aux néo-païens en passant par les évangéliques et nouveaux mouvements religieux. Il nous éclaire également sur l'organisation des relations entre religions et Etat dans ce pays après la disparition du système soviétique.

Religioscope – A la fin de la période soviétique, quelles étaient les communautés religieuses actives en Lituanie, avec une existence légale? Et existait-il également des communautés religieuses clandestines?

Donatas Glodenis – En fait, certains groupes avaient non seulement réussi à survivre durant la période soviétique, mais à garder une certaine force. Tout d'abord, l'Eglise catholique, présence religieuse dominante dans le pays, rassemblait peut-être 77% de la population. Probablement ce pourcentage s'élève-t-il maintenant à 75%: avec la liberté, les gens se sentent également plus libres dans leur identification à des communautés religieuses.

L'Eglise orthodoxe russe était assez forte également et avait une existence plus facile à l'époque soviétique: elle recevait un certain degré de soutien de la part du gouvernement soviétique, en raison de son fondement russe.

Quant aux vieux-croyants [dissidence de l'Eglise orthodoxe russe apparue au 17e siècle, NDLR], ils constituaient un groupe assez nombreux – ils comptent actuellement 50.000 croyants.

L'Eglise luthérienne a beaucoup souffert durant la guerre et l'occupation soviétique. Beaucoup de personnes d'origine ethnique allemande furent chassées ou prirent la fuite vers l'Allemagne et d'autres pays.

Je pourrais aussi mentionner l'Eglise réformée, qui a beaucoup souffert elle aussi. Elle compte maintenant quelque 11.000 fidèles, mais seuls quelque 500 peuvent être considérés comme des membres actifs.

Il existait également une communauté musulmane sunnite d'origine tatare, présente en Lituanie depuis cinq siècles.

Certains groupes vivaient dans la clandestinité, par exemple des communautés pentecôtistes. En effet, durant la période soviétique, pentecôtistes et baptistes avaient été contraints de se regrouper au sein d'une même union, officiellement enregistrée, avec la surveillance d'officiers du KGB pendant les réunions. Certains pentecôtistes ne voulaient pas fusionner avec les baptistes et former des congrégations unies. Ils pensaient aussi que c'était une trahison d'accepter de s'enregistrer auprès des autorités et d'en suivre les instructions. Il y avait des limitations imposées à la prédication: des pasteurs, par exemple, n'étaient pas autorisés à se rendre dans une autre localité pour y prêcher l'Evangile. Il n'était pas permis de donner un enseignement religieux aux enfants ou d'organiser des écoles du dimanche, etc. Pour toutes ces raisons, ils refusaient donc l'enregistrement. Mais le KGB réussissait de toute façon à les identifier et les localiser, la police faisait parfois irruption dans des réunions pour voir qui était présent, puis faisait passer ces informations aux supérieurs de ces croyants dans leur cadre professionnel.

Cependant, ces groupes aussi parvinrent à survivre. Beaucoup de groupes pentecôtistes étaient en fait d'origine russe ou biélorusse. Des gens venaient par exemple de Minsk, où ils se trouvaient plus sévèrement persécutés qu'en Lituanie, et établissaient des communautés, qui attiraient également des Russes déjà installés en Lituanie.

Les dévots de Krishna eurent également une présence en Lituanie dès 1980 environ, mais agissaient de même dans la clandestinité.

Religioscope – Après la période soviétique, il existait sans doute un besoin de créer les bases légales pour les activités religieuses dans le pays. Quel fut le système choisi en Lituanie? Adapta-t-on simplement les structures existantes ou décida-t-on de mettre sur pied un système entièrement nouveau?

Donatas Glodenis – Dès 1990, alors que l'indépendance n'était pas encore proclamée, il y eut un groupe de travail formé par le Parlement pour préparer une nouvelle loi sur la liberté religieuse et les organisations religieuses. Le processus prit cinq ans: ce ne fut qu'en 1995 qu'une loi sur les organisations religieuses fut adoptée. Elle est intitulée "Loi sur les communautés et associations religieuses de la Lituanie".

La poussée initiale allait dans le sens d'une libéralisation marquée, d'une égalité complète sur le modèle américain: toutes les communautés religieuses devaient pouvoir s'organiser, il ne devait y avoir aucune différence dans le traitement des différents groupes. C'était dans cette direction qu'allait le projet de loi présenté en 1990. Mais il fut renvoyé au groupe de travail pour révision.

En 1992, un projet très différent fut présenté. Il stipulait qu'une communauté devait compter au moins 300 fidèles pour demander son enregistrement. Il distinguait également entre communautés et associations religieuses traditionnelles et autres communautés et associations religieuses. Six, puis neuf communautés et associations religieuses traditionnelles étaient mentionnées dans le projet de loi: l'Eglise catholique romaine, les catholiques de rite oriental, l'Eglise orthodoxe russe, les vieux-croyants, les musulmans sunnites, les juifs, les karaïtes, l'Eglise évangélique luthérienne, l'Eglise évangélique réformée.

Mais ce projet fit l'objet de protestations de la part de plusieurs communautés religieuses minoritaire, qui estimaient que la barre de 300 membres était trop élevée et s'opposaient également à d'autres stipulations discutables.

Le groupe de travail poursuivit donc la révision du projet, pour aboutir à une double différenciation des communautés religieuses; de deux niveaux, le projet de loi passa à trois:

1)      tout d'abord, les communautés religieuses traditionnelles déjà mentionnées;

2)       ensuite les communautés religieuses reconnues par l'Etat;

3)      enfin, les communautés religieuses enregistrées.

Les auteurs de la loi avaient en fait en tête deux niveaux: les communautés religieuses reconnues par l'Etat (incluant les neuf religions traditionnelles) et les communautés religieuses enregistrées, que l'Etat pourrait choisir de reconnaître par la suite. Des actes législatifs postérieures attachèrent cependant différents privilèges aux religions traditionnelles. Etant donné qu'il manquait une définition claire dans la loi, il était aisé d'introduire de tels ajouts. Cela a donc conduit à cette structure triple, avec certains privilèges réservés aux religions traditionnelles.

Religioscope – Et quelle est la différence de statut entre communautés religieuses reconnues et communautés religieuses enregistrées?

Donatas Glodenis – Par exemple, toutes les communautés religieuses reconnues par l'Etat (ce qui inclut les communautés traditionnelles et un autre groupe, à savoir l'Union baptiste) peuvent célébrer des mariages qui sont considérés comme un équivalent du mariage civil.

Autre privilège: les moines et prêtres des communautés reconnues ont leur assurance maladie et leur sécurité sociale payées par l'Etat.

En outre, elles peuvent assurer un enseignement religieux dans les écoles publiques (mais cela n'a pas encore été mis en pratique par l'Union baptiste). Il y a cependant en ce moment une tentative de réserver l'enseignement religieux dans les écoles publiques uniquement aux religions traditionnelles.

Religioscope – Combien de communautés religieuses enregistrées existe-t-elles aujourd'hui, à côté des neuf (plus une) communautés reconnues?

Donatas Glodenis – Au total, en incluant les religions reconnues, nous aboutissons à un total de quelque 170 communautés religieuses. Celles-ci peuvent être divisées en 25 courants religieux différents. Par exemple, je considérerais baptistes et Eglises libres comme s'incrivant dans une même tradition, mais baptistes et pentecôtistes appartiennent en revanche à des traditions différentes. De même, les mouvements bouddhistes n'appartiennent pas tous à la même tradition au sein du bouddhisme.

Religioscope – Vous avez mentionné que plusieurs minorités anciennes ont survécu en Lituanie: les vieux-croyants, par exemple, mais aussi les juifs karaïtes. Y a-t-il encore beaucoup de karaïtes en Lituanie?

Donatas Glodenis – Non, pas beaucoup: entre 300 et 400. Ce chiffre regroupe l'ensemble de la communauté, qu'on pourrait assimiler à une communauté ethnique. Les pratiquants sont très peu nombreux, en raison des mariages mixtes et d'autres facteurs. Oui, une communauté ethnique plus que religieuse à bien des égards, qui ne se livre à aucun prosélytisme et n'est pas très visible en tant qu'entité religieuse.

Religioscope – La religion majoritaire est donc le catholicisme romain. Durant la période soviétique, l'Eglise catholique romaine aida les Lituaniens à préserver leur identité nationale.

Donatas Glodenis – En effet, l'Eglise catholique consacra beaucoup d'efforts à la préservation de l'identité lituanienne. Cela correspondait aussi à une réalité historique: jusqu'au milieu du 19e siècle, l'Eglise catholique subissait largement l'influence polonaise. A cette époque, le mouvement national romantique vit le jour et l'Eglise catholique se plaça à la tête de ce mouvement. Même si l'on peut déceler aussi dans le nationalisme romantique l'influence de certains courants ésotériques, c'était néanmoins dans une large mesure le fait de l'Eglise catholique. Elle conserva cette fonction durant la période soviétique. Beaucoup de prêtres furent arrêtés et déportés en Sibérie.

Religioscope – Qu'en est-il des catholiques de rite oriental?

 Donatas Glodenis – Les effectifs de cette communauté sont très modestes. Ils n'ont qu'une église, mais célèbrent dans quelques autres églises de rite latin. Il ne doit pas y avoir plus de cinq communautés locales.

Religioscope – Parmi les 170 communautés reconnues ou enregistrées, beaucoup sont sans doute arrivées en Lituanie après la chute du pouvoir communiste. Cela implique donc un changement considérable dans le paysage religieux de la Lituanie. Ces groupes ont-ils du succès? et comment ont-ils été accueillis?

Donatas Glodenis – Cela dépend. Mais tout d'abord, il faut avoir conscience que tous ces groupes arrivés après l'indépendance de la Lituanie rassemblent peut-être 0,5% de la population. Ils ont donc une faible importance numérique.

Certains d'entre eux eurent du succès dans les premières années, jusque vers 1996. Certains continuent à avoir un certain succès maintenant encore, par exemple les Témoins de Jéhovah, avec 2.500 à 3.000 membres.

Ils furent pendant quelque temps dépassés par le mouvement Parole de Foi (Word of Faith), qui se faisait appeler d'abord Plein Evangile. Ce mouvement vit le jour en 1988, lorsque certaines personnes se séparèrent de communautés pentecôtistes plus anciennes à base russe. Ces dissidents étaient lituaniens et, dans le contexte du réveil national, voulaient une Eglise lituanienne. Ils prirent contact avec le mouvement suédois Parole de Vie, mais ils subirent aussi d'autres influences: le mouvement Word of Faith aux Etats-Unis et le mouvement coréen du Plein Evangile de Yongi Choo. Cependant, ces dernières influences s'exercèrent avant tout par la littérature: le mouvement suédois Parole de Vie eut en revanche une influence directe, avec des prédicateurs qui venaient en Lituanie.

Ce mouvement se répandit rapidement. En 1988, au début, ils n'avaient que 30 fidèles. En 1990, déjà plus de 500 dans une seule congrégation à Vilnius et peut-être 1.000 dans tout le pays. Ils culminèrent en 1993-1994 avec 45.000 membres. Ensuite, la croissance s'interrompit: le mouvement commença à décroître, et ce déclin se poursuit. Ils ne rassemblent vraisemblablement aujourd'hui que 2.000 à 3.000 croyants. Le mouvement a beaucoup changé: plus de liens avec la Suède, plus d'influence directe de l'Amérique du Nord, seulement un lien faible avec la Corée.

Les pentecôtistes ont beaucoup grandi. Les baptistes sont nombreux en comparaison de ce qu'ils représentaient durant la période soviétique – leurs effectifs ont probablement triplé – mais ils sont très conservateurs et ne semblent pas se développer beaucoup maintenant, tandis que la croissance pentecôtiste est rapide. Probablement cela s'explique-t-il par la diffusion du pentecôtisme dans la population russe, qui se sent plus déracinée en Lituanie. L'Eglise orthodoxe russe dit avoir 50.000 membres, mais le taux de pratique avoisine 5% de ce nombre. Durant la période soviétique, les Russes avaient été importés en Lituanie pour travailler dans des projets de construction et n'avaient souvent pas d'église, pas de lieu de pratique religieuse jusqu'en 1990. La plupart des ces gens avaient une formation technique, une formation de qualité, mais dans un cadre complètement sécularisé. Selon moi, des gens avec un tel profil sont plus enclins à se joindre à de nouveaux mouvements religieux.

Religioscope – Quel est le taux de pratique dans les autres principales Eglises?

Donatas Glodenis – Dans l'Eglise catholique, le taux de pratique se situe entre 7% et 15% selon les diocèses. Dans l'Eglise réformée, comme je é'ai déjà indiqué, le taux est très faible. Cela vaut également pour les luthériens.

Religioscope – A propos des luthériens, justement: dans certaines parties de l'ex-URSS, y compris les Etats baltes, des tensions se sont produites dans des Eglises luthériennes en raison de l'intervention de groupes luthériens américains conservateurs tels que le Synode du Missouri. Quelle est la situation en Lituanie?

Donatas Glodenis – L'Eglise luthérienne était d'orientation très libérale. Dans la Faculté de théologie évangélique, on voyait passer des enseignants de toutes tendances, aussi bien ceux qui niaient la Résurrection que des personnes aux croyances créationnistes. La tendance dominante était cependant libérale. Les dirigeants de l'Eglise souhaitaient pour leur part des liens avec des milieux plus conservateurs et entrèrent en contact avec le Synode luthérien du Missouri.

Il existe un sentiment que le Synode du Missouri tente de prendre le contrôle de l'Eglise luthérienne en Lituanie, ce qui cause de vives préoccupations à certains pasteurs – y compris des pasteurs conservateurs, qui craignent les conséquences de tels accords, qui les couperaient de la communion avec la majorité des autres luthériens en Europe.

Le Synode du Missouri invite de jeunes pasteurs aux Etats-Unis. L'impression est très nette qu'il y a là une tentative d'influencer l'Eglise luthérienne en Lituanie.

Religioscope – En ce qui concerne les nouveaux mouvements religieux, sans doute y a-t-il eu certaines réactions face aux efforts missionnaires de mouvements nouveaux?

Donatas Glodenis – Les réactions ont en effet été assez vives. Les premières réactions visèrent le mouvement Parole de Foi, dont nous avons parlé déjà. Il y eut des accusations portant sur des membres poussés au suicide, sur l'insistance financière, sur de jeunes convertis… des problèmes non seulement familiaux, mais aussi médicaux, avec des gens qui refusaient les médicaments en attendant la guérison divine. Mais le mouvement lui-même a beaucoup changé, et il n'y a plus eu de controverse depuis assez longtemps.

Les Témoins de Jéhovah ont également eu droit à leur lot de controverses. Lorsque l'amie d'un membre se suicida, pour des raisons en fait non éclaircies, un lien fut immédiatement soupçonné.

Les disciples d'Osho (Rajneesh) a également suscité quelques débats, mais moindres. Ils avaient demandé à être enregistrés, cela leur avait été refusé. Cela remonte à plusieurs années déjà.

En 1999, il y a eu une grande vague d'inquiétude au sujet de l'Eglise de l'unification (Moon). L'archevêque parla publiquement de ce mouvement comme d'une secte dangereuse qui lavait le cerveau de ses adeptes. L'Eglise de l'unification fut perçue alors comme une grave menace, car les moonistes allaient dans les écoles et y parlaient de la pureté sexuelle. Je dois dire que j'ai parlé à des gens qui ont suivi ces conférences et n'y ont pas décelé d'endoctrinement. De toute façon, le groupe ne compte que 12 à 15 membres en Lituanie…

Quant à la Scientologie, certains de ses anciens clients se plaignent d'avoir perdu leur argent.

De façon générale, on peut dire que les nouveaux mouvements religieux causèrent beaucoup d'inquiétude jusqu'en 1993-1994, puis cela décrut, avant de reprendre en 1999.

Un premier groupe d'opposants aux sectes avait été formé en 1991 par des mères qui combattaient le mouvement Parole de Foi. Ce groupe fut actif durant quelques années, mais la plupart des membres de ces familles quittèrent le mouvement, et le groupe n'avait donc plus de raison de poursuivre ses activités. En 1999, un autre groupe fut constitué, à l'initiative d'une personne qui entendait tout d'abord venir en aide aux victimes de sectes, mais par la suite monta la chose en épingle pour essayer d'obtenir des fonds publics. Il se consacre maintenant à aider des drogués.

On peut dire que la situation est à nouveau plus calme aujourd'hui: il n'y a pas de gros problèmes, sauf quelques débats politiques. Par exemple, en octobre 2001, un membre du Parlement, unique représentant d'un parti d'extrême-droite, a proposé une loi sur les sectes, qui copiait en fait la loi française. Le fait même que cette proposition de loi provienne d'un groupe politique marginal ne lui offre guère de perspectives, même si l'initiative suscita au départ des sympathies, y compris de la part d'évêques catholiques.

Religioscope – Il est parfois question d'un réveil païen en Lituanie, il y a même eu des congrès internationaux néo-païens qui s'y sont tenus. Que pouvez-vous en dire?

Donatas Glodenis – Il existe deux formes différentes de néo-paganisme en Lituanie. Les racines de l'une sont antérieures à la 2e guerre mondiale, à l'initiative d'un poète qui souhaitait ressusciter les antiques croyances païennes. La communauté ne fut pas reconnue ou enregistrée à cette époque. Un autre mouvement, qui commença comme une société culturelle (laquelle continue d'ailleurs son activité en tant que telle), vit le jour en 1967, durant la période soviétique, à l'occasion de la célébration du solstice d'été, rasa en lituanien. Le chef de ce mouvement est jusqu'à aujourd'hui Jonas Trinkunas.

Ce mouvement, appelé Romuva, est un mélange d'ethnographie et de sentiment religieux. Ils s'efforcent de reconstruire les croyances préchrétiennes de la Lituanie. Ils utilisent comme sources des chants, des pratiques et rituels populaires… Il faut rappeler qu'il y avait un fort mouvement de folklore en Lituanie durant la période soviétique, qui contribua – à côté du catholicisme – à maintenir l'identité lituanienne.

Ce mouvement néo-païen est également marqué par de fortes influences ésotériques, par exemple des auteurs qui avaient été intéressés par l'œuvre de Nicolas Roerich. Mais à côté de cela, il y a des chants, des danses…

Ils essaient de reconstruire quelque chose d'authentique et pas simplement d'inventer une tradition, comme on le voit de la part de groupes dans d'autres pays baltes. Mais souvenons-nous quand même que le paganisme lituanien est mort depuis des siècles! Il est difficile de savoir jusqu'à quel point ces chants populaires nous révèlent un véritable paganisme – ou si tout cela relève plutôt de vœux pieux…

Ce mouvement est assez populaire. Il ne compte probablement que 300 à 400 membres actifs au grand maximum. Mais une célébration telle que le solstice d'été sur un site archéologique attire des milliers de personnes – pas nécessairement motivées par des convictions païennes, d'ailleurs.

Romuva tente d'obtenir une reconnaissance en tant que religion traditionnelle. Il bénéficie de certains soutiens au Parlement, de la part de personnes qui se qualifient de membres non pratiquants de Romuva. Mais le Parlement ne prend pas très au sérieux cette demande. Inutile de dire que l'Eglise catholique y est fermement opposée! Il y a également des oppositions de la part du mouvement folklorique, qui n'apprécie pas la volonté de paganiser l'héritage populaire lituanien.

Romuva a été enregistré comme communauté religieuse en 1992 déjà, avant même l'adoption de la loi. Ce qu'ils recherchent actuellement est en fait un statut plus élevé.

Religioscope – Outre les disciples de Rajneesh auxquels vous avez fait allusion, d'autres groupes ont-ils vu leur demande d'enregistrement rejetée?

Donatas Glodenis – Il y en a eu un, qui se réclamait du paganisme, mais était surtout un groupe très bizarre. Leurs statuts étaient pratiquement illisibles et faisaient plutôt penser à une plaisanterie. Ils les rédigèrent à nouveau de façon plus compréhensible. Il paraissait cependant difficile de voir cela comme un groupe religieux. L'enregistrement fut refusé, la décision fut attaquée en justice, mais le tribunal donna raison au Ministère. Le groupe ne tenta pas de faire appel.

Religioscope – Dans des pays comme la Pologne, on a le sentiment que, même si l'influence catholique romaine demeure forte, elle a décliné dans les années suivant l'indépendance. Observez-vous aussi une tendance à la sécularisation en Lituanie?

Donatas Glodenis – Certainement. L'Eglise perd de l'influence. Elle demeure l'institution dans laquelle les gens ont le plus confiance, si l'on en croit les sondages, mais l'on ne sait pas ce que cela signifie exactement. Lorsque certaines questions sociales sont discutées, comme la procréation médicalement assistée, nous constatons que l'autorité de l'Eglise est faible.

L'entretien avec Donatas Glodenis s'est déroulé à Salt Lake City en juin 2002.  Les questions de Religioscope ont été posées par Jean-François Mayer.

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