THE DRACULA LIBRARY 

Scandaleuses hiérophanies : Dracula et l’ésotérisme

par Antoine Faivre (1963)

Un classique des études sur Dracula

lugosi Dracula! Que recouvrent ces trois syllabes, si inquiétantes et si mystérieuses ? Un personnage réel, cruel souvenir de l'histoire roumaine. Une oeuvre dont Oscar Wilde disait qu'elle était peut-être le plus beau roman de tous les temps. Un mythe fascinant, l'archétype même du vampire, dont les formes varient suivant les époques, mais qui, pour s'incarner dans la nôtre, attendait l'artiste initié et capable de cristalliser ces représentations en une figure évocatrice et pittoresque: à celle-ci un auteur irlandais sut conférer une expression durable, dans un livre dont voici enfin la première traduction française intégrale.

Le biographe de Bram Stoker, Harry Ludlam, nous dit (1) que le voïvode Dracula, tout-puissant en Valachie au milieu du XV° siècle, était réputé pour sa cruauté. Sa férocité à l'égard des Turcs se trouverait relatée dans deux manuscrits de l'époque dont l'un parle de lui comme d'un vampyr. De plus, les contemporains auraient pensé que les Dracula avaient commerce avec le démon: « Les vieilles chroniques font mention de Dracula comme d'un vampyr, usant de mots comme stregoïca (sorcier); ordog et pokol (Satan et enfer)!» Ludlam a composé ce texte d'après des témoignages oraux recueillis en 1961. Malgré la bonne foi de l'auteur, ils ne sont probablement que l'interprétation romancée d'un passage du livre, et je n'ai trouvé aucune allusion à Dracula vampyr ou ordog dans les documents du XV° siècle ou postérieurs à celui-ci. Il est vrai qu'une page de Dracula se prête à ce genre d'affabulation. Stoker fait dire à son héros le Dr Van Helsing (2) à peu près ceci: « J'ai consulté mon ami Arminius, de l'université de Budapest. Il m'a renseigné sur les antécédents du comte. Le comte fut sans doute jadis ce voïvode Dracula qui illustra le nom en combattant contre les Turcs. Sa bravoure et sa cruauté le rendirent célèbre. Les Dracula, m'a dit Arminius, étaient une grande et noble race. Mais leurs contemporains affirmaient qu'ils entretenaient des rapports avec le diable. Satan leur révélait ses secrets dans les montagnes qui dominent le lac Hermanstadt.           

Dans les mémoires du temps, on parle d'un certain Dracula comme d'un vampire». Ces détails ont-ils été inventés pour les besoins de l’œuvre? Reposent-ils sur des faits précis? Du moins me fut il impossible de retrouver des documents attestant leur authenticité. Arminius n'est pourtant pas un personnage fictif, il s'agit d'Arminius Vambery, l'auteur du Péril jaune, de nombreux ouvrages sur la Turquie et d'une Histoire de la Hongrie où il parle assez longuement de l'époque d'Hunyadi, mais sans mentionner Dracula. C'est à Londres, où il semble avoir mené une vie assez mondaine, qu'il a pu rencontrer Stoker.

Par ailleurs, Dracula a réellement existé. N. Iorga (3) écrit: «Sigismond.. fit partir de Nuremberg, où il l'avait sous la main, un prince, d'une vie très troublée, pleine d'aventures errantes jusque-là, un Vlad, qui prit, tel était grand le prestige de Mircea, des années après sa mort; le titre de fils de ce dernier. C'est celui qu'on appellera, peut-être a cause de l'ordre du Dragon, du "Drac" que Sigismond avait créé pour cette grande croisade qui ne commencera jamais, Vlad Drakul. (4)» S'inspirant de J. Bogdan et de Tocilescu (5), Iorga confirme que Vlad Drakul combattit contre les Moldaves et défendit vaillamment la Transylvanie: «Aldea demandait que son ennemi Vlad Drakul soit livré, cet ennemi qu'Albul, qui l'appelle par dérision Draculea, présente comme prêt à partir pour la Porte du Sultan (6).» En 1436, il s'intitula «Vlad, fils de feu le prince Mircea, voïvode des régions transalpines», et en 1437 « en Christ Dieu très fidèle et aimant le Christ et autocrate, grand voïvode et souverain dominateur et maître de tout le pays de la Hongro-Valachie et des régions au-delà des montagnes.»

D'après les relations du chroniqueur turc Nechri, Vlad fut surnommé Drakula dès 1438: «Il [le sultan ottoman] a envoyé de même cet ordre à Iflakoglan Drakula: "Rassemble aussitôt toute ton armée et viens me trouver." Drakula répondit: "Je suis prêt à te servir, Sultan; je suis prêt à te donner mon cheval et mes chiens de chasse."» Plus tard Drakula attaqua les Turcs et un chroniqueur, Séadeddin, écrits (7): «Le voïvode de Valachie s'est jeté lui aussi, avec une armée de gens séduits, des montagnes hautes et impénétrables qui étaient pour lui comme une forteresse.» Ces montagnes, cette forteresse, n’est-ce pas là exactement le décor campé par Bram Stoker, le cadre inquiétant et romantique où vit et sévit le héros du roman ?

Les Saxons, qui d'après les chroniques étaient continuellement troublés par Dracula, lui attribuèrent les cruautés les plus horribles. Elles sont relatées dans deux manuscrits de Saint-Gall. S'agit-il des documents auxquels Ludlam faisait allusion plus haut? Une chose est sûre: malgré l'aspect horrible de ces récits, il n'y est jamais question de sorcellerie, d'alchimie, ni même de vampirisme dont les mœurs de Vlad Drakul présentent uniquement l'aspect psycho-pathologique. Rédigés par des contemporains de Dracula, ces manuscrits nous donnent sur celui-ci des renseignements fort précis (8): «Il faisait enterrer ses ennemis jusqu'au nombril, puis faisait tirer sur eux... De tels maux, on ne les a pas vécus depuis de christianisme, et Hérode, Néron et Dioclétien n'auraient pu inventer de tels supplices... II faisait embrocher les gens et, si ceux-ci remuaient trop, il empalait aussi leurs mains pour les empêcher de gesticuler. Il fit bouillir tout vivant un gitan qui avait volé et le fit manger par les gens de sa famille, qui étaient venus le réclamer. Il ouvrit au couteau le ventre d'une concubine enceinte… A Saint-Barthélemy, il fit tuer trente mille hommes. A Schylta en 1462, vingt-cinq mille. Il pendait les gens par les cheveux. Il faisait décapiter ses ennemis et invitait d'autres ennemis à manger la tête des premiers, et faisait décapiter ceux-ci à la fin du repas. Trois cents gitans venus dans son pays durent s'entredévorer. Il faisait cuire les jeunes enfants pour que leurs mères les mangent. Il faisait ouvrir les seins des femmes, les hommes devaient manger ceux-ci, enfin il faisait embrocher ces hommes. Il ouvrit le ventre d'une concubine qui disait être enceinte et mentait, prétextant qu'il voulait voir où était l'enfant. »

Cruauté raffinée ! Ce maniaque se serait plu en compagnie de Gilles de Rais, d'Erzébeth Bathory, et de toute cette galerie de déments curieux dont Valentine Penrose, Ornella Volta et Roland Villeneuve se sont appliqués à décrire les mœurs. On comprend que Dan, cet autre voïvode, ému, mais peut-être aussi jaloux, ait voulu vaincre ce «misérable et très cruel tyran infidèle nommé Drakul, qui s'intitule Vlad voïvode de ces régions transalpines (9).» Pour son malheur, ce généreux redresseur de torts fut pris en Valachie par les soldats de Dracula et enterré, a-t-on dit, dans une tombe creusée par la victime elle-même ! Dans une lettre adressée au roi Mathias (10), notre homme reconnaît avoir massacré les habitants de plusieurs villages de la rive droite du Danube et, lors de la prise de Nicopolis, il «pilla la forteresse et prit avec lui l'or, l'argent, les pierres précieuses, la monnaie qu'il y trouva, ainsi que des âmes turques et, arrivant à son château de résidence, il fit couper les oreilles et le nez à deux esclaves (11).» Ne se vante-t-il pas d'avoir occis lui-même, le long du Danube, 23.783 personnes, sans compter «les hommes qui ont été brûlés dans leur maison ou dont les têtes n'ont pas été présentées à nos officiers?» On pense à Rabelais, qui faisait suivre le compte rendu de ces hécatombes, prodigieuses pour l'époque, du détail: «sans compter les femmes et les petits enfants». En 1458, il fait encore assassiner quatre cents enfants venus en Valachie «pour apprendre le valaque»: le détail est savoureux dans son laconisme. C'est lui enfin qui, après avoir détruit une partie de Kronstadt et fait passer les prisonniers au fil de l'épée, s'installa au milieu des cadavres pour déjeuner!

Rien d'étonnant, en effet, qu'on l'ait surnommé Drakula, Draculea ou Drakul. L'épithète a pu être employée au sens péjoratif, signifiant diable, bien qu'à l'origine le nom de Draco donné à son père ait dû signifier chevalier du Dragon. Les deux hypothèses sont également vraisemblables. En roumain, Drac signifie démon; draculet, petit diable; draci, être possédé, etc. Et Dracula, dans le roman, déclare faire partie d'une grande et noble race qu'il nomme (12) Szekelys: «Nous, les Szekelys, nous avons le droit d'être fiers, car dans nos veines coule le sang de maints peuples braves et courageux qui se sont battus comme des lions pour s'assurer la suprématie.» Et plus loin: «Puis quand les Hongrois se portèrent vers l'est, les Magyars victorieux firent alliance avec les Szekelys.» Le Szekeland, région qui s'étend à peu près entre Hermanstadt, Klausenburg et Bistritz, au nord des monts de Transylvanie, compte de nombreux villages du nom de Szekely. C'est une région riche en eaux minérales, signe que le sol y possède quelques vertus particulières… Et c'est aussi la résidence de notre personnage, quelque part au sommet d'un mont inexpugnable (13). Doit-on rapprocher ce nom de celui de «Tekely», que portait la mère présumée du comte de Saint-Germain? Lorsqu'il parle de son vampire, Stoker dit «le comte»; or, n'est-ce pas ainsi que l'on parlait - et que l'on parle toujours -de Saint-Germain? Les trois femmes qui vivent avec Dracula ne font-elles pas également songer à cette tradition selon laquelle Saint-Germain vivait avec cinq ou six femmes? Partout, des pistes différentes s'offrent à nous, qui peut-être mènent toutes à une source unique, et voici que le signe du Dragon figure dans le film Le Masque du démon, de Mario Bava, sur les armoiries et les tapisseries, et voilà l'empereur Sigismond cité dans La Magie sacrée d'Abramelin le Mage par Robert Ambelain (14) à propos de la manière dont il faut procéder pour «redonner la vie à un corps mort!». Jules Verne ne dit-il pas, en préface à son étonnant Château des Carpates, que l'histoire qu'il va nous conter n'est pas inventée de toutes pièces? Entre les deux ouvrages, des comparaisons s'imposent... et le lecteur peut être certain d'y découvrir plus d'une analogie troublante.

Dracula a d'ailleurs un émule qui, pour être inconnu en Europe, n'en est pas moins une figure également prestigieuse, le produit d'un mythe rigoureusement semblable. Le général Labatut, qui combattit glorieusement dans la Grande Armée sous Napoléon I, se retira au Brésil à la fin de sa carrière. Là-bas, il se rendit tristement célèbre par son extrême cruauté. Roger Bastide, spécialiste des religions primitives et professeur à la Sorbonne, m'a appris que depuis la mort de Labatut, les indigènes du sertao du nord-est maintiennent vivante la tradition selon laquelle Labatut, après avoir rendu l'âme, était devenu un esprit maléfique s'attaquant aux enfants dont il se nourrissait. On pense qu'il continue à exercer ses ravages, et cette croyance incite les populations à prendre des mesures précises en vue de protéger leur progéniture en certaines circonstances. Je n'ai pu savoir si ces gens recherchaient parfois le tombeau du général afin de détruire le cadavre...

Mais Dracula est inséparable du pays qui l'a vu naître, et le terme de Drakul, employé en Roumanie pour désigner les mauvais esprits responsables du vampirisme chez les Moldaves (15), signifie aussi «vampire». L'âme ne quitte le corps de ces monstres qu'une fois l'excommunication retirée, au cas où le défunt aurait été mis au ban de l'Église par un prêtre orthodoxe; en attendant, le corps né se décompose pas et va sucer nuitamment le sang des villageois. Un doute de la part des habitants devient certitude lorsque ceux-ci s'aperçoivent que la terre a été remuée tout autour de la tombe. Alors on se rassemble en prières, on déterre le cadavre et le prêtre prononce des oraisons; selon la croyance populaire, le corps tombe instantanément en poussière à ce moment-là (16). Dans toute la Roumanie, on appelle ces revenants murony, moroiu ou encore strigoiu. Comme ce sont souvent des enfants mort-nés, on prend soin d'enterrer ceux-ci en dehors du cimetière et de recouvrir leurs tombes d'épines. Le nosferat est de même nature et il répand le malheur. Comme Stoker, Murnau a dû se renseigner sur les croyances roumaines pour réaliser son film inoubliable Nosferatu. Ce nosferat est un muroiu, mais par certains côtés il ressemble fort aux incubes et aux succubes; c'est l'enfant mort-né d'un couple illégitime dont l'homme et la femme sont eux-mêmes issus de parents illégitimes. Après un concours de circonstances aussi fâcheux, qui donc saurait échapper aux forces du mal ? Le nosferat prend un malin plaisir à rendre les jeunes gens impuissants ou stériles, d'où la coutume, efficace, paraît il, d'asperger la couche nuptiale d'eau bénite ou de glisser sous elle des charbons pris dans l'encensoir de l'église. Il peut aussi se changer en animal. Les Valaques redoutent fort les hommes roux et pensent qu'il deviennent des strigoiu, après leur mort: aussi fixe-t-on leur cadavre dans le cercueil à l'aide de gros clous, ce qui doit être bien douloureux pour le vampire. Mais c'est une précaution élémentaire, car celui-ci affectionnerait tout particulièrement les maisons abandonnées où il se dissimulerait pour attaquer les gens par surprise; on pense ici à Dracula désireux de vivre à Londres dans une vieille bâtisse sordide et désaffectée.

Chez les Roumains, un autre genre d'esprits assez parents du nosferat est représenté par les staffii, entités gourmandes qu'on peut amadouer en déposant des vivres et des boissons sur les tombes le samedi, jour de la purification (17). Si quelqu'un, après la mort, est suspect d'être nosferat, on attache à son linceul une branche d'épines afin que le corps, s'il voulait se relever; se trouve empêtré. Dans les dernières années du siècle dernier, on pouvait encore voir des gens qui faisaient le tour des tombes en fumant, lors de l'anniversaire du décès, afin que le vampire restât enfermé dans son cercueil. Il s'agit de l'antique symbole de la barre de feu, obstacle aussi infranchissable que la barre de l'eau. Plus couramment, on remplit d'ail la bouche du cadavre, après décapitation, mais je n'ai ni lu ni entendu dire qu'on en ait jamais suspendu aux fenêtres. Aux partisans des grands moyens, on conseille encore d'arracher le cœur, de le brûler, d'en répandre les cendres sous la tombe. Chaque village de Roumanie possédait, à la fin du siècle dernier, une sorcière spécialisée dans l’art de conjurer les vampires: elle enfonçait un clou dans le front du défunt ou bien enduisait le cadavre de la graisse d'un cochon tué le jour de la Saint Ignace, cinq jours avant Noël (18). Les Valaques entourent aussi certaines tombes de longues traînées de filasse; ils répandent au-dessus un peu de poudre explosive et allument le tout: le résultat ne se fait pas attendre. Il arrive même qu'on donne au cadavre un morceau de chaux vive; friandise qu'il n'apprécie guère (19). La coutume voulait, il n'y a pas si longtemps, que les personnes présentes à une naissance jetassent un caillou derrière elles, symboliquement, en disant: «Voici pour le Strigoï», afin d'empêcher celui-ci d'apparaître et de venir sucer le sang de l'enfant. On avait donné à Saturne, au lieu du petit Jupiter, un caillou à mâcher: les mythes sont éternels. Malgré tant d'acharnement et de bonne volonté, il arrive que ces moyens préventifs se révèlent encore insuffisants; alors le cadavre, qui est, notons-le, retrouvé fort bien conservé et le visage frais, quelle que soit la longueur du séjour qu'il a déjà passé dans la tombe, est empalé avec un pieu de bois ou brûlé entièrement, à moins qu'on ne lui enfonce un grand clou dans le front. D'après certains paysans, le murony pourrait se transformer en toutes sortes d'animaux: chien, chat, crapaud, grenouille, pou, puce, araignée, etc.; mais je n'ai point trouvé trace d'une transformation en chauve-souris dans la croyance populaire. Il n'est d'ailleurs pas nécessaire d'avoir été mordu au cou, et certains croient avoir été vampirisés sans qu'il y ait pour autant blessure apparente (20).

Les Roumains croient également au priccolitch, surtout les Valaques; ce n'est pas exactement un vampire, mais plutôt un petit cousin du loup-garou; cet être vivant parcourt le village la nuit sous la forme d'un chien, il tue les animaux domestiques, se gave de leur sang, ce qui lui procure l'avantage enviable de rester toujours jeune et de conserver un teint frais et vermeil (21). Valvassor, qui fit un récit circonstancié de l'affaire Giure Grando, fameux vampire qui épouvantait les habitants de cette région au XVIIème siècle, écrit sur les Valaques (22): «Ils enterrent un cadavre suspect au premier endroit venu qui leur semble favorable, de préférence sous un arbre, mais aussi ailleurs; ils placent à côté de lui un morceau de pain et une petite pièce d'argent ou une plante quelconque. Puis on lui jette un peu de terre sur le corps et on pose sur sa tête une pierre assez lourde, parfois aussi sur ses pieds, afin qu'il ne puisse sortir de là et hanter les maisons.»

De tout le folklore de cette région, Bram Stoker a su utiliser avec génie certains aspects, si bien que pour un vaste public, Dracula, être surgi des ténèbres, est devenu le vampire par excellence et le personnage parfois stéréotypé dont le cinéma, avec plus ou moins de bonheur, s'est déjà tant de fois attaché à nous rendre présente la si inquiétante silhouette. On peut ainsi se demander quels mystérieux rapports unissent Dracula et les nombreuses histoires dont nous entretiennent les anciennes chroniques et les documents historiques. Mais il n'y a pas de mythe du vampire au sens où des amateurs trop pressés ont cru pouvoir le définir. II n'y a que des traditions populaires et folkloriques d'une part, et ce qu'en ont fait la littérature et le cinéma d'autre part. Ces deux domaines doivent être soigneusement distingués sous peine d'entretenir une confusion regrettable et de prendre certains rêves pour la réalité. Rassurons nous: celle-ci est bien plus étrange encore que les fantaisies de Curse of the Undead (Edward Dein, 1959) ou Ercole al centro della terra (Mario Bava, 1961), et il y a plus de fantastique dans les récits authentiques de Valvassor, de Guillaume de Newbury et de Dom Calmet que dans ceux de Paul Féval ou de Polidori. Pour Dracula, on pourrait tracer deux colonnes, en indiquant dans l'une ce que Stoker a conservé des véritables traditions, c'est-à-dire des croyances et des faits attestés par les documents historiques, et dans l'autre ce que l'auteur a inventé pour les besoins de l'œuvre littéraire.

Pour l'essentiel, le parallélisme est évident. Dracula est un mort qui quitte son tombeau la nuit pour se nourrir de la force vitale des vivants afin de conserver intact son corps à travers les siècles. De même, c'est parce qu'il a mené une vie mauvaise et criminelle qu'il est devenu ce monstre, et surtout parce qu'il s'est livré à la magie noire, aux évocations démoniaques, ce qui est généralement le cas des vampires d'Allemagne et d'Europe centrale (23). Ce mystérieux échange entre les morts et les vivants peut être favorisé, en effet, par des pactes avec les puissances du mal ou par tout ce qui leur ressemble dans ce ténébreux domaine. «Le nosferatu ne meurt pas, comme l'abeille, de sa morsure, mais en vit, et y gagne une force nouvelle», dit le Pr Van Helsing dans le roman. Ainsi le monstre suce le sang, de préférence au cou, bien que ce dernier trait soit propre à l'Europe centrale. Chez les Indiens d'Amérique, il introduit sa bouche transformée en trompe dans l'oreille du dormeur pour lui sucer le cerveau (24); et au sud de l'Atlas, on croit à des négresses vampires qui viennent la nuit sucer par les orteils le sang des dormeurs (25). Pour parvenir à ces fins, les vampires du Jeypur montent sur les toits et introduisent un fil magique par la cheminée (26) ! Évidemment, les gens vampirisés deviennent vampires à leur tour, fatalité reconnue dans presque tous les pays. La nuit est le moment le plus favorable pour sortir du tombeau, mais les broucolaques de Grèce peuvent se montrer le jour, et le chant du coq n'est qu'un thème littéraire. On détruit le vampire en lui enfonçant un pieu dans le corps et celui-ci tombe instantanément en poussière: Stoker reprend ici une tradition universelle, bien que dans certains pays on puisse avoir recours à d'autres moyens. Si le pieu se révèle un moyen insuffisant, on coupe alors la tête du cadavre et on brûle le tout (27).

Pourtant, Stoker a inventé en ce domaine, il a innové pour les besoins de la fiction. La Roumanie est certes un des rares pays où le vampire se transforme en animal, mais il semble bien qu'il ne s'y soit jamais transformé en chauve-souris. Dans d'autres contrées, il n'y est d'ailleurs presque jamais identifié, sinon par les tribus du Loango (28). L'ail est parfois utilisé et il se met dans la bouche, mais c'est très rare, et ici également on a affaire à un thème littéraire. Quant à la croix, elle n'est que fort rarement considérée comme efficace, bien que l'eau bénite soit dans tous les pays chrétiens un puissant moyen de protection; mais le cinéma ne cesse d'inventer, d'innover dans ce sens, à la suite de Bram Stoker, en raison des très belles possibilités plastiques dont il dispose. Un personnage du roman dit à propos de Dracula: «Nous savons qu'il peut rajeunir s'il se gorge de sang jeune», ce qui est une fiction littéraire, de même lorsqu'on lit: «Son corps ne projette aucune ombre et ne se reflète pas dans les miroirs», ou quand on apprend qu'il « commande aux animaux». De même, il «ne peut entrer dans une maison sans y être appelé. Mais ensuite, il pourra y venir tant qu'il voudra». Il y a aussi les traditions réelles que Stoker a utilisées en les modifiant quelque peu, afin de leur donner davantage de relief dans la trame du récit: son vampire ne peut traverser l'eau... qu'à l'heure de la marée montante. De même, le thème de l'eau bénite est ici assez habilement transposé: «une balle bénite, tirée à travers les bois du cercueil, peut le tuer», idée qui sera reprise dans le film Curse of the Undead, à la conclusion si surprenante. Mais qui donc était Bram Stoker?

Le voile qui enveloppait la vie de cet écrivain, génie du roman fantastique, auteur maudit dont l’œuvre poursuit - étrange aventure posthume! - une bien curieuse destinée, vient de se déchirer en partie. Harry Ludlam a présenté une Biographie de Dracula, c'est à dire de Bram Stoker lui-même (29), dont la vie intime, si riche en péripéties diverses, est contée avec verve par un chercheur qui a eu la chance d'approcher quelques contemporains et amis du romancier. Né en novembre 1847 à Dublin, d'une modeste famille de fonctionnaires, Abraham Stoker, de santé précaire, eut une enfance difficile. Pourtant, entré à seize ans au Trinity College de Dublin, dans lequel C.R. Maturin, l'auteur de Melmoth, puis Sheridan Le Fanu, avaient également fait leurs études, il y devint un grand sportif et l'athlète qu'il devait toujours rester par la suite. Le théâtre, sa première grande passion, lui fit connaître à vingt ans celui qui devait avoir sur toute sa vie, esthétique et sentimentale, une importance décisive. Mais Henry Irving, de vingt ans son aîné, grand acteur et homme de théâtre, ne devait se lier avec Bram qu'un peu plus tard, en 1879, et d'une manière définitive. Passionné par la poésie de Walt Whitman à une époque où elle était méconnue en Irlande voire méprisée, il se consacra à différents travaux littéraires. Éditeur d'un journal du soir, essayiste, critique dramatique, voici qu'il découvre soudain, en 1871, Carmilla de Sheridan Le Fanu (30), qui devait beaucoup l'influencer et inspirer Dracula.

Désireux de suivre la voie tracée par Le Fanu, mais avec plus d'ampleur, il écrivit ainsi le premier roman entièrement consacré au vampirisme. II lui fallait un vampire qui fût en même temps a master ghoul: il le trouva en la personne du voïvode Dracula. L'ouvrage terminé, son auteur le dédicaça à Hommy-beg, pseudonyme de Hall Caine, célèbre écrivain populaire de l'époque, et le fit paraître en mai 1897 aux éditions Constable; la première représentation théâtrale de la pièce eut lieu ce même mois, à la seule fin d'établir un copyright et de protéger l’œuvre de la piraterie littéraire. Dans son livre, Harry Ludlam reproduit en détail l'affiche et le programme de ces premières soirées : documents combien émouvants ! Qui pouvait prédire, alors, l'extraordinaire succès de ce chef-d’œuvre dans les années qui allaient suivre? Hamilton Deane réalisa Dracula sur la scène en juin 1924 à Derby et ce pendant dix-huit ans. II fut, peu avant sa mort, présenté à Harry Ludlam qui put lui poser de nombreuses questions. Bram Stoker mourut à Londres en avril 1912 après une longue maladie de six années. Harry Ludlam ne donne presque aucune référence: où a t il puisé ses sources, lorsque celles-ci ne sont pas seulement orales? Aux lecteurs intéressés par la vie et la personnalité de Bram Stoker, signalons les articles du Times des 22 avril 1912 (p. 15) et 25 avril de la même année (p. 9). Par ailleurs, une filmographie de tout premier ordre a été établie par Jean-Claude Romer, ainsi qu'une bibliographie des éditions successives de Dracula dans la revue Midi-Minuit fantastique de janvier 1963 (31).

Harry Ludlam ne parle aucunement de l'appartenance du romancier à la société secrète néo-païenne et magique de la Golden Dawn in the Outer. Pourtant, c'est peut-être au sein de cette institution initiatique que Bram Stoker acquit ses connaissances occultes, et, selon une tradition tenace, i1 n'aurait pas écrit les livres qu'il a publiés. Dans les numéros deux et trois de La Tour Saint-Jacques, Pierre Victor retrace avec une très grande clarté l'histoire de cette secte. C'est en 1867, explique-t-il, que Robert Wenworth Little avait fondé en Angleterre la Societas Rosicruciana in Anglia dont fit partie Bulwer-Lytton, l'auteur des Derniers jours de Pompéi et de Zanoni. R.-W. Little mourut en 1878 et fut remplacé par William R. Woodman, assisté de W. Wynn Westcott, et de Samuel L. Mathers qui avait épousé la sœur d'Henri Bergson. Les trois hommes, désireux de créer une organisation non seulement spiritualiste, mais capable de mettre en oeuvre les voies actives de la magie, fondèrent en 1887 la Golden Dawn in the Outer qui devait donner dans ses rituels une place prépondérante aux rites opératifs. Selon Pierre Victor, la Golden Dawn proprement dite, en ce qui concerne les grades et les degrés, dépendait d'un corps rosicrucien établi en Allemagne. Vers 1900, l'ordre groupait quelques centaines d'adhérents dont certains étaient des gens assez éminents, notamment les écrivains William B. Yeats, Arthur Machen, Algernon Blackwood, Sax Rohmer et - peut-être - Bram Stoker, ainsi qu'Allan Bennett, Aleister Crowley, etc. Il serait peu vraisemblable que Stoker, s'il fit partie de la Golden Dawn, n'ait pas été marqué fortement par elle, ainsi que le furent les autres membres initiés. Comme l'écrit Pierre Victor: «Il est certain que tous les individus qui ont participé de façon active à la vie de l'ordre de la Golden Dawn ont été marqués d'une empreinte ineffaçable. Leur vue du monde n'a jamais plus été celle d'un profane. Leurs pratiques magiques leur ont paru à la fois efficaces et exaltantes.»

Ne trouve-t-on pas, dans un passage tiré d'un manifeste de Mathers et concernant certains «Supérieurs Inconnus», quelque analogie avec le personnage créé par Bram Stoker? Celle-ci, si elle n'est pas trompeuse, est soigneusement occultée mais étonnamment précise, débordant largement le cadre du vampirisme: «Au sujet de ces chefs secrets - cite Pierre Victor - je ne peux rien vous dire... Je me sentis en contact avec une force si terrible que je ne puis que la comparer à l'effet ressenti par quelqu'un qui a été près d'un éclair pendant un violent orage accompagné d'une difficulté de respiration... La prostration nerveuse dont j'ai parlé s'accompagnait de sueurs froides et de pertes de sang par le nez, la bouche et parfois les oreilles. Ajoutez à cela la cérémonie d'évocation, le combat presque constant avec des forces démoniaques (32)». Il est pour le moins curieux que Ludlam (33), qui écrivit une si belle biographie de notre auteur, n'ait même pas mentionné cette société secrète! Peut-être obtint-il des renseignements dont il n'eut pas le droit de faire état par la suite. Les renseignements qui suivent m'ont été confiés par Gerard Heym, un ami intime de feu Leigh Gardner (34). D'ailleurs la Golden Dawn existe toujours... Elle eut son historien, Regardie, auteur de quatre volumes consacrés à cet ordre initiatique (35), ouvrages par lesquels l'auteur se serait attiré quelques ennuis avec certains membres de l'ordre. Ceux-ci seraient parvenus aussi à empêcher en Angleterre la vente de My Rosicrucian Adventure, du même auteur (36). Stoker était également l'ami du savant Brodie Innes, le chef du Temple Écossais, et il se serait affilié à l'ordre très précisément à l'époque où celui-ci subissait la modification qui devait en faire la Golden Dawn, telle que nous la connaissons sous sa forme actuelle; peut-être en fit-il partie vers 1890, c'est-à-dire peu avant d'écrire Dracula...

Selon Gerard Heym, les sources du roman seraient, outre le message initiatique qu'il contient: premièrement, plusieurs livres sur le vampirisme en Hongrie; deuxièmement, un livre sur le même sujet par Olaus Magnus III, XVIIème siècle; troisièmement, des contacts avec des vampires (vampire personalities) que l'on pouvait trouver à Londres dans les années 1880 et 1890. Et il ajoute: «Je sais cela de Gardner, qui connaissait bien Stoker.» Pour la première partie de ce témoignage, on pourra se reporter à mon ouvrage Les Vampires (éditions du Terrain Vague). Mais quant à ces personnalités vampires, j'ignore ce que Gardner pouvait vouloir dire, Gerard Heym n'ayant pu me renseigner davantage sur ce problème. La solution de celui-ci serait peut-être de nature à jeter sur la personne même de Dracula quelque lumière inattendue et à renouveler la critique historique relative au comte de Saint-Germain qui sans doute était originaire de Transylvanie (37). L'ouvrage d'Olaus Magnus est à la réserve de la Bibliothèque nationale; il contient deux anecdotes qui ne laissent pas d'être fort curieuses et ressortissant très précisément au vampirisme (38). On lit (p. 46): «Les Goths auoient plusieurs autres dieus qu'ils adoroyent, lesquels (côme dit Saxon) etans en leur vivant grands magiciens, et enchanteurs, auoyent si bien sceu gaigner le simple peuple, qu'ils auoyent été estimés dieus; et leur sacrifioit on de leur vivant non en la Gothie seulement, mais par tout le païs Aquilonaire... Du nombre déquels fut un nommé Methothim grand magicien... Enfin, le peuple, ayant découvert sa méchanceté, le mit à mort, puis quelque tems après, tirant son cors hors du tombeau, l'empala pour lui faire recevoir le loyer de ses mérites, avec une fin fort digne de sa vie.» Puis, citant Vincèt en son miroir des histoires, Livre XXV, chap. XXVI, Olaus Magnus parle d'une sorcière qui, sur le point de mourir, se repent et dit à ses proches (p. 61): « Quant à l'âme je sai bien qu'elle êt damnee, et ne le pourriès détourner par aucune prière. Quant au cors, je vous pri que le faciés coudre dedans un cuir de cerf, puis, le mettre en un cercueil de pierre bien joint et sellé avec du feu, et du plomb, puis ceint tout autour de trois grosses chênes. Si je puis demeurer ainsi par trois jours, faites moi enterrer le quatrième, combien que je crains beaucoup que la terre ne me veuille point recevoir, à cause de mes grandes fautes et méchancétés.»

Gerard Heym affirme que Stoker était pénétré d'ésotérisme; ainsi que tous les occultistes au tournant du siècle, il en était profondément influencé; il vivait ses idées en véritable adepte, car elles n'étaient pas pour lui simple apport de données objectives, mais expérience sentie et authentique. Il possédait aussi une connaissance de première main de ce dont il parlait dans ses contes et romans fantastiques, pour en avoir eu des révélations directes. Ce qui depuis la Seconde Guerre mondiale tend à devenir exceptionnel, était encore assez courant. Tandis que les écrivains ésotériques ont pour la plupart perdu ce qu'on pourrait appeler le contact immédiat, ceux de cette époque étaient loin d'être de simples intellectuels.

Sur le plan initiatique, le roman se situe à deux niveaux, selon qu'on envisage le périple de Jonathan Harker ou la destinée de Dracula. Dans le premier cas, le scénario est le même que celui de la plupart des récits d'aventures traditionnels: un héros quitte son pays pour une destination lointaine, affronte d'innombrables dangers en cours de route et, au moment d'atteindre le but, il doit encore terrasser quelque monstre du seuil. Mais Jonathan ne sait pas ce qu'il va chercher; ce n'est pas l'instinct d'aventure qui le pousse vers la Transylvanie, c'est une obligation professionnelle. Il ne va pas trouver un trésor ni une révélation capable de l'illuminer. Le voyage finit dans la peur et le désespoir engendrés par les plus effroyables maléfices, bien que les avertissements ne lui aient pas manqué. Sa route était semée de mauvais présages, dont le principal et le plus magistralement décrit, un des plus beaux passages de la littérature fantastique de tous les temps, est celui du cimetière et du loup non loin de Munich lors d'une nuit de Walpurgis. Ce passage n'a pas été intégré aux éditions successives de Dracula pour des raisons demeurées obscures, et il ne parut qu'au bout de plusieurs années sous la forme d'une nouvelle intitulée Draculas's guest - l'invité de Dracula - en 1914. I1 s'agit en quelque sorte d'un avertissement solennel envoyé à Jonathan; celui-ci doit rebrousser chemin, oublier le but du voyage, ne pas s'exposer à un danger qui se précise au fur et à mesure qu'il approche de la Valachie. Ce splendide chapitre, qui fait souvent penser à Carmilla par la délicatesse des tons suggérés, a été édité pour la première fois en français par les soins d'Eric Losfeld en 1963, dans une traduction d'Yves Legras. Dans un autre passage du roman, on voit encore Jonathan échapper de peu à la mort, car dans son imprudence il s'est laissé séduire nuitamment par des femmes étrangement belles, nées des rayons de la lune, dans une vieille pièce du manoir, et qui sont de redoutables vampires... tout comme les candidats aux initiations, dans les antiques civilisations, devaient subir une épreuve incarnée par une femme et, selon qu'ils savaient ou non résister; gagnaient l'immortalité ou ne trouvaient que la mort.

Quant à Dracula lui-même, il représente un cheminement initiatique à rebours. Dracula a choisi la voie ténébreuse, certes, mais non l'ultime voie ténébreuse d'où aucun retour n'est plus possible. Un homme sous le coup d'une malédiction de cette nature ne saurait être condamné irrémédiablement pour ses méfaits: c'est le cas de Laponder dans le Golem.

Ainsi, Dracula n'était pas un blasphémateur. Il aimait ses victimes, ce qu'une certaine interprétation bourgeoise de son cas n'a pas compris. Il est totalement isolé face aux hommes, qui s'acharnent contre lui. Bien sûr, on peut justifier l'action de ceux-ci, laquelle n'est au fond qu'un mouvement de légitime défense. Mais derrière ce voile superficiel, il y a la médiocrité inouïe de tous ces justiciers apeurés et grandiloquents. Un seul émerge, Van Helsing, qui incarne la science, la soif de sécurité, l'héroïsme classique. Il préfigure certains héros de Jules Verne, à cette différence que Stoker ne l'a peut-être pas trop pris au sérieux. Certains acteurs du drame n'ont d'ailleurs aucune personnalité véritable, ils sont proprement possédés par le comte sans même le voir, comme Renfield. Tous n'existent que par lui, à travers lui, et on ne le connaît que par les correspondances échangées et les journaux intimes. Jamais aucun personnage n'exprime son admiration ou son respect devant le surnaturel; seule la monstruosité du fait émeut les acteurs du drame; mais ni ce qu'il représente de mystérieux, ni ce que révèle l'autre côté du miroir ne les touche profondément. Une phrase pourtant, dite par Van Helsing, peut faire rêver longtemps le lecteur: «Et cela, il l'a fait seul, tout seul, à partir d'un tombeau en ruine quelque part dans un pays oublié!» Oui, on peut s'étonner en vérité, car le plus fantastique n'est pas qu'il puisse commander aux animaux où aux éléments, mais que du fond de son tombeau situé en quelque endroit solitaire de l'autre côté des forêts de Transylvanie, il ait pu gagner Londres après des siècles de préparatifs pour y faire de nouvelles victimes. Sa puissance s'est étendue peu à peu, à partir d'un point minuscule, et elle aurait pu se répandre sur toute la terre. Le roman de Richard Matheson I am Legend est la revanche de Dracula, Robert Neville est un Van Helsing ridiculisé, bafoué - juste retour des choses!

Le succès remporté actuellement par Dracula en librairie est mérité; on exhume une oeuvre trop longtemps tombée dans l'oubli, et c'est au cinéma que l'on doit cette redécouverte. Le risque était grand de ne plus voir dans ce livre qu'un thème popularisé par le septième art, qui rend seulement certains effets au détriment d'autres valeurs. Mais le public a su remonter à la source originale, il a réclamé ce que seul l'ouvrage pouvait lui donner: les nombreuses rééditions en langue anglaise en témoignent, de même que les traductions étrangères. Et il faut s'en féliciter. Dès-lors, ce public ne s'intéresse plus seulement à des textes tronqués, il réclame aux éditeurs une version complète et même un chapitre qui n'a jamais figuré dans le roman, bien qu'il en fasse partie, comme Dracula's Guest. Les Parisiens pouvaient encore, au mois d'avril 1963, admirer une belle exposition organisée par Jean Boullet à la librairie La Mandragore, entièrement consacrée à Dracula et qui comportait entre autres choses de nombreux documents cinématographiques de tout premier ordre. On y trouvait aussi les différentes éditions de l’œuvre, des couvertures de disques du genre Dracula cha-cha-cha, des extraits de journaux anglo-saxons relatant les méfaits de malheureux jeunes gens à l'esprit égaré qui s'étaient pris pour le comte, des couvertures de livres, des coupures d'illustrés... et le plus curieux était de découvrir, dans tout cet amas disparate, une unité profonde, une cohésion, qui, j'en suis certain, n'étaient pas dues seulement à l'habileté des organisateurs. Malgré la différence des styles et des genres, une figure dominait, tantôt inquiétante comme échappée des profondeurs d'un au-delà chargé de maléfices, tantôt caricaturale, mais toujours incarnant le même archétype, celui du vampire. Il faut s’exprimer d'une manière ou d'une autre, mais à notre époque, où les symboles et les mythes s'effritent, il ne peut plus y parvenir qu'à travers une forme unique, simplifiée à l'extrême, dénominateur commun de tant d'angoisses semblables. Avec Dracula, ce symbole s'est en quelque sorte personnalisé, mais sans rien perdre de son mystère. Ce mot incarne aujourd'hui pour nous l'idée même du vampirisme, et non plus seulement, hélas, son aspect occulte, car il se charge de résonances affectives dont les aspects morbides sont loin d'être absents: nécrophilie, sadisme, homosexualité, etc., au travers desquels on finit pourtant par rejoindre le message profond et le contenu initiatique. Les films goûtés le plus par l'ensemble du public n'ont-ils pas été ceux qui s'inspiraient le plus étroitement du roman de Stoker?

A propos de l'apparition de La Marque du Vampire sur les écrans parisiens en 1935 - film de Tod Browning - Jean Boullet écrit (39) : «A Paris, au Studio Universel où le film passe en exclusivité, les infirmières relèvent les spectatrices en syncope dans la salle. Au-dehors, une ambulance est garée à quelques pas de l'entrée du cinéma. La presse offre un million à qui assistera à la projection, seul, le soir, à minuit.» Et Le Cauchemar de Dracula de Terence Fisher, tourné en 1958, continue à avoir plus de succès que Les Maîtresses de Dracula, du même réalisateur. Cela n'a pas de quoi surprendre car, dans son premier film, Fisher avait serré de beaucoup plus près l'idée originale. Dans une lettre écrite en avril 1963, il m'explique qu'il avait cherché avant tout, dans sa première adaptation, à s'inspirer le plus possible du roman. Et pourtant, quelle originalité chez ce grand artiste! En puisant dans l’œuvre de Stoker, il imite moins celui-ci qu'il ne puise aux sources véritables d'une tradition hautement symbolique dont l'auteur de Dracula était le dépositaire. L'excellent acteur Christopher Lee a essayé d'interpréter le rôle dans ce sens, si bien qu'il y avait au départ, chez le réalisateur et chez l'acteur principal, une conception semblable du film à faire. Lee écrivait à la revue Midi-Minuit fantastique en 1963 (40): «Ce rôle n'est-il pas immortel par excellence?» II regrette même que tous les épisodes du roman, en raison d'exigences techniques, n'aient pu être conservés, «notamment les séquences avec les loups et la scène capitale de Harker et du miroir, sans parler du bateau voguant vers l'Angleterre. L'omission de Renfield était également une chose très regrettable». Et il ajoute ces paroles révélatrices: «Mon idée personnelle de l'interprétation du comte Dracula était bien entendu basée sur le roman que j'ai lu maintes et maintes fois... J'ai toujours essayé de mettre en évidence la solitude du mal et particulièrement de bien montrer que, quelque terribles que puissent être les actions du comte Dracula, il était possédé par une force occulte qui échappait entièrement à son contrôle. C'est le démon, le tenant en son pouvoir, qui l'obligeait à commettre ces crimes horribles, car il avait pris possession de son corps depuis des temps immémoriaux... J'accepterais volontiers de reprendre le rôle du comte, dans une nouvelle adaptation, à la condition toutefois que l'ensemble du film soit fidèle au roman de Bram Stoker.» Un autre interprète de Dracula, Bela Lugosi, ne fut-il pas littéralement «possédé» par son personnage? Spécialisé dans les rôles de vampires, il finit par habiter dans une vieille maison en ruine peuplée de chauves-souris, dormant dans un cercueil...

Quand parut Dracula, le genre fantastique n'était déjà plus, en littérature, de date récente. Ni Cazotte, ni même Apulée ne l'ont inventé. Et ce livre qui en est un des sommets présente aussi l'originalité d'être un roman, point seulement un conte. Ici le surnaturel fait violemment irruption dans la vie quotidienne, tout merveilleux est exclu au profit de l'opposition entre deux monde : l'un réaliste à l'extrême, l'autre incroyable, terrifiant et baigné de surnaturel. L'un représente la réalité existentielle, il est historiquement daté, intégré dans une mode dépassée et un peu vieillotte, et ceci donne plus de vérité au récit car cette ambiance, cette société victorienne de la fin du siècle dernier, ont bien existé; l'autre est celui du mal, de la peur, du maléfice, il nous émeut d'autant plus qu'il n'est lié au premier qu'accidentellement, car il est de toutes les époques et peut fort bien se manifester dans la notre. C'est ainsi qu'une expérience nous est communiquée, sans couleurs trop chatoyantes, mais avec la dureté du noir et du blanc; et l'on songerait volontiers à une illustration de l’œuvre de Jules Verne aux éditions Hetzel, avec pour seule couleur d'exception, parfois, quelques gouttes de rouge en certains endroits méticuleusement choisis. Dracula n'écrit guère; ce sont surtout les autres personnages, les vivants, nos semblables, qui échangent correspondances et journaux intimes, d'où une constante référence à la réalité quotidienne, au réalisme, à la raison, sans lesquels nul fantastique ne peut jamais surgir, même lorsqu'est exprimé l'incommunicable. Car un fait de vampirisme est une chose bien précise et intégrée à la réalité, de même que les zombis étudiés par Seabrook et C-H. Dewisme, les loups-garous de Claude Seignolle, et d'une maniére générale le thème de l'immortalité physique, dont Serge Hutin s'applique actuellement à rapprocher les diverses formes.

Jonathan Harker refuse pourtant l'évidence, de même que ses compagnons, et il faudra attendre que la peste vampirique fasse bien des ravages pour que l'on se mette en quête d'un système de défense, alors qu'il est déjà peut-être trop tard: lorsque les digues sont défoncées, qui peut arrêter ce torrent venu on ne sait d' où? Mais voici le comte encerclé par ses ennemis les vivants, et le cercle se referme sur lui lentement, impitoyablement, jusqu'en son centre où dans un splendide paysage on voit chevaucher à toute allure les personnages principaux vers ce cercueil qui fuit lui aussi, sous la protection vigilante des Bohémiens, et le centre vital du cercle magique est atteint, supprimé, nié à jamais d'un coup de poignard... page remarquable par son mouvement, sa rapidité, alors que le danger était grand de décrire sur un plan statique un tel dénouement; mais avec cette course effrénée nous sommes sur plusieurs plans à la fois; et en quatre dimensions.

L'absence totale d'admiration ou de respect à l'égard du comte, que l'on constate chez tous les personnages, est techniquement fort habile; si c'était l'inverse, le fantastique serait éventé, dilué, noyé dans le mysticisme - et le fantastique ne s'accommode pas du mysticisme qui est acceptation, acte d'amour, il ne se plaît que dans la surprise, la crainte et le refus. Il préfère un espace chaos, où l'on délimite ce qui fait peur afin de le faire mieux disparaître, en le détruisant; en l'enterrant ou en le jetant à la mer, technique traditionnelle que l'on retrouve dans tous les contes de cette école: chez Théophile Gautier, la toile représentant Omphale est rangée dans un grenier, à l'abri pour toujours des yeux indiscrets.

C'est à un moment bien particulier que se fait, entre le réel et le surnaturel, le «passage» qu'il est difficile de rendre admissible au lecteur. On n'entre point dans une société secrète sans un rite de «passage» qui permet de quitter un état pour accéder à un autre.

Toutes proportions gardées, ce qui est propre à la vie ésotérique l’est aussi à l'art et il doit y avoir, entre le monde profane et le monde sacré, un pont construit de main de maître. Stoker sait utiliser à merveille ces ressources du conte fantastique de la meilleure tradition, et l'étrange s'insère tout naturellement dans son récit. Sa technique, pour n'être pas apparente, n'en est pas moins savante, grâce à une atmosphère suggérée graduellement. Le long voyage de Jonathan, entre Londres et la Transylvanie, joue ici le même rôle que le personnage de Renfield qui pourtant ne quitte pas sa clinique. Les Bohémiens, qui confèrent à certains passages une couleur locale des plus pittoresques, servent au même but d'efficacité esthétique que les recherches de Van Helsing dans les diverses bibliothèques d'Europe. II arrive qu'un conte fantastique nous achemine vers l'indicible dès le second coup d'archet; ce n'est pas le cas de ce roman, mais le lecteur est déjà tout pénétré de mystère quand le surnaturel lui est révélé. Ainsi, Dracula se situe d'emblée dans l'une des deux catégories du genre: celle où toute ambiguïté disparaît, c'est-à-dire à l'opposé des contes de Henry James. Les événements étranges viennent on ne sait d'où et ils finissent par nous envahir, comme chez M.R. James et Jean Ray, et alors on s'en débarrasse, à moins qu'on ne se laisse dévorer par eux, comme les personnages de Lovecraft, qui combattent avec des espèces, ou ceux de Bradbury, en proie à des forces insidieuses. L'impassibilité est toujours un signe de réussite dans ce genre si délicat. Certes, les héros de Stoker prennent peur et expriment souvent leur horreur ou leur désespoir, mais ils agissent, et de ce combat entre les hommes et les forces du mal surgit, sans cesse renouvelé, ce passage entre deux univers, moteur essentiel de l'oeuvre.

Il s'agit de vampires, on les empale et ils tombent en poussière, si bien qu'il y a toujours néantisation de ce qui était surnaturel; mais on n'est pas déçu, car cette exécution capitale d'un monde par un autre n'apparaît qu'après la révélation de l'innommable, désormais présent à jamais dans l'esprit du lecteur. Et après cette révélation, l'univers qui nous entoure n'est plus très rassurant; on a renfermé le diable dans sa boîte, mais qui nous dit qu'un autre ne va pas, demain, sortir d'une autre boîte? A la fin du roman, Jonathan et sa famille reviennent en vacances sur les terres jadis hantées par le comte; tout est bien qui finit bien, et dans le meilleur des mondes... Il n'en reste pas moins vrai que, la preuve en est donnée, les vampires existent! C'est pourquoi il serait peut-être inexact de parler ici de «symbole» qui représente et réalise une solidarité permanente de l'homme avec la sacralité. II serait plus juste de dire: «description de scandaleuses hiérophanies», celles-ci suggérant et supposant un véritable point de rupture entre le sacré et le profane, un passage violent de l'un à l'autre; c'est bien là, semble-t-il, le mécanisme interne de ce roman, à condition de ne pas oublier que le surnaturel y apparaît toujours soit au moment où on ne l'attend pas, soit au moment où les personnages le souhaiteraient le moins. Et c'est ce qu'illustre parfaitement Dracula. Comment, dès lors, ne pas souscrire à ce jugement de Russel Kirk (41): «Plus orthodoxe est la théologie d'un écrivain, plus convaincants seront ses contes fantastiques en tant que symboles et allégories.»

Mais que dire de telles oeuvres, sinon qu'il faut puiser directement à la poésie qu'elles renferment et entendre leur message essentiel, plutôt que se livrer à une exégèse incapable d'atteindre le fond des choses? C'est avant tout une affaire de sentiment, le courant passe ou bien il ne passe pas, et l'on a tout avantage à lire l'ouvrage dans l'original ou dans une traduction complète, en prenant bien soin d'y joindre Dracula's Guest, chapitre indispensable à la compréhension du livre et de son auteur. Et si, sans idées préconçues, le lecteur veut bien entreprendre de dépouiller ce volumineux courrier, s'il consent à ouvrir ces journaux intimes et d'un autre âge sans se laisser rebuter par leur style un peu vieilli ou par l'aspect parfois conventionnel des sentiments, alors il fera beaucoup plus que lire un roman, il pénétrera dans un monde nouveau où il apprendra beaucoup, quelles que soient ses connaissances ou les secrets dont il est le dépositaire, et cette lecture lui sera un guide vers ailleurs... Il ne reste plus dès lors qu'à lui souhaiter bon voyage, et d'arriver à bon port.

 

Tony Faivre, 1963

 

Notes

 

(1)  A Biography of Dracula, the Life Story of Bram Stoker, par Harry Ludlam, Edit. The Fireside Press, Londres 1963, p. 100. (Retour)

(2)  Dans le Journal de Mina, 30 septembre. (Retour)

(3)  N. Iorga, Histoire des Roumains et de la romanité orientale, vol. II, Les Chevaliers, Bucarest 1937. (Retour)

(4)  P. 38. (Retour)

(5)  Pp. 249-251, Reatiile, I. Tocilescu, pp. 377-379. (Retour)

(6)  P. 41. Cf. aussi Elie Minea, Vlad Drakul. (Retour)

(7)  Iorga, op. cit., p. 86. (Retour)

(8)  H.S. des Stiftes St. Gallen. IV, 806. Cité par Conduratu, in Gregor C. Conduratu, Michael Beheim Gedicht über den Woïwoden Vlad, Bucares, 1903. (Retour)

(9)  P. 158, Iorga, op. cit. (Retour)

(10) Vlad Drakul, p. 78 ss. (Retour)

(11) Iorga, d’après Acte si fragm., III, pp. 12-13. (Retour)

(12) Journal de Jonathan Harker. (Retour)

(13) Sur ces détails géographiques, cf. Baedeker : BN 8 M. 6875. (Retour)

(14) La Magie sacrée d’Abramelin le Mage, Edit. Niclaus, 1963, présentée par Robert Ambelain. (Retour)

(15) Cf. mon livre : Les Vampires, Edit. du Terrain Vague, p. 63, et pour tout ce qui suit, pp. 91 à 94. (Retour)

(16) Tony Faivre, op. cit., p. 93 et Didascalia, nov. 1841. (Retour)

(17) Op. cit., p. 91, et Heinrich von Wlislocki: “Quälgeister im Volksglauben der Rumänen“, dans Urquell, 1896. (Retour)

(18) Op. cit., p. 92, et E. Gerard : The Land Beyond the Forest, 1888, t. 1, p. 13. (Retour)

(19) Op. cit., p. 92, et A. Schott : Ausland, 1849, p. 289. (Retour)

(20) Op. cit., p. 92, Arthur et Albert Schott: Walachische Märchen, Stuttgart, 1845, p. 297. (Retour)

(21) Cf. W. Hertz: De Werwolf, Stuttgart, 1862, p. 129. (Retour)

(22) Pour tout ce qui concerne cette affaire, cf. Tony Faivre, op. cit., et Ehre von Crayn, III, p. 295. (Retour)

(23) Cf. Les Vampires, tout ce qui concerne le chapitre Coutumes. (Retour)

(24) Tribus du Nord et du Canada, cf. Tylor : Primitive culture, 1878, Vol. II, p. 249, traduction française. (Retour)

(25) XIXème vol. des Verhandlungen der Berliner Gesellschaft für Ethnologie, p. 241. (Retour)

(26) Schlegel: Indische Bibliothek, Heft I, 1820, p. 87. (Retour)

(27) Cf. Les Vampires, op. cit. ; les chapitres Coutumes et Histoires de vampires. (Retour)

(28) Pachniel Loesche : Loango expedition, 1873-1876, III, p. 317. (Retour)

(29) H. Ludlam, op. cit. (Retour)

(30) Carmilla, de Sheridan LeFanu, 1872, dans le présent volume. (Retour)

(31) Cf. la revue Midi-Minuit fantastique, consacrée à Dracula, 1963, et plus particulièrement les remarquables documents présentés par Jean-Claude Romer. (Retour)

(32) Cf. l’article de Pierre Victor consacré à la Golden Dawn, dans La Tour Saint-Jacques, numéros 2 et 3, 1956. (Retour)

(33)  H. Ludlam, op. cit. (Retour)

(34) Leigh Gardner était membre de la Golden Dawn. Les « informations » de Heym figurent dans ses lettres à moi-même des 17 et 25 mars 1963, et 2 août 1963. Il affirme (17 mars). “ I can give you my word that I have seen Stoker’s name on the list of members of the Order (of the G.D.).” (Retour)

(35)   Aries Press, Chicago, 1936. (Retour)

(36) Aries Press, Chicago. (Retour)

(37) Charles de Hesse, Mémoires de mon temps, Copenhague, 1861, p. 133s. Saint-Germain se prétendait issu des Ragotsky de Transylvanie : « Il me disait être le fils du prince Ragotsky de la Transylvanie et de sa première épouse, une Tékely. » (Retour)

(38) Histoire des pays septentrionaux, écrite par Olaus le Grand. Goth, archevêque d’Upsale et souverain de Svecie et Gothie MDLXI. (Retour)

(39) Bizarre, 3ème trimestre 1962, p. 42. Il est vrai que le même auteur parle ensuite de l’oubli dans lequel tomba le film. (Retour)

(40) Lettre publiée intégralement dans Midi-Minuit fantastique, numéros 4 et 5, p. 161. (Retour)

(41) Lettre publiée intégralement dans Midi-Minuit fantastique, numéros 4 et 5, p. 161. (Retour)

 

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